De prochaines années plus difficiles en vue?

Publié: 5 avril 2013

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Jean-Philippe Boucher agr., MBA jpboucher@live.ca
Jean-Philippe Boucher agr., MBA [email protected]

Après avoir donné une conférence la semaine dernière, un producteur est venu me voir pour me parler. Une fois les présentations formelles d’usage terminées, il me fait part poliment du commentaire qui suit que j’ai trouvé très intéressant:

« J’aime bien ce que vous écrivez pour le Bulletin, mais vous ne trouvez pas que vous êtes un peu trop souvent pessimiste? J’ai relu dernièrement ce que vous avez écrit dans votre blogue depuis un bon bout temps, et c’est un peu ça que ça m’a fait réalisé de vous…»

Et il n’a pas tort, que je me suis d’ailleurs empressé de lui répondre du tac au tac.

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On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

En fait, c’est aussi le sentiment que je ressens depuis un bon moment à écrire des commentaires et chroniques sur les marchés. Mais suis-je vraiment pessimiste, ou surtout peut-être bien plutôt un peu trop réaliste et trop prudent?!

À vous de juger… sauf que j’aimerais prendre ici le temps de vous partager une chose que, peu importe que les prix grimpent ou s’effondrent chaque jour, je ne perds personnellement jamais de vue. Il s’agit d’ailleurs du thème d’une nouvelle conférence que je vais présenter prochainement, soit : le « boom des commodités » sur les marchés financiers.

Je ne veux pas entrer ici dans tous les détails de ce qu’est ce « boom des commodités ». Des livres complets ont déjà été écrits sur le sujet et ce n’est certainement pas en quelques lignes que je parviendrais à bien vous l’expliquer.

Ce qu’il faut savoir cependant de ce phénomène économique, c’est tout d’abord qu’il affecte en fait l’ensemble des produits de base essentiel au bon fonctionnement de nos sociétés, ce qu’on réfère souvent comme étant des matières premières ou encore des commodités. On parle donc ici de grains et de viandes, mais aussi de pétrole, d’or, d’argent de cuivre, de bois, d’acier etc., etc., etc..

Ensuite, autre chose à retenir, c’est qu’historiquement le fait que la valeur de ces produits s’emballe à la hausse n’a absolument rien de nouveau. De nombreux économistes se sont penchés sur le sujet et en sont arrivés à la conclusion que, depuis 1890, il y a eu trois périodes au cours desquels ce phénomène est survenu. Généralement, on parle de période d’une durée d’en moyenne 15 à 20 ans.

Enfin, ce qu’on sait très bien maintenant depuis un certain temps, c’est que nous profitons à nouveau depuis plusieurs années d’un autre « boom des commodités », le 4e en quelque sorte. Et du côté agricole, on le ressent effectivement très bien depuis environ 6-7 ans.

Si l’on se base sur ce que j’ai dit jusqu’ici, on peut donc croire à tort qu’on en aurait encore pour au moins une dizaine d’années devant nous de prix de grains élevés. Sauf qu’il faut faire attention.

En fait, selon plusieurs économistes, cette 4e phase haussière pour « l’ensemble des commodités » (et non juste des grains) aurait commencé il y a plus longtemps que ça. Les hypothèses varient ici, mais en moyenne on parle des années 1999 à 2001.  C’est donc dire qu’en réalité, la fin du « boom des commodités » approche à grands pas et pourrait survenir aussi tôt qu’en 2014.

Est-ce qu’on parle alors d’une chute dramatique et définitive des prix des grains pour les prochaines années? Pas nécessairement non plus…

Il faut remettre en perspective ce 4e « boom des commodités » comme étant la toile de fond qui permet de tracer les grandes lignes de ce qui s’annonce devant nous pour les prochaines années. Toutefois, rien ne dit qu’il n’y aura pas d’imprévu intéressant en cours de route. Fidèle à lui-même, le marché des grains continuera aussi d’atteindre des sommets et de toucher des creux. Il suffit de garder la tête froide, et de savoir saisir les bonnes opportunités lorsqu’elles se présentent, et non de se fermer toujours les yeux en attendant des jours meilleurs.

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Pendant que je rédigeais cette chronique, je suis tombé sur cette publicité qui est affichée sur le site de AgWeb: : « Think before you bet the farm » (en français : Réfléchissez avant de parier votre ferme.)

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Je trouve que cette publicité résume très bien en quelque sorte ma manière d’aborder les marchés d’un point de vue producteur agricole. L’objectif, comme je le dis souvent, c’est de parvenir tous ensemble à mettre en place des méthodes de travail afin d’assurer la rentabilité à long terme des entreprises agricoles, et non de continuellement année après année risquer sa chemise sur les marchés, au risque de bel et bien finir par la perdre.

 

 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.