Le climat du Québec favorise habituellement la dégradation des herbicides, surtout lorsqu’on le compare à celui de régions plus arides comme les Prairies canadiennes ou certaines zones des États-Unis. Cependant, l’année 2025 pourrait faire exception, en raison de semis tardifs et d’un temps sec persistant en août.
La rémanence d’un pesticide, c’est-à-dire sa persistance dans le sol, varie grandement selon la nature de la molécule, son mode de dégradation et plusieurs facteurs liés à la météo et aux caractéristiques du sol. C’est pourquoi il est difficile de prévoir avec précision combien de temps les résidus demeureront actifs après le traitement.
Pour bien comprendre, voyons comment les herbicides se dégradent dans le sol. Certains produits peuvent se décomposer sous l’effet du soleil, se volatiliser ou être entraînés par ruissellement vers les cours d’eau. Toutefois, la majorité des herbicides sont dégradés dans le sol, soit par l’action des microorganismes, soit par des réactions chimiques comme l’hydrolyse.
À lire aussi
Est-ce qu’un cultivar ou un hybride peut dégénérer ?
On entend parfois dire que certains hybrides de maïs ou cultivars de soya « dégénèrent » au fil des années. Est-ce vraiment le cas? Notre spécialiste explique.
Ces processus exigent généralement des conditions favorables de température et d’humidité, typiques des mois d’été. Or, lorsque les semis sont retardés, les traitements herbicides le sont aussi, ce qui raccourcit d’autant plus la période propice à leur dégradation avant la fin de la saison.
Les herbicides de prélevée, appliqués directement sur le sol, commencent à se dégrader dès leur application. Quant aux herbicides de contact, une proportion non négligeable finit aussi dans le sol, soit parce que certaines gouttelettes n’ont pas touché par le feuillage, soit parce que la pluie a lessivé le produit appliqué. Une fois dans le sol, les molécules se trouvent partiellement dissoutes dans l’eau et partiellement adsorbées par les particules d’argile et la matière organique.
L’équilibre entre ces deux états dépend de la teneur en eau du sol. En conditions sèches, une plus grande proportion des molécules demeure fixée sur les particules du sol, ce qui les rend moins accessibles aux microbes qui les décomposent habituellement. En conséquence, la dégradation biologique est ralentie en période de sécheresse.
Ainsi, tout indique qu’en 2025, la dégradation des herbicides aura probablement été inférieure à la normale. Dans la plupart des cas, cela n’entraînera pas de problème majeur pour les semis de 2026, car la majorité des herbicides utilisés en grandes cultures présentent une faible rémanence. Néanmoins, certaines molécules se distinguent par une persistance plus longue et il convient alors de demeurer prudent.
Pour évaluer le risque, il faut consulter l’étiquette du produit sur le site de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA). La section intitulée « rotation » ou « culture subséquente » précise les délais à respecter avant d’implanter une culture sensible. Les situations les plus délicates concernent les produits exigeant un délai de 10 mois, car ce laps de temps correspond à peu près à l’intervalle entre un traitement en post-levée et les semis de la culture suivante.
Bien que les étiquettes tiennent compte de conditions exceptionnelles, le doute peut persister. Dans ce cas, il est possible d’effectuer un test biologique de résidus : on sème la culture sensible dans un pot contenant le sol suspect et on compare sa croissance à celle d’un témoin en sol non traité. Cette méthode simple permet d’estimer rapidement le risque de phytotoxicité avant de décider d’un ensemencement à grande échelle.
Enfin, il faut rappeler qu’en situation de dégradation réduite, les risques peuvent être accentués par certaines pratiques culturales. Le semis direct, par exemple, peut concentrer les résidus en surface, surtout lorsqu’on sème du maïs après un soya IP traité avec des herbicides persistants et peu mobiles. L’absence de brassage du sol empêche alors la dilution des résidus dans le profil, augmentant la probabilité d’exposition des jeunes racines.
En somme, les conditions climatiques de 2025 auront possiblement ralenti la dégradation de plusieurs herbicides. Si les risques demeurent faibles pour la plupart des produits, la vigilance reste de mise : mieux vaut vérifier les restrictions de rotation et, au besoin, procéder à des tests avant de planifier les semis de 2026.
Pour lire d’autres blogues de Jean-Marc Montpetit, cliquez ici.