Qu’est-ce qui influence LE PLUS le prix du maïs au Québec?

Qu’est-ce qui influence LE PLUS le prix du maïs au Québec?

Il y a quelques semaines, j’ai présenté un billet sur ce blogue qui proposait une brève analyse de l’impact que pouvait avoir éventuellement une réduction des abattages de porc au Québec sur le prix du maïs.

Dans cette brève analyse, je mettais en relief qu’il y a, en réalité, de nombreux facteurs à considérer lorsqu’on essaie de sous-peser les éléments qui peuvent affecter le prix du maïs.

  • Les superficies ensemencées
  • La production
  • La demande (animale, éthanol, alimentaire, etc.)
  • Les importations et exportations
  • Le comportement du prix à la bourse (Chicago)
  • Les fluctuations du dollar canadien

Bien que la demande locale (spécialement celle de porc) ait un impact à considérer, de loin, ce qui ressortait le plus de mon analyse que j’avais approfondie pour ma présentation en mars pour Réseau Végétal Québec, c’est la production.

Je vous joins un graphique que j’avais préparé pour l’occasion.

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Pour chaque culture, il existe un moment où une simple marche dans la parcelle permet de détecter les anomalies susceptibles d’affecter le rendement et dont les symptômes peuvent s’estomper avant la récolte.

Celui-ci met en relief le comportement de la base locale*, la ligne pointillée, avec les récoltes de maïs au Québec que nous avons obtenues depuis 1998. Lorsque nous avons obtenu une moins bonne récolte, j’ai mis les barres en rouge et lorsqu’elles étaient meilleures, je les ai mises en vert.

*La base représente l’écart qu’on observe entre le prix de référence à la bourse de Chicago et notre prix local à nous.

Ce qu’on constate saute aux yeux. Selon qu’on ait obtenu une meilleure ou moins bonne récolte de maïs, la base au Québec a réagi en conséquence dans 80% des cas. Les barres en bleu sont les exceptions à la règle; le 20% de cas où le comportement de la base n’a pas été conséquent.

Bref, ce qu’illustre très bien ce graphique, c’est qu’il y a très souvent un lien direct entre une bonne et une moins bonne récolte au Québec, et la fermeté ou non de notre prix du maïs suivant la récolte. Et on parle parfois d’un impact assez considérable, de l’ordre de 0,40 à 0,80 $US/bo, soit de 20 à 40 $CAN/tonne avec notre taux de change actuel autour de 1 $CAN pour 0,74 $US.

Ce phénomène est d’autant plus intéressant qu’il parvient même à défier l’effet que peut avoir aussi la bourse de Chicago sur nos prix. Je m’explique.

Généralement, lorsque le marché à Chicago est, par exemple, en forte hausse, la règle veut que sur le marché local, la base soit en recul. Autrement dit, avec le prix à Chicago en forte hausse, les acheteurs locaux tentent d’en mitiger les effets en réduisant la base. L’inverse est également vrai, un fort recul à Chicago freine les ventes des producteurs de maïs, et les acheteurs doivent alors compenser en faisant grimper la base pour parvenir à obtenir du maïs. 

Néanmoins, si vous jetez un coup d’œil de nouveau au graphique, vous remarquerez que, par exemple, en 2020, nous avons eu une mauvaise récolte; la plus faible en cinq ans. Or, on se rappelle que l’automne 2020 a marqué le début de l’incroyable rallye à la bourse qui a fait grimper dans les deux dernières années le prix du maïs à son plus haut depuis 2012. Et pourtant, la base au Québec n’a pas manqué de monter elle aussi à un niveau très élevé en 2020, défiant la règle voulant pourtant qu’un prix à Chicago élevé écrase cette base.

Bref, au cours de la période de 2020 à 2021, avec une mauvaise récolte au Québec en 2020 derrière la cravate et une forte hausse à la bourse, nous avons alors obtenu la combinaison parfaite : une base et un prix à Chicago élevé. Au Québec, ceci aura d’ailleurs permis au prix du maïs de franchir rapidement la barre du 300 $Can/tonne pour la première fois depuis 2012.

L’importance de notre récolte au Québec a donc finalement beaucoup… beaucoup d’incidence sur le prix que nous obtenons pour le maïs.

L’un des enjeux que nous avons cependant dans notre marché local au Québec, c’est le manque d’informations sur les récoltes à venir. Et pourtant, on comprend que cette information est essentielle si on veut rapidement ajuster le tir; bien adapter sa commercialisation, selon non seulement ce qu’il se passe à Chicago, mais aussi selon notre réalité locale de marché pour les mois à avenir.

Dernièrement, sur Twitter, j’ai vu un fil de discussion qui mentionnait le billet que j’avais écrit sur ce blogue à l’automne 2020 à l’effet que le maïs allait dépasser les 300$/tonne (Du maïs à 300 $/tonne?). Je me rappelle le brin de scepticisme que certains avaient soulevé à cette idée. Mais dans les faits, avec les informations que nous avions sous la main de la Tournée des grandes cultures et de l’État des cultures, nous savions que nous avions une récolte décevante. Nous savions également que plusieurs imprévus avaient fait surface pour propulser à la hausse le marché à Chicago. Prévoir ensuite que le prix du maïs au Québec allait passer le cap du 300$/tonne en 2020-2021 ne relevait pas de la cartomancie. Nous avions toutes les informations nécessaires sous la main.

Et cette année qu’en est-il? Bien franchement, les astres sont bien mal alignés pour le moment à Chicago. Il reste certainement possible que des imprévus météo cet été change la donne. Mais, si ce n’est pas le cas, il ne faudrait pas s’étonner qu’à Chicago, on glisse sous la barre du 5,00 $US/bo, et éventuellement même vers les 4,00-4,40 $US/bo. Et au Québec, pourrons-nous mieux nous en tirer?

Comme le révèle l’analyse que j’ai faite en mars dernier, beaucoup dépendra de ce que nous obtiendrons comme récolte cet automne. Et pour le savoir, je vous invite à jeter un œil et à participer à l’État des Cultures!

L’État des cultures est un petit sondage hebdomadaire qui ne prend qu’une minute à remplir, à partir de l’application mobile de Grainwiz (Téléchargez l’application mobile en cliquant sur les liens suivants: App Store et Android), sur une base volontaire et selon votre disponibilité. Vous n’avez pas le temps cette semaine, pas de problème. L’important est que plus il y aura de participants qui répondent lorsque c’est possible, plus nous pourrons obtenir une bonne évaluation des récoltes à venir.

Cette année, les participants peuvent aussi obtenir plus d’information sur les UTM et les précipitations dans leur région. La fonction de partage des photos a été aussi améliorée. Les cultures de blé de printemps et de blé d’automne ont été ajoutées, puis c’est maintenant l’ensemble des régions agricoles qui sont couvertes.

Pour en savoir plus et vous inscrire —-> Ça m’intéresse!

Bon début de saison à tous !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.