Comment expliquer la gestion de l’offre à des néophytes?

La gestion de l’offre consiste à coordonner la production et la demande tout en contrôlant les importations afin d’établir un prix stable

femme travaillant sur une ferme laitière

Avec les attaques du président des États-Unis, Donald Trump, la gestion de l’offre n’a jamais été autant d’actualité dans les dernières années. Les chefs des principaux partis politiques canadiens disent soutenir la gestion de l’offre. Toutefois, une discussion avec des néophytes de l’agriculture ou une visite sur les réseaux sociaux démontre qu’il y a un besoin d’une meilleure compréhension de la gestion de l’offre. Comment l’expliquer? Voici quelques réponses possibles.

C’est quoi la gestion de l’offre?

 « La gestion de l’offre est un moyen pour les producteurs agricoles canadiens – plus précisément ceux de produits laitiers, avicoles ou ovocoles – de contrôler, par l’intermédiaire des offices de commercialisation, l’offre ou la quantité de leurs produits commercialisés. Pour avoir le droit de commercialiser sa production, l’agriculteur doit détenir un permis – communément appelé « quota » – sans lequel il ne pourra pas vendre ses produits à une usine de transformation. » Cette définition provient de l’étude intitulée Les mécanismes de la gestion de l’offre au Canada, par Khamla Heminthavong et disponible sur le site du Parlement du Canada.

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Comment est née la gestion de l’offre au Canada?

Dans les années 1960, la loi de l’offre et de la demande qui habituellement équilibre les prix, ne fonctionnait plus. À l’époque, il y avait des différends commerciaux au niveau interprovincial. De plus, les technologies nouvellement mises en place dans les entreprises agricoles créaient des surplus de production, ce qui entraînait des disputes entre les producteurs et les transformateurs. Pour régler ces problèmes, les producteurs ont demandé à leurs gouvernements provinciaux de créer des offices de commercialisation.

Voici les explications de Khamia Heminthavong. « Le système national de la gestion de l’offre consiste à coordonner la production et la demande tout en contrôlant les importations afin d’établir un prix stable, autant pour les agriculteurs que pour les consommateurs. Au Canada, cinq types de production sont assujettis à la gestion de l’offre : les produits du lait, de poulet et de dindon, les œufs de consommation et les œufs d’incubation. »

Qui gère le système de gestion de l’offre?

Des organismes nationaux ont été créés à la suite de l’adoption de la Loi sur les offices de commercialisation des produits agricoles en 1972. Dans le lait, c’est la Commission canadienne du lait. Dans les œufs, les dindons et les poulets, ce sont les Offices canadien de commercialisation de ces produits, aussi connus sous les noms de Les Producteurs d’œufs du Canada, Les Éleveurs de dindon du Canada et Les Producteurs de poulet du Canada.

Comment fonctionne la gestion de l’offre?

Il y a trois principaux piliers de la gestion de l’offre : le contrôle de la production, l’établissement des prix et le contrôle des importations.

Pour produire, une ferme sous gestion de l’offre doit détenir un quota de production. Dans le lait, il est mesuré en kilogramme de gras produit par jour. Dans la volaille, il se vend en unités produites ou en mètres carrés de plancher. Il n’est pas nécessaire de détenir un quota pour la production de petits volumes pour une consommation personnelle.

Le système de gestion de l’offre assure un prix minimum pour les producteurs. Les prix aux producteurs sont établis par l’entremise des offices de commercialisation qui négocient les prix avec les transformateurs en fonction des coûts de production à la ferme.

Pour que ce système fonctionne bien, il doit permettre de contrôler les importations. Ce contrôle est établi en fonction de contingents tarifaires. Des tarifs à l’importation s’appliquent uniquement au-delà d’un certain seuil établi.

Pourquoi est-ce que le gouvernement canadien soutient la gestion de l’offre?

« La gestion de l’offre permet aux agriculteurs d’obtenir un prix juste par rapport à leurs coûts de production, tout en permettant d’éviter une fluctuation importante des prix aux consommateurs », écrit Khamla Heminthavong. Le gouvernement n’a donc pas besoin d’intervenir dans ces secteurs par des subventions directes aux agriculteurs, comme c’est le cas dans d’autres productions ou d’autres pays.

Alors, pourquoi les productrices et producteurs de ces secteurs sont-ils inquiets?

Les derniers accords internationaux ont ouvert une brèche en permettant des importations supplémentaires sans droits tarifaires. L’Accord économique et commercial global (AECG) a accordé l’accès à près de 17 700 tonnes de fromage en provenance de l’Union européenne. Le Partenariat transpacifique global et progressif (PTPGP) permet aux pays qui en font partie d’avoir un accès limité et graduel au marché des produits sous gestion de l’offre.

Les États-Unis se sont retirés de cet accord. Ils ont plutôt choisi de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ce dernier est devenu l’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM) qui, lui, accorde un accès accru à des produits sous la gestion de l’offre.

Qu’ont obtenu les États-Unis avec l’ACEUM?

« Le Canada augmentera par ailleurs ses contingents d’importation de produits laitiers de l’ordre de 500 % à la 6e année de la date d’entrée en vigueur de l’Accord, puis accordera une hausse progressive de 1 % jusqu’à la 19e année. De plus, l’ACEUM prévoit l’élimination des prix associés aux classes de lait 6 et 7. Dans le secteur de la volaille, le contingent des poulets passera de 47 000 à 57 000 tonnes à la 6e année, tandis que le contingent des œufs de consommation passera de 1,67 million de douzaines d’œufs à 10 millions de douzaines pour la même période, après quoi ces contingents subiront une hausse annuelle de 1 % pendant les 10 années subséquentes. Le Canada donnera aussi aux États-Unis un accès annuel à son marché, lequel accès représentera au moins 3,5 % de sa production annuelle de dindons et au moins 21,1 % de sa production annuelle d’œufs d’incubation. » Tiré du rapport de Khamla Heminthavong.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.