La période critique de désherbage expliquée

Cette approche reconnue permet d’atteindre le juste équilibre entre les stratégies de prélevée et celles de post-levée

Publié: 10 janvier 2023

desherbage du maïs

Presque tout le monde, y compris le jardinier amateur, sait que la présence de mauvaises herbes dans une culture nuit à son rendement et à la qualité de sa récolte. Ce qui peut être inconnu est l’impact qu’ont les mauvaises herbes sur la culture avant même qu’il y ait eu compétition pour la lumière, l’eau ou les éléments nutritifs. Grâce aux phytochromes – une sorte de photorécepteurs sensibles la lumière du spectre rouge/rouge lointain (780-800 nm) émise par d’autres plantes – les cultures peuvent détecter la présence d’adventices dans leur voisinage selon le spectre de la lumière réfléchie et s’y adapter morphologiquement. Par exemple, une plante peut s’étioler pour éviter d’être ombragée par une autre. Des chercheurs de l’Université de Guelph ont démontré que de tels changements s’amorcent même sous terre, du moins dans le cas du maïs, lorsque la semence qui est train de germer capte les rayons rouge lointain provenant de la surface où croissent des mauvaises herbes.

Voyons de plus près les changements morphologiques qui s’opèrent en présence de mauvaises herbes, leurs conséquences sur la culture et comment cela influencera les opérations de désherbage.

Au cours de leur évolution, les plantes annuelles telles que le maïs, le soja et les céréales ont développé des mécanismes de survie qui permettent de produire une quantité de semence qui corresponde à leurs conditions de croissance et qui assure la pérennité de l’espèce de saison en saison. Cependant, rien dans l’évolution des plantes cultivées ne leur a permis de retarder le mécanisme d’évitement de l’ombre dans l’attente d’un désherbage post-levée qu’effectuera l’agriculteur. Ni même les siècles, voire les millénaires, de sélection végétale par les humains n’ont réussi à éliminer ce comportement.

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En fait, la majorité des changements occasionnés par un rapport bas de lumière rouge/rouge lointain sont néfastes, c’est-à-dire que la culture opte pour une production conservatrice de semence. Ces changements sont documentés dans plusieurs rapports d’études, mais ne seront pas nécessairement observés en même temps, dans tous les champs. Notamment, on a observé une germination plus lente ou plus difficile, un étiolement des plantes, un rapport partie aérienne/racines plus élevé augmentant les risques de verse, un retard dans l’apparition des feuilles, une floraison plus tardive, plus de variabilité de la biomasse des parties aériennes et parfois moins de rendement; tout ça pour avoir retardé le désherbage de post-levée au-delà du stade idéal.

Heureusement, des outils, tel le concept de la période critique de désherbage, nous permettent d’éviter que les cultures n’adoptent inutilement des stratégies d’évitement de l’ombre. En effet, nous disposons d’informations sur la période critique pour beaucoup de cultures, notamment dans le cas du maïs, où elle se situe entre le stade V2 et le stade V8 (4 feuilles à 10 feuilles). Par conséquent, il faut éviter que le maïs ne croisse en présence d’adventices durant cet intervalle. Bien sûr, cette période variera en fonction de la composition et de la densité des communautés d’adventices et de leur synchronisme avec la culture. Par ailleurs, les façons culturales et le taux de semis sont d’autres facteurs qui peuvent retarder ou devancer la période critique. Néanmoins, la période critique de désherbage est une approche reconnue pour optimiser nos interventions, puisqu’elle aide à atteindre le juste équilibre entre les stratégies de prélevée et celles de post-levée. D’autre part, on pourra également moduler sa stratégie en fonction du seuil d’intervention économique des espèces présentes. Sur ce dernier point, il serait utile de connaitre les espèces dominantes de chaque champ et de consigner cette information dans un registre permanent qu’on utilisera pour planifier des stratégies ciblées de désherbage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Marc Montpetit

Jean-Marc Montpetit

Chroniqueur au Bulletin des agriculteurs

Jean-Marc Montpetit est sélectionneur de végétaux et agronome. Il fait aussi de la vulgarisation de concepts agronomiques auprès des agriculteurs.