Réussir l’exploit de s’éloigner de la ferme!

Je n’avais jamais quitté la ferme plus de trois dodos d’affilée

Publié: 11 mars 2025

Il suffit d'écouter le ruisseau et l'appel du printemps se fait entendre. Je suis de retour! 

Je viens de traverser une nouvelle étape : réussir à m’éloigner de la ferme pendant neufs dodos. Ça fait déjà trois ans que j’y travaille! Quand même bizarre de travailler afin d’arriver à décrocher. Il m’arrivait souvent de prendre une semaine de vacances. Deux jours de sortie interrompue par un p’tit deux heures de bureau informel, un chargement de grain pour satisfaire un client ou un peu de déneigement dans la cour, sans oublier Maki qui a tendance à me faire la baboune quand je m’absente trop longtemps.

Aujourd’hui, je réalise que je n’avais jamais quitté la ferme plus de trois dodos d’affilée. À 61 ans, c’est un peu gênant! Pas que je n’aurais pas pu le faire avant, mais je n’en ressentais pas le besoin. Mais depuis trois ou quatre ans, j’y travaille afin de me discipliner à m’organiser pour sortir de la ferme. Pas facile quand t’es accroché comme si tu avais un cordon ombilical connecté à ta passion. Il arrive un moment où il faut sortir les ciseaux.

Voilà six ou sept ans, j’ai fait le tour de mes responsabilités et de mes engagements avec un analyste extérieur. Constat: Paul faudrait que tu te gardes un peu plus de temps pour toi! Ton horaire est trop chargé. Facile à dire, pas nécessairement facile à faire. Faut dire que dans les 15 dernières années, j’ai mis beaucoup de temps dans ma nouvelle passion de vulgarisation ma profession, de même que l’ajout de certaines tâches administratives.

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Dans certaines périodes intenses, comme celle-ci, on a l’impression qu’il y a plus de tâches que de ressources humaines. Tout devient une gestion des priorités.

Pas de problème, j’suis capable d’en prendre. Par contre, je sentais de plus en plus les effets de l’épuisement lors de mes fins de saison. Tout juste avant la période des Fêtes jusqu’en début janvier, je me transforme en Grinch de Noël. Je réussis à compenser avec les sports d’hiver. Respirer le grand air, ça me fait du bien. Pour déclencher l’urgence d’agir, il aura fallu une fin de saison en particulier qui m’avait semblée décevante, parce qu’après plusieurs tentatives d’organiser mieux mon temps, je réalisais que je n’avais pas réussi.

J’avais même l’impression que j’avais encore moins de temps. Et pour la première fois, je sentais l’urgence de finir ma saison. J’étais épuisé, habité de l’impression d’un vide à l’intérieur accompagné d’un sentiment d’échec, comme si je réalisais enfin que je ne pourrais pas tenir ce rythme. Un vide d’une quinzaine de jours qui m’a semblé interminable et pendant lequel je réalisais que mes 3000 heures de travail par année depuis l’âge de 18 ans commençaient peut-être à se faire sentir.

J’ai donc commencé à mettre des limites pour la quantité de présence public, d’implications diverses et commencer une « certaine » rationalisation de nos opérations tout en planifiant déléguer certaines tâches afin de me dégager du temps. Ça avance, mais je dois encore y travailler. J’ai ajouté plusieurs journées de neige à mon horaire hivernale.

Et voilà que je trouve un bel endroit retiré en montagne loin des plaines recouvertes de blé d’hiver. Ma première vraie semaine de relâche à vie! Seulement ma conjointe, moi et le grand air, les deux pieds dans la neige à chaque jour sur la montagne et même pendant la journée de pluie. Même en période de repos, il faut que je bouge. Tellement que je n’ai pas eu le temps de lire le livre que je m’étais apporté.

J’ai réussi à oublier mes soucis agricoles. Je sens mon cœur qui pompe, la tuque relevée et mes oreilles bouillantes. Feux de foyer au retour accompagné d’une petite bière dans un silence total. Et chaque matin, je me réveille avec une vue sur la montagne que je m’apprête à apprivoiser. Marche, raquette, ski et ma première expérience de ski de randonnée. J’ai vraiment décroché.

Ah ouin, j’avoue que j’ai triché le mercredi matin afin de compléter mon formulaire de rétribution des bonnes pratiques agricoles. Faudrait bien éviter la semaine de relâche la prochaine fois! Au final, il n’y a rien là! Ça m’a pris sept minutes pour compléter le formulaire. Et j’ai immédiatement repris mon rythme de vacances.

Quelques heures plus tard, je me retrouve en pause biscuit, je regarde la neige blanche sur le lac et je ne me lasse pas! J’ai hâte à ma prochaine escapade que je planifie déjà. Si je ne le fais pas, personne ne va le faire à ma place. Mais quand j’ai entendu le bruit du ruisseau dans la montagne, j’ai immédiatement ressenti l’appel du printemps. C’est bon signe… j’ai encore le feu sacré! Je suis de retour!

Profession agriculteur.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.