Si le sommet 2024 du Groupe Export avait comme thème les opportunités pour les produits québécois, celui de juin dernier a plutôt ciblé la diversification, un changement révélateur des bouleversements des derniers mois imposés par les tarifs américains.
Le président-directeur général du Groupe Export, Martin Lavoie, confirme que le climat d’affaires a changé au niveau du commerce international. « Ce n’est pas tant depuis la dernière année que dans les six derniers mois que les choses ont changé. Même si paradoxalement le commerce avec les États-Unis a augmenté dans la dernière année, la cible pour le commerce est maintenant le Mexique. On commence à regarder aussi vers l’Ouest canadien », dit-il en entrevue.
Il serait faux d’ailleurs de dire que les opportunités n’existent plus en 2025, ajoute le dirigeant de l’association qui regroupe le plus grand nombre d’exportateurs de produits agroalimentaires au Canada. « On a eu de l’incertitude liée aux menaces tarifaires, c’est un des deux éléments marquant du marché aujourd’hui. L’autre est que le contexte pour de la diversification et de l’ouverture n’a jamais été aussi favorable qu’en ce moment », indique-t-il.
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Le secteur agricole peut avoir comme réflexe de penser au porc comme produit exportable, mais Martin Lavoie fait remarquer que ce marché est déjà très diversifié. Il pense plutôt au segment des fruits de mer et des petits fruits où les possibilités sont intéressantes, au-delà des États-Unis. Certaines commodités se diversifient plus facilement, question de durée de vie du produit ou de son intégration dans certains marchés. Par exemple, les grains québécois peuvent être entreposés sur d’assez longues périodes et leurs possibilités de diversifications vers d’autres marchés sont plus élevés que le sirop d’érable qui est assez intégré avec le marché des États-Unis, fait remarquer le PDG.
Pour certains marchés d’exportation, les attentes doivent être relativisées. En Europe, la question sanitaire et phytosanitaire demeure et limite l’entrée de produits québécois et canadiens, malgré des ententes de libre-échange, estime Martin Lavoie. C’est aussi une question culturelle. L’attitude naturelle des Européens consiste à encourager d’abord les produits locaux par rapport aux produits étrangers, même s’ils viennent d’autres pays de l’Union européenne. On peut donc imaginer la difficultés de produits d’ici à intégrer ce genre de marché, explique-t-il. Où une ouverture pourrait être créée serait dans notre offre de produits qui est beaucoup plus nord-américaine dans sa nature, par exemple la sauce BBQ, en remplacement de produits américains.
Le PDG anticipe que le mouvement d’achat local observé ici en réaction aux tarifs américains aura un effet bénéfique pour les produits canadiens. « Le bénéfice risque d’être plus durable sur les habitudes d’achat qui sont très difficiles à changer habituellement. »
La volonté des exportateurs est d’aller vers de la croissance, indique Martin Lavoie. « Les États-Unis représentent 72% de notre marché d’exportation. Il y a moyen de développer d’autres marchés. » À ce chapitre, une politique bioalimentaire avec des chiffres précis pourrait aider, selon lui.
Le vrai test se verra dans les prochains mois. En début d’année, les acheteurs ont « boosté leurs stocks » afin de se prémunir contre les tarifs, dit le PDG. Au-delà des hausses en dollars des exportations, il faudra surveiller le volume des ventes afin de vérifier les tendances. Pour l’instant, le mouvement semble se faire davantage à l’intérieur du Canada et dans une moindre mesure vers des marchés extérieurs.
Le Québec semble s’être tiré d’affaires sur cet aspect, pour le moment, mais comme le dit Martin Lavoie, perdre un marché pour en gagner un autre n’est pas simplement des vases communicants : des marchés ont tout simplement plus de valeur pour une même marchandise. Les éleveurs de porcs pourraient à ce chapitre comprendre ce que cela signifie, puisqu’ils ont perdu des parts de marché en Chine pour en gagner en Philippines, ce qui s’est tout de même traduit par une baisse du chiffre d’affaires sur le marché asiatique.
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