Les États-Unis vendent de plus en plus de produits laitiers au Canada. En seulement quelques années, les exportations américaines de fromage, de beurre, de lactosérum et autres produits laitiers vers le Canada ont bondi de 67 %. Une donnée que Donald Trump omet de dire.
En seulement quelques années, les exportations américaines de fromage, de beurre, de lactosérum et autres produits laitiers vers le Canada ont bondi de 67 %, passant de 525 millions $ CA en 2021 à 877 millions $ CA en 2024, selon les données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Un succès pour les producteurs laitiers américains, mais ce n’est pas le récit que met de l’avant le président Donald Trump. « Le Canada doit immédiatement supprimer ses droits de douane anti-fermiers américains, qui varient de 250 % à 390 % sur divers produits laitiers américains, une aberration de longue date », a-t-il déclaré sur Truth Social début mars. Le président ne raconte qu’une partie de l’histoire, ignorant volontairement l’augmentation des exportations américaines vers le Canada.
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Les droits de douane canadiens sur les produits laitiers sont effectivement très élevés, mais seulement lorsque les contingents sont dépassés, ce qui alimente la polémique, explique Chris Wolf, économiste agricole à l’université Cornell. « Dès que vous dépassez les contingents tarifaires (CT), les chiffres explosent, souligne-t-il depuis son bureau d’Ithaca, dans l’État de New York. C’est probablement pourquoi l’administration Trump s’acharne là-dessus : ces tarifs paraissent scandaleux et la plupart des Américains ne savent pas ce qu’il en est réellement. »
Les chiffres du président ne sont pas tout à fait exacts, mais ils sont dans la moyenne. En février, Chris Wolf et Aleks Schaefer, économiste à l’Université d’État de l’Oklahoma, ont publié une étude dans Food Policy sur le commerce laitier entre le Canada et les États-Unis. Ils ont constaté que l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) est favorable aux producteurs laitiers américains. Il leur permet d’accéder, dans le cadre d’un contingent tarifaire, à 3,6 % du marché canadien des produits laitiers.
Le quota fonctionne comme prévu, ce qui explique que les États-Unis vendent aujourd’hui 60 % plus de beurre, de fromage et d’autres produits au Canada. Mais au-delà des CT, les droits de douane explosent. « Les droits deviennent rapidement très élevés, allant de 241 % pour le lait liquide à 298 % pour le beurre, ce qui a pour effet d’exclure les produits importés du marché », indique un résumé de l’étude de Cornell.
Sauf qu’en pratique, ces tarifs ne s’appliquent pas, car les exportations américaines restent sous le seuil des quotas. « Personne ne paie réellement ces droits de douane », a récemment confié Al Mussell, économiste agricole en Ontario, à CNN.
Mais l’image d’une taxe de 298 % reste une arme facile pour le président et certains exportateurs laitiers américains. Pourtant, selon Chris Wolf, ces protections tarifaires sont essentielles à la survie de l’industrie laitière canadienne.
Les exploitations laitières américaines sont de dimensions imposantes et plus efficaces, de sorte que le coût de production du lait est moins élevé, a déclaré Chris Wolf, qui a grandi dans une ferme du Wisconsin. « Sans protections commerciales, le Canada ne pourrait pas maintenir un prix intérieur 1,5 à 2 fois plus élevé que celui reçut par les producteurs de lait américains », explique-t-il.
Aux États-Unis, 70 % de la production laitière provient de troupeaux de 1000 vaches ou plus. Au Canada, la moyenne est de 96 bêtes par ferme, selon les Producteurs laitiers du Canada. Au Québec et en Ontario, ce chiffre oscille entre 75 et 95 vaches laitières en moyenne par exploitation.
Chris Wolf ne prend pas position sur la gestion de l’offre. Mais en tant qu’économiste, il constate que, d’un strict point de vue de l’efficacité, une ferme de 80 vaches en Ontario ne peut pas rivaliser avec une exploitation de 2000 vaches au Minnesota.
Cependant, il met en garde les fermiers américains : un commerce totalement libéralisé ne jouerait pas forcément en leur faveur. « Si la gestion de l’offre disparaissait, le Canada pourrait devenir un acteur majeur du marché laitier », prévient-il.
« La ceinture laitière qui s’étend du Michigan à l’État de New York traverse certaines des meilleures terres au monde pour l’élevage laitier. Si le Canada ouvrait son marché, il pourrait produire bien plus de lait et devenir un sérieux concurrent des États-Unis. »
Cet article de Robert Arnason du The Western Producer a été traduit et adapté par Le Bulletin des agriculteurs.
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