Au lendemain du dévoilement des tarifs douaniers imposés par les États-Unis à ses partenaires commerciaux, les acteurs économiques tentent de comprendre les conséquences pour leurs secteurs respectifs. Les économistes essaient également de voir clair dans les annonces qui bouleversent l’ordre mondial, tel qu’établi depuis la Deuxième Guerre mondiale et renforcé par les ententes de libre-échange négociées depuis plusieurs années.
Jean-Philippe Gervais, vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à Financement agricole Canada (FAC), a offert ses réflexions sur le sujet. Les tarifs douaniers réciproques les plus importants depuis les années 1930 aux États-Unis (appelés le Smooth-Hawley Tariff Act ) auront « un impact négatif majeur sur l’économie mondiale, sachant que les flux commerciaux mondiaux sont bien plus importants qu’il y a 100 ans ».
L’économiste fait remarquer que plusieurs pays agricoles importants seront affectés par des tarifs : la Chine (34 %), l’Union européenne (20 %), l’Australie (10%) et le Brésil (10 %).
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Pour le Canada et le Mexique, ce sont les tarifs mis en place par le décret sur la question de l’immigration et le fentanyl qui s’appliquent. Selon ce dernier, « les marchandises conformes à l’ACEUM sont exemptées de droits de douane. La plupart des produits agricoles et alimentaires seraient conformes aux règles d’origine de l’ACEUM », souligne Jean-Philippe Gervais.
Même si de nouvelles mesures sont évitées pour le moment, le Canada n’est pas au bout de ses peines en raison des effets collatéraux des tarifs pour le commerce mondial. L’analyste de FAC relève qu’il faudra surveiller l’impact des réactions de pays, tels que la Chine ou l’Union européenne, qui réagiront certainement aux tarifs qui leur ont été imposés. La somme des tarifs pour la Chine s’élève maintenant à 54%, avec ceux déjà annoncés en février. Des denrées telles que les céréales pourraient être affectées. Déjà, les prix des céréales à Chicago reculaient en réaction aux annonces américaines, à l’image des marchés financiers.
Il se pourrait également que l’Accord-Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) soit renouvelé plus rapidement que prévu en 2026.
D’autres conséquences pourraient se faire sentir, comme sur la valeur du dollar canadien (qui montait le 4 avril) ou sur la politique monétaire de la Banque du Canada. Avec des secteurs aussi importants que l’automobile affectés, comment réagira l’économie canadienne?
Il ne faudrait pas croire que le Canada est épargné pour de bon de nouvelles salves provenant des États-Unis. Plusieurs observateurs s’entendent pour dire que l’administration américaine n’a pas dit son dernier mot, surtout qu’elle est revenue sur un accord qu’elle avait elle-même négocié.
Henry Vega, un expert travaillant pour l’agence de relations publiques américaine Congressum, a détaillé sur les réseaux sociaux ce qui est considéré comme des obstacles au commerce extérieur, tels qu’énoncés par le département américain au Commerce publié plus tôt cette semaine. Pour le secteur agricole, voici ce qui est considéré comme des barrières:
- Les règles d’allocation du Canada quant à l’accès pour les détaillants en alimentation, les distributeurs et les importateurs canadiens.
- Le prix du lait et les prix des ingrédients pour les exportations laitières américaines.
- Les commissions de contrôle des alcools – Les systèmes provinciaux imposant des restrictions d’inscription et des majorations qui désavantageraient le vin, la bière, le cidre et les spiritueux américains.
- Restrictions à l’importation de produits – Les expéditions en vrac de fruits et légumes nécessitent des exemptions ministérielles.
- Enregistrement des semences – » Un processus lent et restrictif qui limite les exportations de semences américaines et affecte indirectement les exportations de céréales. En vertu de la Loi sur les grains du Canada, seuls les grains provenant de variétés de semences enregistrées sont admissibles à des grades supérieurs, ce qui a une incidence sur la valeur marchande, même si le grain lui-même peut être importé « .
- Les nouvelles réglementations sur l’emballage pourraient créer des obstacles involontaires pour les exportateurs américains de produits alimentaires.
- Projet de loi 96 qui fait qu’à partir de juin 2025, les marques de commerce comportant des termes génériques ou des descriptions de produits devront être traduites en français, un changement qui aurait des répercussions sur l’étiquetage, la protection des marques et le marketing.
Il faudra donc s’attendre à ce que les négociations soient corsées lors du renouvellement de l’ACEUM.
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