Boxing day pour le marché du soya?

Publié: 27 décembre 2021

Boxing day pour le marché du soya?

On finira par croire que c’est pratiquement une tradition du temps des Fêtes. Après un automne sans éclat pour le marché du soya, alors que ceux du maïs et surtout du blé se seront montrés beaucoup plus dynamiques à Chicago, voilà qu’il s’emballe.

D’entrée de jeu, il faut remettre les pendules à l’heure concernant le contexte pour le marché du soya. Il n’a pas nécessairement grand-chose à offrir pour permettre aux prix de grimper de la sorte.

Par rapport aux projections initiales au printemps dernier, les niveaux des inventaires américains de soya restent toujours beaucoup plus confortables que prévu. Si on jette un coup d’œil au graphique ci-joint, on constate sans ambiguïté qu’excluant la fameuse période de la guerre commerciale États-Unis et Chine, il n’y a pas eu autant de soya de disponible depuis plus de 10 ans.

Ensuite, on pourrait être tenté de dire que la « demande » pour le soya américain a repris un peu de poil de la bête dans les dernières semaines. C’est vrai. Les ventes à l’exportation de soya américain sont « un peu » plus vigoureuses, et les perspectives de trituration de fève aussi. Mais est-ce que ce sera vraiment suffisant pour croire que cette demande dépassera les projections du USDA au cours des prochains mois? Pas nécessairement pour l’instant.

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On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

Je ne me lancerai pas non plus dans une analyse en profondeur des possibilités concernant les intentions d’ensemencements américains pour 2022. Par contre, avec la forte hausse des prix des engrais, on peut dire sans trop se tromper qu’il devrait se semer plus de soya au printemps prochain. Et avec des inventaires américains déjà très confortables aux États-Unis, ainsi qu’une demande pas nécessairement beaucoup plus vigoureuse pour l’instant, le marché du soya n’a pas besoin qu’on en produise plus en 2022.

Bref, nous n’avons pas dans l’ensemble grand-chose sous la main pour expliquer la hausse que nous observons actuellement depuis une à deux semaines.

Par contre, du côté de l’Amérique du Sud, la machine à rumeur commence à s’emballer, et les spéculateurs en font leurs choux gras.

Jusqu’à tout dernièrement, on projetait une autre récolte record de soya pour le Brésil, et une récolte dans la moyenne des dernières années pour l’Argentine. Le hic, vous vous en doutez certainement, les conditions sèches qui persistent depuis un bon moment dans le sud du Brésil et en Argentine.

Je ne m’éterniserai pas sur les différentes rumeurs, analyses, et interprétations de la gravité de la situation actuelle. Si vous souhaitez croire le pire, vous n’avez qu’à parcourir les réseaux sociaux. Photos à l’appui, vous pourrez constater par vous-même que des champs ont bel et bien été dévastés par la sécheresse.

Si vous voulez être plus pragmatique, les évaluations à la baisse de certaines organisations et spécialistes sud-américaines projettent pour le moment des récoltes moins importantes, mais pas encore une catastrophe. Par exemple, pour le Brésil, on parlait jusqu’ici d’une récolte record de 144 millions de tonnes comparativement au record de l’an dernier de 137 millions de tonnes. On parle maintenant d’une récolte … toujours record de 140-142 millions de tonnes.

Alors, qui dit vrai finalement? La réponse dépendra de ce que Dame Nature imposera encore comme conditions météo dans les prochaines semaines. Pour le moment, si je jette un coup d’œil aux prévisions météo pour l’Amérique du Sud, la dernière semaine de 2021 s’annonce encore très sèche autant pour le sud du Brésil que l’Argentine. Par contre, la 1ere semaine de janvier propose des précipitations plus intéressantes pour l’Argentine, bien que le sud du Brésil restera lui un peu plus sec.

Mais que les conditions se détériorent ou non, que l’on constate dans quelques semaines que les récoltes sud-américaines auront été finalement plus ou moins affectées par ces sécheresses, les spéculateurs eux carburent aux rumeurs, et non aux faits.

Ainsi, tant qu’il y aura matière à croire que les conditions sèches dans le sud du Brésil et en Argentine menacent les récoltes de soya, que les pertes soient éventuellement importantes ou non, les spéculateurs propulseront le marché du soya à la hausse.

Pour terminer 2021 et débuter 2022 du bon pied, pour ceux qui s’intéresse au marché du soya, il est donc essentiel d’être très attentif à la situation en Amérique du Sud. Que ce soit pour vendre de la dernière récolte (2021) ou encore commencer à placer ses pions pour la récolte 2022, il s’agit certainement d’une opportunité à considérer. Historiquement, le marché du soya a tendance à plafonner en début d’hiver, alors aussi bien en profiter…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.