La planète commerciale est secouée comme elle l’a rarement été depuis plusieurs décennies. Dans ce contexte où l’économie canadienne est remise en question jusqu’à ses fondements, l’occasion se prêtait remarquablement bien à traiter de la gestion de l’offre lors du dernier Grand colloque de la mise en marché collective, organisé par l’UPA et l’Université Laval.
Le modèle canadien de la mise en marché collective a été soumis à diverses pressions et retranchements dans les dernières années dans les négociations d’accords commerciaux. Avec l’élection de Donald Trump, il y a lieu de se demander s’il sera encore attaqué lors des prochaines discussions sur la mise à jour de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique l’an prochain (ACEUM), malgré le fait que le Parlement ait voté afin de le protéger par une loi.
Un commerce pas comme les autres
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C’est dans ce contexte que Richard Ouellet, professeur titulaire de la Chaire sur les nouveaux enjeux de la mondialisation économique de l’Université Laval, a présenté une conférence portant sur la place singulière de l’agriculture dans les accords internationaux.
D’entrée de jeu, M. Ouellet affirme qu’il faut arrêter de dire que la gestion de l’offre est un système d’exception. Il faut cesser de s’excuser et penser que nous sommes les seuls au Canada à vouloir protéger nos marchés. « Le commerce agricole n’est pas et n’a jamais été un commerce comme les autres », a-t-il souligné.
Les raisons de cette exception parmi le commerce de biens sont nombreuses. Le commerce agricole repose d’abord sur le commerce du vivant pour le vivant, et il est le seul qui affecte la totalité de la population mondiale, puisque tout le monde doit manger. Il est par conséquent directement lié aux droits et besoins fondamentaux, tout en étant soumis à la météo, au climat et aux saisons. Ce commerce ne peut non plus être stoppé et demande une grande stabilité, à l’abri des fluctuations inflationnistes. L’agriculture met également en cause la souveraineté étatique. Et paradoxalement, ou à cause de ces facteurs, le commerce agricole fait le plus souvent objet de blocage dans les négociations internationales.
Le commerce agricole procède entre pays alors que les États recherchent différents objectifs en matière agricole, que ce soit la pérennité de la production, la qualité et l’accessibilité des produits, la protection de l’environnement, ou encore une saine occupation du territoire.
La politique du chacun pour soi
En ce moment, constate M. Ouellet, nous vivons un retour au mercantilisme du Moyen-Âge où un parti veut vendre ses produits, mais ne veut pas acheter, de peur d’être dépendant. Il s‘agit de la suite logique des dernières décennies où l’agriculture a donné lieu à des lois nationales contrevenant aux accords internationaux conclus après la Deuxième Guerre mondiale, que ce soit aux États-Unis, en Europe et au Canada avec la gestion de l’offre dans les années 70. Et c’est sans compter sur les nombreuses réglementations, licences d’importation et règles sanitaires limitant le commerce mondial.
Depuis les années 80, l’Organisation mondiale de commerce (OMC) a tenté de ramener l’agriculture dans giron du droit commun par des accords portant sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ou encore subventions et mesures compensatoires.
Les discussions achoppent puisque l’OMC repose sur le consensus et que les priorités à mettre de l’avant ne font pas l’unanimité. Les exemples sont nombreux, comme par exemple, la définition des « produits sensibles », la détention de stocks alimentaires, les restrictions à l’exportations, etc.. De leur côté, les accords commerciaux régionaux signés dans les 30 dernières années contiennent tous des dispositions spécifiques au commerce agricole, ce qui veut dire des calendriers d’élimination des tarifs douaniers négociés produit par produit et des contingents et des règles d’accès aux marchés très précis.
L’enjeu des subventions nationales demeure le plus difficile à négocier depuis les 30 dernières années. On en retrouve des exemples partout, comme en Inde, dans l’Union Européenne, aux États-Unis et en Chine.
Le droit à défendre son agriculture
Selon M.Ouellet, aujourd’hui et plus que jamais, les États qui le peuvent appliquent des politiques gouvernementales et des pratiques commerciales diversifiées adaptées à leur réalité et leurs intérêts agricoles et alimentaires. « Quand vient le temps de concilier ces pratiques et politiques au commerce international, l’enjeu principal n’est plus celui de la règle de droit. L’enjeu est de faire accepter ces pratiques à nos partenaires commerciaux. »
Il faut donc cesser de s’excuser d’avoir des politiques agricoles qui répondent à nos impératifs, ce qui veut dire la mise en marché collective. Il s’agit d’un outil dont peuvent se munir les États, les gouvernements et les producteurs pour répondre à leurs besoins, leurs intérêts et ceux des citoyens-consommateurs.
Un colloque couru
Plus de 200 producteurs, partenaires, étudiants et professionnels ont assisté au Grand Colloque de la mise en marché collective qui se déroulait à Drummondville le 15 octobre. L’événement se voulait un moment de réflexion collectif sur le bien-fondé du modèle canadien, de revisiter ses fondements et de s’interroger sur les perspectives qui s’ouvrent aux producteurs agricoles.
« À l’aube du 70e anniversaire de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, il est essentiel de réaffirmer la pertinence de nos outils collectifs et de mettre en commun nos connaissances, afin de mieux composer avec les turbulences qui secouent la commercialisation des produits agroalimentaires, de la pêche et de la forêt privée », a déclaré le président de l’UPA, Martin Caron.
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