S’il ne faut retenir qu’un seul élément pour comprendre l’état de l’économie actuellement, se serait l’incertitude, a expliqué Charles Gauvin, vice-président principal en agri-production pour l’Est du Canada à Financement agricole Canada (FAC). En conférence le 27 août dans le cadre d’Expo-Champs, l’économiste a indiqué que l’imposition de tarifs américains à travers le monde a mené à la paralysie de tous les secteurs économiques, l’agriculture y compris.
Les entreprises, les clients et les producteurs sont en effet dans le brouillard quant à l’impact des tarifs sur toute la chaîne d’approvisionnement et ultimement, les prix. En réaction, l’embauche est stoppée, tout comme les investissements et les projets de toutes sortes.
Il se pourrait bien que la politique tarifaire américaine se retourne contre elle, puisque Donald Trump a été élu sur la question de l’économie et pour réduire les prix, alors que ces derniers risquent au contraire d’augmenter dans les prochains mois. « Ça risque d’être difficile pour Donald Trump aux élections de mi-mandat », a souligné l’économiste.
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Comment le Canada s’en tire avec les tarifs?
Le Canada a changé sa position dernièrement en abandonnant ses mesures contre tarifaires envers les États-Unis, ce qui reflète la position du Mexique depuis le début de la saga des tarifs. La situation pourrait donc évoluer, même si rien n’est acquis pour le renouvellement de l’Accord économique Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Avec 90% des biens canadiens couverts par l’ACEUM, certains secteurs sont plus affectés que d’autres, a évoqué Charles Gauvin. C’est le cas du canola qui a été imposé à 75% par la Chine en réaction aux tarifs canadiens sur l’acier chinois.
Les secteurs agricoles les plus à risques sont les bouvillons, la production de soya et de légumes. Cette dernière production étant importante dans le sud du Québec, cette région risque d’être particulièrement affectée.
Malgré le fait que le Canada soit un important producteur de potasse, les producteurs d’ici sont exposés à la hausse des autres types d’engrais, dont l’urée. L’économiste entrevoit une hausse des prix d’engrais pour l’année prochaine.
Du côté agroalimentaire, la production de sirop d’érable est exposée puisqu’elle exporte 60% de sa production aux États-Unis, un pourcentage qui augmente à 90% pour les produits de la mer.
« Cela met en lumière comment on est intégré avec les États-Unis. Le Canada a l’avantage de jouir d’une bonne réputation à l’étranger qui peut l’aider à diversifier ses marchés, mais la diversification prend du temps », a souligné l’économiste. Le Canada et les provinces auraient avantage à intégrer leur économie agricole en favorisant beaucoup plus la transformation, un point sur lequel le Québec s’en tire quand même bien.
Inflation et prix des biens agricoles
Pour l’instant, l’économie canadienne résiste à l’impact des tarifs grâce aux commandes gonflées par les entreprises en prévision de la mesure et le fait que les prix ne reflètent pas encore les tarifs.
L’inflation recule également, ce qui pourrait favoriser une baisse des taux d’intérêt. Face à l’incertitude, il serait toutefois étonnant que la Banque du Canada réduise les taux à sa prochaine rencontre en septembre, a indiqué l’économiste de la FAC. Il se pourrait d’ailleurs que l’économie montre des signes de faiblesse dans les prochains mois à mesure que l’impact des tarifs se fassent davantage sentir.
Au chapitre de l’inflation et du PIB, le Québec se démarque négativement des autres provinces. Le PIB au Québec a diminué entre février et mai, tandis que l’inflation demeure plus élevée que la moyenne canadienne, ce que Charles Gauvin attribue au prix du logement dans la province.
L’inflation se reflète dans les prix des équipements agricoles qui ont augmenté entre 15 et 20% chaque année depuis cinq ans. Pour l’instant, les producteurs agricoles au Canada serait relativement épargnés puisque le parc de machinerie serait vieux de seulement cinq ans en moyenne. Il ne faut pas s’attendre à un retour en arrière des prix puisque ce secteur est très intégré mondialement et que les pièces sont fabriquées un peu partout maintenant, quel que soit le manufacturier.
Et comme les agriculteurs le savent très bien, le prix des terres continue d’augmenter, bien que le rythme ait diminué l’an dernier, dont au Québec. Charles Gauvin note que l’accessibilité à la terre se détériore nettement depuis 2020.
Prix des grains
Les prochains mois risquent malheureusement de procurer peu de répit aux producteurs agricoles, surtout dans les grandes cultures. Avec la récolte record prévue aux États-Unis, les prix devraient diminuer en deçà de leur moyenne historique de cinq ans.
Au niveau local, tout se jouera sur la qualité des grains pour fixer le prix des grains au terme de la saison. Les producteurs bovins ne l’ont pas facile également, même avec les prix actuels du bœuf, puisque les prix des animaux de relève sont extrêmement élevés, dû à l’inventaire très bas.
Charles Gauvin a terminé sa présentation sur une note incitant à la prudence. « En résumé, il y a beaucoup de nuages qui planent en ce moment sur l’économie et le secteur agricole en raison des tarifs. »