Des prix stables à prévoir dans un contexte très volatil

Le rapport a offert quelques surprises dont des superficies plus élevées que prévues pour le maïs et l’inverse pour le soya

Publié: 2 avril 2025

Des prix stables à prévoir dans un contexte très volatil

Le département américain de l’Agriculture (USDA) a dévoilé le 31 mars ses prévisions de semis pour les grandes cultures américaines. Un webinaire organisé par Le Bulletin des agriculteurs a fait l’analyse des différents chiffres présentés, grâce à l’analyse du fondateur de Grainwiz et de la Tournée des grandes cultures et blogueur, Jean-Philippe Boucher.

Le rapport a offert une projection dans les attentes, mais en accentuant les tendances avec des superficies plus élevées que prévues pour le maïs et l’inverse pour le soya. Les semis de blé seraient également moindres qu’anticipés par le gouvernement américain. Les intentions représentent des superficies très élevés dans le maïs, dans les plus importantes depuis 2013 et dans les plus faibles des cinq dernières années pour le soya et le blé.

En bref, le rapport de mars de l’USDA estime que les agriculteurs américains planteront 95,3 millions d’acres de maïs en 2025, 83,5 millions d’acres de soya et 45,4 millions d’acres de blé.

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Les implications pour le maïs

Selon Jean-Philippe Boucher, il risque d’y avoir une très, très bonne récolte de maïs pour la saison 2025 à environ 386,6 millions de tonnes (175,6 boisseaux à l’acre contre 179,3 en 2024), mais la demande pourrait avoir un impact important sur le prix. Cette dernière pourrait plafonner pour deux raisons, soit la grippe aviaire et le cheptel porcin qui est un peu moins élevé qu’anticipé. Les nouvelles concernant l’éthanol sont toutefois bonnes avec un projet de loi dans les cartons qui garantirait une certaine quantité dans les carburants. Les exportations sont aussi jugées bonnes, mais l’élément Trump vient bousculer les cartes. « Trump est l’élément le plus difficile à considérer en rapport avec les tarifs en considérant l’ampleur des tarifs qui pourraient être imposés le 2 avril et la réaction sur des partenaires économiques mondiaux », a dit Jean-Philippe Boucher.

Par conséquent, la fourchette de prix anticipée pour le maïs est très large. La bonne nouvelle est que la tendance baissière qui dominait depuis deux ans est brisée. Cela donne donc des prix dans un scénario réaliste de 4 à 5 $US, optimiste de 5 à 5,60 $US et pessimiste entre 3,60 à 4 $US le boisseau.

Du côté du soya

Avec des prévisions d’ensemencement en recul, il difficile de voir une production plus forte que celle des dernières années, mentionne Jean-Philippe Boucher. La production se situerait, selon des projections réalistes, à 113,8 millions de tonnes (50,7 boisseaux à l’acre contre 50,7 en 2024). Les principaux facteurs incluant la trituration et les exportations sont plutôt dans une tendance négative, surtout les exportations avec la récolte sud-américaine qui sera bientôt sur le marché. Les discussions en cours concernant le biodiésel sont toutefois encourageantes et les stocks, plus serrés que la moyenne, donnent des signes encourageants. L’ombre de Trump est toutefois également présente ici, avec ses conséquences imprévisibles. En tenant compte de ces variables, le prix pourrait se situer entre 9,50 à 12,10 $US pour une perspective réaliste, optimiste de 12,10 à 14,80 $US et pessimiste, 9,00 à 9,50 $US. « Mais ce serait plus étonnant de retourner à ce niveau », indique l’analyste.

Et le blé?

Les prévisions d’ensemencements sont à la baisse pour 2025, ce qui fait qu’il sera très difficile d’avoir une production supérieure à celle de 2024. L’analyste entrevoit une production de 47,2 millions de tonnes (48,1 boisseaux à l’acre contre 51,2 en 2024). La demande n’a pas été au rendez-vous, mais elle pourrait se redresser en 2025. Les mêmes circonstances que pour le maïs jouent ici au niveau de l’alimentation animale. Du côté des plus, les exportations vont bien et les stocks devraient diminuer, ce qui donne comme perspective réaliste pour les prix de 5,20 à 7,50 $US, optimiste de 7,50 à 8,40 $US et pessimiste de 4,75 à 5,20 $US.

Le Québec en 2025

Statistique Canada a dévoilé les résultats de son sondage auprès des producteurs agricoles quant aux intentions d’ensemencement.

Un recul est anticipé pour le soya au Québec pour 2025, mais la culture demeure la favorite pour une 5e année consécutive. Le maïs poursuit sa baisse qui semble cependant se stabiliser. Il faut faire attention aux chiffres présentés, dit Jean-Philippe Boucher, puisque les données de l’an dernier pour le Québec ont été inverses aux prédictions. Les impressions partielles sur le terrain indiquent plutôt une hausse des superficies de maïs. Une progression du maïs-ensilage de 2% est anticipée. Pour le blé, les superficies plafonnent, ce qui cache toutefois que « le blé d’hiver est en feu et remplace de plus en plus le blé de printemps », indique-t-il.

L’avoine et l’orge sont les mal aimés. L’avoine décline toujours, mais l’orge semble se stabiliser. Une forte baisse est anticipée pour le canola, une tendance due aux prix et les tarifs chinois. Les superficies en seigle sont en hausse de 57%, un chiffre à tempérer en raison des faibles superficies au Québec.

Pour la production du maïs, le rendement progresse d’année en année au Québec et fait en sorte que les prévisions sont de 3,46 millions de tonnes l’an dernier pour 9,8 tonnes métriques à l’hectare.

Le regain quant aux prix sur le marché québécois en ce moment est lié aux exportations, probablement en raison du huard faible. La demande locale demeure ambiguë avec la production porcine. Si la récolte est moins abondante cette année, cela favoriserait un meilleur prix au Québec, souligne-t-il.

Pour le soya, l’analyste prévoit un rendement moyen de 3,22 tonne métrique à l’hectare pour une récolte totale de 1,27 million tonnes pour 2025. Le marché local recule en ce moment. « Même si la récolte est moindre qu’en 2024, elle demeure importante, ce qui jouera sur les prix. », explique M. Boucher.

La production anticipée pour le blé se situe dans une fourchette large de 200 000 à 350 000 tonnes, avec un chiffre moyen de 297 000 tonnes, en raison des problèmes météo qui pourraient jouer. Le chiffre moyen par tonne métrique se situe à 3,36 « La base au niveau des prix est plus soutenue au Québec dernièrement, ce qui est encourageant. »

Prix au Québec

Les perspectives du dollar en ce moment se situent sur une tendance baissière, avec une possibilité de descendre au niveau de mars 2022 à 0,62 $US. Les tendances en ce moment sont au neutre, mais différents scénarios ont été présentés. Attention, ce ne sont pas des prévisions pour les prochains mois, mais selon ce qu’on sait aujourd’hui, un aperçu de leur situation l’an prochain. Ce sont des prix cibles pour 2025 et 2026.

Pour le maïs, le scénario réaliste du prix à la ferme au Québec est de 223 à 328 $CA (par tonne métrique), optimiste de 285 à 371 $CA, et pessimiste de 191 à 251 $CA.

Pour le soya, le scénario réaliste est de 479 à 634 $CA (par tonne métrique), optimiste de 628 à 788 $CA et pessimiste de 442 à 490 $CA.

Pour le blé, le scénario réaliste est de 277 à 415 $CA (par tonne métrique), optimiste de 410 à 474 $CA et pessimiste de 248 à 293 $CA.

Météo

Au-delà du contexte géopolitique, la météo est ce qui mène le plus les grains, fait valoir Jean-Philippe Boucher. Dans cette perspective, l’horizon est plutôt calme avec la fin de la Nina et rien de préoccupant pour le printemps. Les prévisions y vont de températures fraîches pour le printemps, ce qui pourrait retarder les semis des deux côtés de la frontière. Il faudra garder un oeil sur les conditions de sécheresse aux États-Unis en raison de l’étendue des situations préoccupantes. Le spécialiste n’anticipe pas ce genre de problème pour le Québec, même si le mercure pourrait être plus élevé que la normale.

Conclusion

Jean-Philippe Boucher a terminé la présentation en rappelant que la tendance baissière des deux à trois dernières années était terminée, et qu’il serait étonnant de revisiter les creux atteints récemment. Il faudra tenir compte des guerres tarifaires qui vont mener à plus de volatilité, mais avec des opportunités de pointes haussières.

Il faut retenir que le blé et le soya sont favorisés au niveau des prix avec moins de production prévue en 2025.

Pour le long terme, l’analyste est optimiste, mais il est difficile d’anticiper quoi que ce soit pour le court terme. « On fait face à un Trump encore plus agressif qu’anticipé avant les élections. »

L’économie canadienne risque d’être malmenée, à cause de la guerre tarifaire, mais le dollar faible pourrait procurer des possibilités de marché à l’international.

Pour revoir le Webinaire, il est en ligne ici , ou cliquez sur l’image ci-dessous.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.