Une des meilleures façons de réduire l’impact des maladies des cultures est de semer des cultivars résistants. Cependant, il n’existe pas de gènes majeurs de résistance pour toutes les maladies. Dans le cas du flétrissement sclérotique du soya, par exemple, les sélectionneurs de végétaux qui souhaitent accroître la tolérance à cette maladie n’ont d’autre choix que de compter sur l’effet combiné d’un bon nombre de gènes mineurs.
Notons que les deux approches, résistance et tolérance, ne sont pas mutuellement exclusives. Il existe des gènes de résistance pour plusieurs maladies qui infectent les grandes cultures au Québec. Je pense, entre autres au dessèchement et à l’anthracnose du maïs, à la pourriture phytophtoréenne et aux kystes des racines du soya et aux rouilles des céréales.
Les gènes de résistance ont le défaut de leur qualité. Ils sont si efficaces à prévenir les infections qu’ils exercent une forte pression de sélection sur le pathogène, l’incitant à produire des souches virulentes qui contournent la résistance. Alors, est-ce que les gènes de résistances valent le coup d’être incorporés aux cultivars ou devrait-on surtout se pencher sur la tolérance polygénique?
À lire aussi

Les grains plombés par les bonnes conditions
Une semaine après avoir engrangé de fortes hausses, les principaux grains repartent de plus belle à la baisse.
La tolérance a l’avantage d’être difficile à contourner par le pathogène, parce que de nombreux gènes sont sollicités. Cependant, pour obtenir cette tolérance, on doit avoir accès à des lignées tolérantes qu’on introduira dans les croisements et on doit disposer d’une méthode de provoquer artificiellement la maladie à chaque génération de sélection. Sinon, la sélection pour une meilleure tolérance et le développement d’outils de prédiction génomique seront inefficaces. Dans un tel cas, on doit recourir aux gènes majeurs de résistances pour réprimer la maladie.
Pour mieux comprendre ces concepts, prenons deux exemples de maladies où il existe des gènes de résistance et de la tolérance : le dessèchement du maïs (Exserohilum turcicum) et la pourriture phytophtoréenne du soya (Phytophthora sojae). J’ai travaillé de près à l’amélioration de la résistance au dessèchement des lignées de maïs.
Pendant quelques années j’ai tenté de leur incorporer le gène de résistance Ht1, mais le projet s’est soldé par un échec, car au moment où ces lignées allaient être commercialisées, une souche virulente venue d’Ontario s’est implantée au Québec. Heureusement, un projet parallèle d’amélioration de la tolérance, sous inoculation artificielle, a porté fruit. Dans ce cas, la tolérance a donné de meilleurs résultats que la résistance.
Par contre, les gènes de résistance Rps agissant contre le Phytophthora sont plus nombreux que les gènes Ht mentionnés plus haut. Par surcroit, ils sont très efficaces pour prévenir la maladie et le pathogène ne se dissémine pas par le vent. Ainsi, on estime que la durée de vie des gènes Rps se situe entre 8 et 15 années de commercialisation. L’introduction d’une souche qui contourne le gène Rps que porte un cultivar se fait surtout par l’utilisation de semence de mauvaise qualité qui contient des particules de sol infecté, par des mouvements de machinerie souillée de sol ou par l’apparition spontanée d’une mutation du pathogène.
Au Québec, la plupart des souches du pathogène Phytophthora ont contourné les gènes Rps1a et Rps1c, mais les gènes Rps3a et Rps6 sont toujours efficaces. Le gène Rps1k, quant à lui, voit son efficacité s’éroder dans plusieurs régions productrices de soya du Canada (voir les références). Par ailleurs, on peut recourir aux services d’AYOS pour connaître les gènes Rps, et donc les cultivars, qui sont les plus aptes à combattre la pourriture dans ses champs.
Outre le choix d’un cultivar portant le bon gène Rps pour votre ferme, l’utilisation d’un traitement de semence efficace contre la pourriture phytophtoréenne est souhaitable. Considérant que les changements climatiques augmenteront la fréquence de pluies diluviennes, on doit s’assurer d’un bon drainage du sol et minimiser le compactage afin de prévenir l’accumulation d’eau.
En effet, les spores flagellées du Phytophthora ont besoin que les interstices du sol soient gorgés d’eau pour parcourir de courtes distances jusqu’au racines. Donc, l’utilisation de gène Rps s’intègre dans une stratégie plus large qui considère tous les moyens à notre disposition pour lutter contre la pourriture des racines.