Prix des grains : une tendance baissière se dessine

Publié: 4 avril 2023

Prix des grains : une tendance baissière se dessine

Quelle allure prendra 2023 pour les prix des grains et quelles seront les tendances ici et ailleurs? Le président et fondateur de Grainwiz, Jean-Philippe Boucher, a présenté lors d’un webinaire diffusé par Le Bulletin des agriculteurs tous les éléments à tenir compte, en passant par les intentions de semis aux États-Unis et au Québec.

Après trois années marquées par des bouleversements causés par la pandémie et la guerre en Ukraine, le marché aborde une transition qui pourrait signifier un ralentissement des prix. L’inflation, la menace d’une récession et la flambée des prix des grains ont grugé la demande. Par conséquent, les exportations, de même que la demande animale et humaine reculent dans l’ensemble, ce qui n’augure rien de bon pour les prix. La tendance baissière entrevue par Jean-Philippe Boucher n’est toutefois pas catastrophique : les prix ne devraient pas revenir à leurs niveaux d’avant 2020, mais il faut oublier les sommets atteints en 2021.

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Les premières estimations de semis aux États-Unis sont habituellement le point de départ de la saison et le premier coup d’œil sur un élément déterminant les tendances. Le gouvernement américain réalise à chaque année un sondage en mars auprès des producteurs agricoles pour élaborer ses prévisions. Selon le premier portrait émis le 31 mars, les semis de maïs et de blé seraient en hausse, tandis que ceux de soya se maintiendraient.

En tenant compte de plusieurs éléments, Jean-Philippe Boucher a élaboré des prévisions de récoltes et de prix pour les trois principaux grains.

Dans le cas du maïs, la récolte anticipée moyenne serait de l’ordre de 14,9 milliards de boisseaux, ce qui en ferait une très bonne récolte, sans être un record. La demande d’éthanol est en perte de vitesse, alors que les exportations déçoivent. La demande animale est à son plus faible depuis 2015-16. Les stocks aux États-Unis sont moins serrés que prévu.  L’échelle de prix se situe pour le maïs entre 7 $US et 4,50 $US, selon un scénario optimiste ou pessimiste. Le prix réaliste est fixé à 5,50 $US.

La récolte anticipée de soya est également très bonne à 4,5 milliards de tonnes, tout près des records. La trituration du soya cherche à ralentir, les exportations sont en baisse de 6,5% pour 2023 et les stocks sont serrés. Dans ce contexte, le prix réaliste de la fève se situe à 13 $US, à l’intérieur d’une marge de 16 à 12,50 $US.

Avec la demande des dernières années, la production de blé est en hausse aux États-Unis. La production mondiale pèse toutefois sur les prix. La Russie inonde le marché en raison d’une récolte qui aurait été record en 2022. Avec une demande qui se maintient, les inventaires sont plutôt serrés. Au final, les prévisions de prix se situent entre 8,50 $US et 5,50 $US, avec un prix réaliste de 6,50 $US.

Au Québec

La tendance est plutôt à la baisse pour les ensemencements de maïs, tandis qu’elle monte pour le soya et le blé. Jean-Philippe Boucher prévoit au Québec une récolte de 3,6 millions de tonnes en maïs, 1,2 millions de tonnes de soya et 336 millions de tonnes de blé. Il s’agirait dans l’ensemble de bonnes récoltes et près d’un record pour le blé.

Avec tous les facteurs mentionnés précédemment, ainsi qu’un dollar canadien aux alentours de 0,70 et 0,75 $US, des estimations de prix ont été avancées pour le Québec.

Le prix à la tonne pour le maïs afficherait un prix réaliste de 295 à 336$ la tonne, dans une échelle de 220 à 400$, puisque la base est faible au Québec et la demande incertaine.

Le soya pourrait être victime d’une grande quantité de soya sur le marché en raison de la récolte record au Brésil. La base locale se maintient toutefois, ce qui donne un prix réaliste estimé de 630 à 677 $ la tonne, avec une marge de 845 à 602 $.

Les éléments locaux pour le blé sont plus difficiles à établir mais l’expert arrive à un prix moyen de 320 à 350$ la tonne, compris dans une échelle de 465 à 270 $ la tonne.

À surveiller

Les éléments imprévisibles pouvant changer le cours des choses sont toutefois à considérer. C’est le cas du phénomène météo La Nina qui disparaît après trois ans, mais qui devrait céder sa place à El Nino. La transition entre les deux est la plus forte depuis 1976, marquée par de mauvaises récoltes. La météo aura son mot à dire, tout comme le début de la saison. Un début humide ou frais pourrait changer les superficies semées, ici comme aux États-Unis. La demande et, par ricochet, ce qui est semé et récolté en Amérique du Sud sera aussi à considérer dans l’équation. Et finalement, la géopolitique et l’économie pourraient être des éléments perturbateurs, surtout en considérant les tensions actuelles entre pays et la menace d’une récession.

Vendre ou attendre?

Jean-Philippe Boucher conclut que le contexte et la tendance des prix sont à la baisse. Sa plus grande inquiétude se situe au niveau de la demande qui s’effrite en tandem avec une production qui pourrait bondir. L’environnement politique et économique sont, quant à eux, très nerveux. On peut donc s’attendre encore à de fortes fluctuations et de l’imprévisibilité sur les marchés. Tout en ayant un bon plan de gestion de risque, il faudra saisir les rallyes lorsqu’il se produiront, selon le spécialiste du marché des grains.

À noter en terminant que la Tournée des grandes cultures célèbre cette année son dixième anniversaire, un événement qui sera souligné le 29 août lors de la présentation des résultats de cette année. La revue hebdomadaire diffusée par Le Bulletin des agriculteurs, l’État des cultures, en sera pour sa part à sa quatrième année. L’édition 2023 débutera dans la semaine du 24 avril, ou selon la météo. Il est d’ailleurs toujours temps de s’inscrire pour y participer en visitant ce site Web: etat.latourneeqc.com.

Pour revoir le webinaire c’est ici.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.