Nos champs sont tellement verts : on a l’impression d’avoir oublié de faire quelque chose. Plusieurs nous le rappelle sans cesse : « Quoi? Tu vas laisser ça comme ça! On dirait un champ de foin! ». Exact! C’est notre objectif. « Faudrait que tu retournes ça ou que tu le brasses. Laisse pas ça comme ça! » Pourtant oui. Ça nous a pris quelques années d’essais. Maintenant, on se sent à l’aise pour nos prochains semis directement dans ces couverts : 20 cm à 40 cm de long dans le cas du trèfle et plus de 90 cm pour nos couverts multi-espèces.
En fait, on ne travaille pas avec du carburant et des chevaux-moteurs. On s’organise pour que le sol travaille tout seul avec l’aide des microorganismes. « Ouin, mais ça coûte une fortune les semences de couvert! » Non, pas si on tient compte de tous les avantages positifs qu’on peut en retirer. C’est même plutôt une façon d’augmenter notre rentabilité. Imagine un sous-couvert de trèfle dans un champ de blé hiver (70$/ha). Selon la littérature, ça peut donner de 10% à 15 % d’augmentation de rendement pour le maïs l’année suivante. Mets 10%, ça donne 1,5 tonne de maïs additionnel à 300$/t. Ajoute le retour d’azote du trèfle qui peut apporter jusqu’à 150 unités de N. Prends 100 unités pour un calcul sécuritaire à 2,65$/unité. On est rendu à 715$/ha de plus.
Tu ne me crois pas? Coupe de 50% et on se retrouve à 357$/ha. Sans compter tous les effets enracinement, glomaline, amélioration de l’infiltration de l’eau, bonne santé des microorganismes du sol, etc. Ça vaut combien? À condition bien sûr que tu produises du blé hiver. On essaie de viser un meilleur équilibre entre nos intrants (fertilisant, pesticide, carburant, équipement, en fait tout ce qui demande de l’énergie) par rapport à nos quantités de récoltes produites.
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Résumé d’une discussion verte pour une agriculture plus verte qu’on reprend régulièrement. Mes réponses claires sont le résultat d’un processus d’adaptation qu’on a mis en branle depuis 20 ans. On s’ajuste constamment encore aujourd’hui. Il n’y a pas de recette magique, mais plutôt un apprentissage constant du potentiel des sols qu’on cultive. D’une région à l’autre, voire dans un même rang de campagne, les sols ont leurs propres particularités. C’est la base même de notre profession : connaître notre capital sol, le conserver à long terme et le faire progresser dans notre propre contexte climatique. Un défi quotidien passionnant. Profession agriculteur.