Menaces tarifaires : « Prenons notre gaz égal »

Malgré les menaces de Donald Trump, l’agronome Vincent Cloutier recommande de rester calme

Publié: 20 mars 2025

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Vincent Cloutier a offert une conférence sur les effets de la guerre tarifaire dans le cadre du Rendez-vous laitier AQINAC 2025.

« Ceux qui croyaient à une stratégie cohérente se rendent à l’évidence : l’administration Trump opère dans le chaos le plus total », affirme l’agronome Vincent Cloutier, directeur principal stratégie agriculture à la Banque Nationale.

Face aux turbulences des dernières semaines en lien avec les tarifs imposés par Donald Trump comme président des États-Unis et les contre-tarifs canadiens qui ont suivi, l’AQINAC a modifié le programme de son Rendez-vous laitier du 19 mars pour ajouter une conférence sur le sujet.

Le président du comité organisateur de l’évènement, Marcel Lévesque de Lactech, explique en entrevue que c’est une demande qu’ils ont eue il y a deux semaines. Vincent Cloutier a été sollicité parce qu’ils savaient qu’il avait la capacité d’aborder la question dans un style dynamique.

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« Message numéro un : prenons notre gaz égal. Je ne suis pas de ceux qui voient dans ces pressions un risque d’effritement ou d’effondrement du système de gestion de l’offre, pas pantoute », dit-il.

En fait, il voit dans ce qui semble une menace, une opportunité de parler du système de gestion de l’offre, de démontrer qu’elle s’inscrit dans un élan de patriotisme canadien.

Des attentes nébuleuses

Vincent Cloutier explique que depuis la première annonce des tarifs, l’agenda a été modifié plusieurs fois et qu’on n’est pas certain que les tarifs annoncés pour le début avril ne seront pas modifiés. En fait, Vincent Cloutier se demande si Donald Trump le sait lui-même.

D’un côté, il rassure sur le fait que le Canada ne deviendra pas le 51e état en raison de « l’écrasante majorité » de Canadiens qui n’en veulent pas.

De plus, même si Trump évoque des subventions de 100 à 200 milliards de dollars, il n’en est rien. C’est tout au plus 30 milliards de dollars en raison du pétrole. Même le Wall Street Journal parle d’une guerre commerciale stupide.

En fait, le Canada n’est pas seul. « Donald Trump est en train d’isoler les États-Unis du reste du monde », dit-il en ajoutant que les dictateurs comme Xi Jinping et Vladimir Poutine s’en frottent les mains.

Agriculture

Le Canada est un des pays les plus dépendants des marchés d’exportation. « Il faut que ça sorte », dit Vincent Cloutier. « Si on est pris au cœur d’une guerre tarifaire, oui, ça pose un risque pour nous. » Le Canada est donc vulnérable.

Le Canada est importateur de maïs, même si le Québec et l’Ontario sont exportateurs. Vincent Cloutier ne s’attend pas à un gros changement à ce niveau, sauf une possible diminution des bases. Dans le soya toutefois, le pays exporte beaucoup plus, soit plus de 3 milliards de dollars, dont seulement 233 millions aux États-Unis.

Du côté veaux laitiers et vaches de réforme, plusieurs prennent le chemin des États-Unis, Vincent Cloutier s’attend à ce qu’il soit plus difficile d’exporter ces animaux vers les États-Unis. Or, les prix élevés des derniers mois avaient influencé le prix du lait. Cela avait amené la quasi-stagnation du prix du lait en février 2025.

« Ces forces-là pourraient bien s’exercer en force inverse dans les prochains mois. Qui sait? » pense Vincent Cloutier.

Il ajoute l’importance de faire attention dans les contre-tarifs mis en place par le Canada. « Il ne faudrait pas se tirer une balle dans le pied », dit-il.

D’ailleurs, le président-directeur général de l’AQINAC, Sébastien Lacroix, en a profité un peu plus tard dans la journée pour inciter les participants de la journée à consulter la liste d’exclusions de produits demandée par son organisation et de répondre au gouvernement canadien qui est en cours de consultation.

Après avoir rappelé que le secteur agricole américain est largement favorable à Donald Trump, Vincent Cloutier a continué sa conférence en démontrant à quel point les États-Unis est un important exportateur. Selon lui, il serait illusoire qu’il pourrait s’en tenir à ne subvenir qu’aux besoins intérieurs comme l’a dit Donald Trump.

« J’ai bien hâte de voir combien de temps le party va durer », dit Vincent Cloutier.

La gestion de l’offre

Au sujet de la gestion de l’offre, Vincent Cloutier explique que même si elle a été écorchée, elle a passé au travers des dernières décennies qui ont été des années de mondialisation. Malgré les accords commerciaux, elle est encore là.

« La gestion de l’offre est particulièrement de son temps », dit-il.

Selon lui, le prochain accord commercial avec les États-Unis ne renfermera pas de nouvelles concessions pour le marché du lait. De toute façon, le fruit n’est pas mûr pour une négociation. En fait, Donald Trump songe plus à faire du Canada le 51e état qu’à renégocier l’ACEUM.

Il ajoute que si, en 2016, le lobby laitier américain voulait un nouvel accès au marché canadien, sa volonté est maintenant d’avoir une meilleure répartition des octrois.

« Des nouveaux contingents, ce n’est pas le scénario de base, explique Vincent Cloutier. D’autant plus que les transformateurs américains courent après le lait. Le lait est actuellement à 24,10$US du 100 livres. En dollars canadien, c’est 77$CA de l’hectolitre. Je n’ai jamais vu dans ma carrière – de moins en moins jeune, un prix du lait aussi élevé que ça. »

Vincent Cloutier pense donc que la guerre tarifaire est peu menaçante pour la gestion de l’offre, même s’il peut y avoir certains impacts négatifs.

« Il faut regarder ça avec sang-froid, confiance et unité », dit-il.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.