Ça fait des années que j’ai cessé de suivre les perspectives du Agricultural Forum Outlook qui ont été présentées le 23 février par l’équipe d’analystes et d’économistes du USDA. Pourquoi? Essentiellement parce que ça ne me dit pas grand-chose. Entre la présentation de ces perspectives qui proposent des chiffres concernant les bilans d’offre et demande de grains pour la prochaine année et ce qui se passera vraiment ensuite dans les mois suivants, il existe un monde d’imprévus. Ceci rend l’exercice assez illusoire. Et j’ajouterais que c’est plus vrai que jamais cette année, avec tous les enjeux avec lesquels nous composons déjà : guerre en Ukraine, inflations, hausse de taux d’intérêt, etc.. Et je ne parle même pas de Dame Nature qui aura comme toujours son mot à dire aussi.
Bref, on peut regarder ces chiffres par curiosité, mais sans plus à mon avis.
Cela dit, dans ces perspectives présentées hier, on utilise un rendement moyen pour le maïs cette année de 181,5 boisseaux/acre (11,4 t/ha) pour faire la projection du bilan du maïs de l’an prochain. Ceci n’a pas manqué de faire sourciller plusieurs analystes des marchés, avec raison. On parle ici d’un bond annuel du rendement moyen américain qui serait de +8,2 bo./acre (+0,5 t/ha), ce qui en ferait aussi un nouveau rendement record américain pour le maïs dépassant de loin le précédent il y a deux ans à 176,7 boisseaux/acre (11,1 t/acre).
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Et comment l’équipe du USDA en arrive à cette prévision? Je cite…
« The yield projection of 181.5 bushels per acre is based on a weather-adjusted trend assuming normal planting progress and summer growing season weather. »*
* La projection de rendement de 181,5 boisseaux à l’acre est basée sur une tendance ajustée météo en considérant une progression des ensemencements et des conditions météo estivales normales pendant la saison.
Bien que la projection de rendement m’apparaisse un peu riche, cette hypothèse m’apparaît néanmoins crédible. Pourquoi?
D’une part, après 3 ans de La Nina, on prévoit pour l’instant un retour à des conditions météo plus favorables cette année. Ça vaut ce que ça vaut bien entendu. Mais si on part du principe que la météo peut être favorable, effectivement le rendement moyen américain peut bondir…
D’autre part, historiquement, il n’est pas nécessairement rare de voir le rendement moyen américain bondir à un record, et parfois de beaucoup…
Par curiosité, vous me connaissez, j’ai d’ailleurs fait l’exercice dont voici les résultats.

Ce premier graphique illustre le rendement moyen américain depuis 1990. J’ai mis en vert les années de nouveau record, et en bleu la projection du USDA de 2023. Le constat est simple, sur une trentaine d’années, oui il arrive que le rendement américain bondisse de manière importante à de nouveaux niveaux record d’une année à l’autre.

Si on approfondit un peu plus ses chiffres, et qu’on porte ensuite une attention aux variations annuelles du rendement moyen américain de maïs depuis 1990, le second graphique, on réalise qu’il est aussi assez régulier de le voir bondir considérablement, et même parfois de beaucoup plus que les +8,2 bo./acre que l’équipe du USDA a utilisé cette année dans ses perspectives.
Bref, s’il est tout à fait légitime de remettre en question ce chiffre de rendement assez riche qu’utilise le USDA pour établir son bilan d’offre et demande du maïs aux États-Unis pour la prochaine année, celui-ci n’est pas nécessairement aussi irréaliste qu’on pourrait le croire.
Et c’est bien là le danger si on parle de mise en marché de sa prochaine récolte de maïs. Que le 181,5 bo./acre soit le bon chiffre ou non, le fait est qu’il demeure très possible que le rendement moyen américain grimpe, et par ricochet la récolte américaine aussi. On ne peut même pas exclure non plus la possibilité qu’il soit même passablement plus élevé que le 181,5 bo./acre dont on parle. Il n’y a qu’à jeter de nouveau un coup d’œil au premier graphique que je vous ai présenté pour le constater.
Alors que les analystes et économistes du USDA aient raison ou non avec ce rendement élevé, question gestion de risque, ça n’en reste pas moins un élément important à considérer dans l’équation de la mise en marché de sa prochaine récolte…