Si l’absence d’imposition de tarifs douaniers de 25% dès l’assermentation de Donald Trump a été bien accueillie au Canada, le répit a été de courte durée. Alors que le sujet a été absent de ses nombreux discours, le nouveau président américain a déclaré que les tarifs pourraient survenir dès le 1er février, en réponse à des questions posées par la presse en soirée lundi le 20 janvier. Le Mexique serait aussi visé par des tarifs de 25%.
La raison invoquée est le manque de vigilance allégué aux frontières qui permettrait de laisser entrer des immigrants illégaux et du fentanyl. Donald Trump a souvent fait allusion au déséquilibre de la balance commerciale entre ses deux principaux partenaires commerciaux. Il compte aussi sur ces tarifs pour renflouer le déficit américain.
À savoir s’il agit d’une tactique de négociation du nouveau locataire de la Maison-Blanche à plus d’un an du renouvellement de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), seul le principal intéressé semble le savoir. Parmi les mesures annoncées le 20 janvier, il est question d’étudier les relations commerciales des États-Unis pour un rapport promis le 1er avril, autre date évoquée pour l’imposition des tarifs douaniers.
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Secteur agroalimentaire
Une telle mesure de la part des États-Unis serait catastrophique pour le secteur agroalimentaire, indique Jean-Philippe Gervais, vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à Financement agricole Canada (FAC). « Ces tarifs seraient extrêmement nuisibles, mais avec des effets différents selon les secteurs. Pour le Québec, on peut penser que la production porcine pourrait être affectée en tant que secteur tourné vers l’exportation. On ne les nomme pas souvent, mais les transformateurs alimentaires seraient affectés, tout comme les fournisseurs de certains produits vendus aux États-Unis », dit-il.
L’économiste explique que certaines filières agricoles sont plus exposées que d’autres, telles que la production en serre en Ontario qui exporte la majorité de sa production aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas pour le Québec. On pourrait s’attendre aussi à des impacts pour les machineries agricoles, alors que les conséquences seraient moindres pour les céréales vendues aux États-Unis.
Jean-Philippe Gervais explique que les États-Unis seraient tout aussi affectés pour certains produits, comme pour l’acier et l’aluminium qui entrent dans la fabrication de machineries et équipements agricoles, ou dans la composition de produits alimentaires.
Diversification des marchés
Avec près des deux-tiers des produits agricoles canadiens prenant la direction des États-Unis, il sera difficile, voire impossible de diversifier les marchés pour les producteurs agroalimentaires canadiens à court terme. « On pourrait diversifier nos marchés, oui mais c’est beaucoup plus compliqué pour nos exportateurs et cela implique des coûts additionnels », explique le spécialiste. Le Canada a mis beaucoup d’efforts pour développer les marchés asiatiques, dit en exemple Jean-Philippe Gervais, mais ces initiatives prennent du temps.
Le premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé qu’il répliquerait à des tarifs américains dès leur annonce. Certains produits ont déjà été ciblés, dont le jus d’orange, mais d’autres pourraient suivre. Les premiers ministres des provinces et des territoires ont offert un front uni, à l’exception de l’Alberta. Un comité consultatif d’experts a de plus été annoncé par Justin Trudeau. Ce Conseil sur les relations américaines regroupe d’anciens premiers ministres des provinces, ainsi que l’ambassadrice du Canada à Washington, Kirsten Hillman, l’ancien négociateur en chef pour le nouvel ALENA, Steve Verheul, la présidente du syndicat Unifor, Lana Payne, et le président de l’Union des producteurs agricoles du Québec, Martin Caron.
Sans commenter cette annonce, l’économiste de la FAC voit d’un bon œil ce type de préparation par rapport aux tarifs et sur la manière dont le Canada pourrait agir. « C’est une bonne stratégie de se préparer et bâtir les forces sur les manières de répliquer pour certains moteurs économiques clefs, comme l’agriculture ».
Jean-Philippe Gervais ajoute que face à l’incertitude et au risque, il incite les producteurs à se préparer. « Il faut développer des plans et se concentrer sur ce qu’on peut contrôler. »
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