De la semence aux transplants

Publié: 3 décembre 2010

Publié dans Le Bulletin des agriculteurs de septembre 2010

Principal producteur de transplants de légumes au Québec, Serge Lefort est témoin et acteur d’une industrie qui repousse ses limites chaque année.
par André Dumont

Dans le bureau de Serge Lefort, une grande fenêtre donne sur l’intérieur d’une serre où un robot d’irrigation arrose doucement de jeunes pousses de brocoli. Ce coup d’oeil nous plonge directement dans le coeur des activités des Serres Lefort : démarrer les cultures pour les producteurs de légumes.

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L’apparente sérénité de cette « pouponnière » ne reflète qu’une partie du dynamisme de l’entreprise de Sainte-Clotilde- de-Châteauguay. Partout sur le site, des travailleurs déplacent des plateaux de transplants, tandis que d’autres s’affairent à construire et à rénover des serres. Les Serres Lefort en sont à leur 26e saison de production de transplants. Au cours des dix dernières années, la production a plus que quintuplé, reflétant l’effervescence dans le secteur horticole au Québec. Témoin et acteur dans cette évolution, Serge Lefort a ouvert ses portes au Bulletin des agriculteurs, histoire de partager sa passion.

« Je démarre le gagne-pain des autres. Je n’ai pas le droit de me tromper », dit le fondateur et copropriétaire, avec sa conjointe Marie-Josée Lebire, des Serres Lefort. En 26 ans, Serge Lefort n’a jamais manqué son coup. Sa réputation a permis à l’entreprise de croître sans arrêt : elle comprend aujourd’hui l’équivalent de 140 serres couvrant quatre hectares. Si bien que Les Serres Lefort alimentent environ 65 % du marché québécois. « C’est une énorme responsabilité. On prend notre travail très à coeur. »

Le premier maillon

Aux Serres Lefort, les producteurs de légumes en champ et en serre apportent leurs semences, établissent une date de livraison et comptent sur les transplants qu’ils obtiendront pour démarrer leurs cultures.

Tomates, piments, choux, brocolis, laitues et autres légumes sont suivis de près par un agronome et une équipe de techniciens. L’entreprise embauche aussi un informaticien qui veille au bon fonctionnement des contrôles d’ambiance automatiques des serres. Avant d’être livrés chez le client – à l’heure précise voulue ! –, les plants séjournent dans des serres d’acclimatation où ils s’adaptent au grand air qu’ils connaîtront bientôt au champ.

Il n’est pas difficile de réaliser des transplants, admet Serge Lefort. Le défi, c’est de livrer une qualité uniforme pendant toute la saison, en grand volume, le tout assorti d’une garantie qu’au moins 90 % des semences apportées par le client auront germé.

Serge Lefort sait que d’autres arrivent à produire des transplants à moindre coût. Chez lui, par contre, on ne lésine pas sur les pratiques phytosanitaires préventives, le dépistage et la traçabilité.

Avec la proximité vient aussi la qualité, soutient Serge Lefort en allusion aux transplants qui pourraient venir de l’extérieur du Québec. « En apportant ses semences ici, le producteur sait que ses plants démarreront dans ce qui ressemble le plus à l’état naturel qu’ils connaîtront à sa ferme. »

Au fil des ans, son équipe et lui en ont appris beaucoup sur les variétés, la façon de les semer et la taille des cellules (et des mottes) à utiliser pour aider les clients à obtenir des primeurs au printemps ou à cultiver au champ tout l’été. Depuis deux ans, il alimente même de grandes entreprises serricoles québécoises en plants de tomates dès les mois de novembre et décembre.

De six mois par année, Les Serres Lefort sont aujourd’hui en production pendant pratiquement douze mois. La production de transplants pour les producteurs en serre permet de mieux rentabiliser les infrastructures.

Avenir de la production

À quoi ressembleront Les Serres Lefort dans 15 ans ? « Vous n’avez qu’à faire un voyage en Europe et vous en aurez une bonne idée », dit Serge Lefort.

En Europe, les coûts de maind’oeuvre sont beaucoup plus élevés, de sorte que l’automatisation est très avancée, bien au-delà des contrôles d’irrigation, de fertilisation et de ventilation. Chez les producteurs de transplants, les plateaux sont distribués et déplacés sans manipulation.

Au Canada, l’accès à la maind’oeuvre étrangère permet notamment aux Serres Lefort de concentrer ses investissements dans l’expansion ou dans l’acquisition d’équipements de pointe fabriqués en Europe, comme des semoirs.

L’entreprise de Sainte-Clotildede- Châteauguay s’est développée pour rester en phase avec la production de légumes au Québec. Selon les observations de Serge Lefort, la production à l’échelle provinciale a connu plusieurs années de bonne croissance. On en serait cependant arrivé à un plateau où seuls quelques producteurs d’importance continuent à augmenter leurs volumes.

Le nombre de fermes maraîchères a beaucoup diminué, mais celles qui restent sont plus grandes et plus productives, affirme Serge Lefort. De ceux qui ont abandonné la production, plusieurs n’utilisaient pas des transplants sur l’ensemble de leurs champs, soupçonne-t-il.

Ceux qui demeurent en affaires n’ont pas le choix d’adopter une régie impeccable et d’utiliser des transplants de qualité, croit Serge Lefort. « Ils réalisent de gros investissements et leur marge d’erreur est faible », dit-il en parlant de la compétitivité du marché et des prix qui fluctuent.

Le marché évolue – il se fait moins de choux et de navets, mais plus de laitues –, et les producteurs québécois pourraient s’en accaparer une plus grande part, croit Serge Lefort. « On pourrait prendre plus notre place au Québec. Il pourrait s’acheter beaucoup plus de produits locaux que présentement. » Nos produits sont-ils capables de tasser les importations des États-Unis ou du Mexique ? « Tout à fait. Et avec une très belle qualité ! »

Description des photos
Les photos sont publiées dans le magazine imprimé
1. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de producteurs maraîchers, Serge Lefort est spécialisé en production de transplants.
2. Avant d’être livrés aux clients, les transplants séjournent dans une serre d’acclimatation.
3. Avec sa conjointe Marie-Josée Lebire et une quarantaine d’employés, Serge Lefort dessert environ 65 % du marché des transplants de légumes au Québec.
4. Les jeunes pousses sont vendues principalement au Québec, mais aussi dans les Maritimes et aux États-Unis.
5. Ce brocoli sera livré au champ du client à l’heure voulue, juste à temps pour être transplanté.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Luc Gagnon

Luc Gagnon