L’Union européenne aspire à devenir une superpuissance mondiale

Publié: 22 avril 2002

Bruxelles (Belgique), 17 avril 2002 – Même s’il s’agit d’un continent existant depuis des millénaires, l’Europe montre présentement tous les signes de l’adolescence. L’Union européenne, qui regroupe actuellement 15 pays, est en pleine mutation, et son principal défi consiste à bien gérer la crise de croissance qu’elle traverse. Une crise de croissance qui se double d’une véritable crise d’identité, l’obligeant, à court terme, à redéfinir sa place dans le monde.

Période charnière dans la vie, l’adolescence laisse apparaître les fondements d’une personnalité, quand celle-ci aura atteint son plein développement.

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De quoi aura l’air l’Union européenne du 21e siècle? Une superpuissance mondiale est-elle en train de naître? Dans les cercles politiques européens – à Paris, Bruxelles et Madrid, notamment -, ils sont nombreux à le croire.

Née il y a 50 ans dans l’esprit de Jean Monnet, l’Union européenne est devenue au fil des ans une étrange créature, pratiquement ingouvernable: comment arriver à faire fonctionner un coin du monde qui n’est pas un pays – tout en ayant sa monnaie -, qui s’est donné un parlement où on n’adopte pas de lois, qui compte 11 langues officielles et qui change de président tous les six mois?

Première puissance commerciale au monde – devant les Etats-Unis -, l’Union est un immense marché de 300 millions de consommateurs, bientôt 500 millions, selon toute vraisemblance. Mais justement, elle aspire à devenir autre chose qu’un « marché commun ». Les voix se multiplient pour faire en sorte que l’Europe se donne un projet commun, une identité propre et parle d’une seule voix sur la scène internationale. On souhaite passer de l’économique au politique. Utopie ou suite logique? L’avenir le dira.

Chose certaine, en matières agricole, économique et monétaire, l’intégration est déjà acquise. La création de l’euro – devise adoptée par 12 des 15 pays membres depuis janvier 2002 – est la réalisation la plus tangible et la plus éclatante de l’Union. La nouvelle monnaie a surtout fait la preuve qu’il était possible de balayer le passé et de se donner un projet commun, dont tous pouvaient tirer profit. Quelque 300 millions de personnes ont changé de monnaie et la transition s’est faite sans heurts.

« Refonder l’Union »

La fin de la Guerre froide, le démantèlement de l’URSS, la montée du libre-échange et de la mondialisation expliquent en partie le besoin de l’Europe de se redéfinir.

L’Union – qui dispose d’un budget annuel de 100 milliards d’euros – est une machine énorme, au processus décisionnel tatillon (l’adoption du moindre règlement prend, en moyenne, de trois à quatre ans), qui n’a pas vécu de réforme en profondeur depuis les années 50, alors qu’elle ne comptait que six membres. Le grand ménage a commencé en février et devrait durer un an. Au programme: simplification des traités, nouvelle répartition des pouvoirs entre l’Union et les Etats membres, révision du processus décisionnel.

La « Convention sur l’avenir de l’Union » est dirigée par l’ex-président français Valéry Giscard D’Estaing, qui, dit-on, souhaite passer à la postérité en faisant figure de père de la future constitution européenne.

Fait intéressant: d’un pays à l’autre, on ne s’entend pas sur le mandat précis de la Convention. Si, en France, on n’hésite pas à dire qu’il s’agit de rédiger la « constitution » de l’Union, ailleurs – en Grande-Bretagne et en Espagne, notamment -, le mot « constitution », associé au spectre d’un Etat supranational, est carrément tabou.

La nouvelle Europe sera évaluée à ses réalisations, pas à ses étiquettes, soutient le ministre porte-parole du gouvernement espagnol, Pio Cabanillas, qui insiste sur l’importance de démontrer qu’une Europe plus unie est un projet réaliste. « Il faut éviter le piège des mots. Il faut faire les choses », dit-il, donnant en exemple l’adoption de l’euro comme un actif indéniable et un puissant moteur pour aller de l’avant. « L’Europe n’est pas un rêve. Nous avons une force et des possibilités. On ne peut pas perdre cette opportunité » de construire l’Europe de demain, dit-il.

Oui, mais de quelle Europe parlons-nous, au juste?

Le processus de réforme amorcé par M. Giscard D’Estaing sera éclairant à ce propos. L’ex-président français voudrait bien que la Convention qu’il dirige, avec une centaine de personnes, soit pour l’Europe ce que la Convention de Philadelphie a été pour la création des Etats-Unis. Rien de moins.

Notion improbable il n’y a pas si longtemps, la création des « Etats-Unis d’Europe » a été évoquée lors des débuts des travaux de la Convention par le ministre français chargé des affaires européennes, Pierre Moscovici. « Nous allons créer les Etats-Unis d’Europe », a renchéri le vice-président de la Convention, Jean-Luc Dehaene, ex-premier ministre de Belgique.

Une majorité de pays membres semblent adhérer au projet d’une Europe élargie, plus forte avec plus de pouvoirs, même si certains – la Grande-Bretagne et l’Italie, notamment – préféreraient en rester à une union de type économique.

Rendez-vous en 2004, alors que les chefs des gouvernements des pays membres devront se prononcer sur les recommandations formulées par la Convention.

Crise de croissance

La refonte de l’Union est aussi rendue nécessaire en raison du fait qu’on se bouscule aux portes pour en faire partie. L’UE pourrait bien, en fait, accueillir de nouveaux membres dès 2003.

Dans les années 50, l’Union européenne ne comptait que six membres (Belgique, Allemagne, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Depuis, l’Union a été élargie quatre fois et compte maintenant 15 membres (Danemark, Grèce, Espagne, Irlande, Autriche, Portugal, Suède, Finlande et Royaume-Uni se sont ajoutés).

Présentement, 12 Etats négocient leur adhésion (Bulgarie, Chypre, Estonie, Hongrie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Turquie – tout pays européen peut devenir membre de l’Union, sans que le terme « européen » soit jamais défini- ).

On imagine sans difficulté quel casse-tête représente le projet d’unir sous un même toit des pays de culture différente, de langue différente, et, surtout, de niveaux de vie fort variables. Sans compter que certains, avant de passer à l’économie de marché, étaient encore il n’y a pas longtemps sous le joug communiste et totalitaire!

Tous doivent cependant répondre à certains critères pour espérer acquérir le statut de membre: être un Etat démocratique, respecter les droits de la personne et des minorités, et adhérer à l’économie de marché en jouant le jeu de la concurrence. Bien sûr, il convient de partager les objectifs économiques et politiques de l’Union.

Les plus grands défenseurs de l’Union brandissent le spectre des conflits récents au Kosovo et en Bosnie pour favoriser son élargissement, considéré comme le meilleur gage de stabilité pour l’Europe de demain.

L’Union européenne, basée à Bruxelles, est une organisation immense et complexe, dont la structure est unique en son genre. Il faut savoir au départ que l’Union européenne regroupe en fait cinq institutions, dont les trois principales sont le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen.

  • Le Conseil réunit quelques fois par an les chefs d’Etat. C’est l’organe politique de l’Union, qui sert à définir les orientations générales;

  • La Commission (qui compte 15 000 fonctionnaires) fait des propositions au Conseil; c’est le bras administratif de l’Union. Elle assure la mise en oeuvre des politiques communes;

  • Le Parlement représente les citoyens. Les 732 députés sont élus au suffrage direct depuis 1979. Il adopte des résolutions, des directives et des règlements (pas des lois, car elles pourraient annuler les lois existantes des différents pays membres). Comme rien n’est simple au pays de l’Union, le parlement est divisé entre deux villes de deux pays différents: réunions et discussions se passent à Bruxelles, mais les séances plénières et les votes à Strasbourg!

  • Le processus décisionnel (éternel objet de différend entre les pays membres). Les décisions sont prises soit à l’unanimité des membres (sur les questions fiscales et de défense, notamment), soit à la majorité qualifiée (les deux tiers des voix), selon le secteur visé;

  • La présidence. La présidence de l’Union est assurée à tour de rôle pendant six mois par les chefs de gouvernement des différents pays membres. (Ce modèle pourra difficilement résister à l’élargissement, selon les experts consultés. Si l’Union comptait 30 membres, la présidence reviendrait tous les 15 ans!);

  • Lobbyistes: Qui dit organisation complexe et lourdeur administrative, dit lobbyisme. On compte à Bruxelles entre 15 000 et 17 000 lobbyistes qui tentent de faciliter les liens entre leurs clients et l’Union;

  • Médias: Bruxelles abrite la plus forte concentration de journalistes étrangers au monde. Il y en aurait environ un millier. L’Agence Reuters en compte une quarantaine, le Wall Street Journal, une vingtaine. Combien de médias canadiens? Aucun.
  • Source : Presse Canadienne