Au tour de la Chine d’imposer des tarifs douaniers

Le marché chinois représente environ 300 M$ de revenus du secteur porcin

Publié: 11 mars 2025

Au tour de la Chine d’imposer des tarifs douaniers

Le Canada ne connait pas de répit sur le front des tarifs douaniers. Après les États-Unis et ses multiples tarifs et menaces dans ce sens, c’est au tour de la Chine d’imposer des tarifs douaniers qui risquent de faire très mal aux secteurs agricoles québécois et canadien.

Dans une décision rendue publique le 8 mars, la Chine a indiqué qu’elle mettrait en place des tarifs de 25% sur le porc, les produits aquatiques, les pois et le tourteau de soya, en plus de tarifs supplémentaires de 100 % sur l’huile de canola.

Selon le pays asiatique, la décision du Canada en septembre 2024 d’imposer des tarifs de 100% sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, et de 25% sur l’acier et l’aluminium chinois « porte atteinte aux entreprises chinoises et nuit à l’ordre normal du commerce ». « La Chine exhorte le Canada à corriger immédiatement ses mauvaises pratiques, à lever ses mesures restrictives et à éliminer ses effets négatifs », a ajouté le ministère du Commerce chinois dans un communiqué émis le 8 mars.

À lire aussi

Le producteur de pommes de terre Martin Goyet en compagnie de sa récolteuse

Martin Goyet, producteur de patates pour Lay’s

Martin Goyet est bel et bien réel! Son jeu dans la nouvelle publicité des croustilles Lay’s est tellement juste qu’on se pardonne de soupçonner un acteur dans la peau d’un personnage fictif. Le Bulletin des agriculteurs l’a contacté pour discuter de son entreprise familiale et de sa saison 2025.

La Fédération canadienne de l’agriculture (FCA) a réagi par voie en insistant sur les impacts pour le secteur agricole et l’importante des gouvernements de le soutenir. « Ces droits de douane imposés par la Chine n’auraient pas pu tomber à un pire moment, alors que les producteurs canadiens luttent déjà contre des mesures commerciales injustes et injustifiées de la part des États-Unis », a déclaré Keith Currie, président de la FCA.

Le secteur porcin encore ciblé

Les impacts prévus pour les éleveurs de porc sont dramatiques. Même si les transformateurs d’ici ont réduit de 38% leurs exportations en Chine entre 2023 et 2024, le pays demeure un marché central. Le marché chinois représentait environ 202 M$ de revenus en 2024 (ou 11% des exportations totales), mais permet surtout d’écouler certaines coupes de la carcasse (les abats, la tête, les pattes et la queue) pour lesquelles les débouchés sont inexistantes, explique Louis-Philippe Roy, président des Éleveurs de porcs du Québec (EPQ). « Ce marché est essentiel pour assurer une rentabilité dans la filière porcine et, surtout, éviter de gaspiller des coupes comestibles. Nous avions mis en garde le gouvernement du Canada en août dernier de possibles représailles de la Chine à la suite de leurs tarifs sur les véhicules électriques chinois et leur demandions de préparer un plan de compensation pour les impacts financiers qui s’en suivraient. Nous souhaitons donc voir un programme d’aide être annoncé très rapidement ».

Le secteur porcin se remet à peine d’un premier choc causé par un premier resserrement du marché chinois à la suite de l’affaire Huawei. La pandémie, l’inflation et les problèmes de main-d’œuvre ont également affecté grandement les éleveurs. Dans ses plus récents résultats financiers Sollio Groupe Coopératif a déclaré, par le biais de sa filiale Olymel, que la section porc frais Est était encore déficitaire en 2024.

M. Roy prévient que les prix pour les produits du porc au Québec pourraient grimper. « À court terme, on ne voit pas de modification sur le prix des coupes au Québec. Toutefois, si les tarifs devaient perdurer, les tarifs pourraient avoir un impact sur le prix puisqu’ils priveraient la filière d’une source de revenu. »

Les Prairies également dans le viseur de la Chine

Pour le Conseil canadien du canola (CCC), « les nouveaux droits de douane imposés par la Chine sur l’huile et le tourteau de canola canadiens auront un impact dévastateur sur les producteurs de canola et sur la chaîne de valeur dans son ensemble, à une époque où les échanges commerciaux et l’incertitude géopolitique sont accrus ». Chris Davison, PDG du CCC, a exhorté le gouvernement fédéral à ouvrir les discussions avec la Chine afin de résoudre la situation.

« Avec cette annonce, les producteurs canadiens de canola sont confrontés à une situation d’incertitude commerciale sans précédent sur nos deux plus grands marchés d’exportation, quelques semaines seulement avant le début des semis », a déclaré Rick White, président et chef de la direction de la Canadian Canola Growers Association (CCGA). Il a ajouté qu’il s’attendait à ce que le « gouvernement réagisse avec un plan de compensation financière proportionnel aux pertes subies ».

Selon le CCC, les exportations totales vers la Chine en 2024 étaient évaluées à près de 5 G$.

Le secteur de la pêche anticipe des dommages tout aussi importants se comptant dans les milliards de dollars, puisque la Chine est le deuxième acheteur de produits de la mer.

Le Conseil d’affaires Canada-Chine (CACC) estime que les contre-tarifs auront un impact de plusieurs milliards de dollars sur les exportations canadiennes vers la Chine. L’organisme invite à plus de diversification dans les échanges commerciaux et à élargir son engagement économique, notamment dans la région Asie-Pacifique. Le CACC rappelle que la Chine est le deuxième partenaire commercial du Canada.

À lire aussi:

Les travailleurs de rang à la rescousse

La guerre commerciale est lancée

Tarifs américains, à quoi s’attendre?

Tarifs américains : catastrophiques pour le secteur agroalimentaire

Tarifs américains : un choc structurel pour le Québec, selon Desjardins

Tarifs américains : soulagement et contreattaque à l’UPA

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.