On dit que passé la fin mai, sinon au plus tard la fin juin, les prix des grains à la bourse n’ont pas pour habitude de grimper davantage. Assez pour que dans les marchés, une expression bien connue soit « Sell in may, and go away »*
Bien sûr, si la météo en juillet préoccupe, on peut ensuite assister à des rallyes intéressants. Mais dans une année normale, suivant la tendance et les différentes stratégies suivies, un producteur qui réalise des ventes chaque année à la fin du printemps devrait s’en tirer avec une meilleure moyenne de prix de vente au fil des années. Sauf que 2019 n’est plus une année comme les autres.
À lire aussi

Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
On pouvait encore se questionner en mai dernier, et même au début juin, mais maintenant, avec les mauvaises conditions météo et les ensemencements très tardifs de cette année aux États-Unis, il ne fait plus aucun doute que les prochaines récoltes américaines en prendront pour leur rhume. Non seulement les superficies ensemencées aux États-Unis ne seront certainement pas à la hauteur de ce qui était prévu, mais les rendements devraient aussi afficher tout qu’un recul cet automne, et par ricochet, les volumes récoltés aussi.
Beaucoup d’hypothèses et de rumeurs circulent présentement à savoir de combien la récolte américaine de maïs reculera. 5, 10, 15 ou 20%? Aussi tôt en saison, à mon avis, tout est encore permis. Il n’y a qu’à imaginer une vague de chaleur et de conditions un peu trop sèches en juillet pendant la pollinisation du maïs dans le Midwest américain, et nous pouvons encore très bien assister à un recul bien plus important.
Bref, à ce stade-ci, tenter de faire un juste pronostic sur l’importance des récoltes de cet automne aux États-Unis m’apparait plus comparable à jouer au dard et tenter d’atteindre le « bullseye » à 50 pieds, qu’un exercice qui puisse donner vraiment de bons résultats.
Ce qui ne ment pas cependant, c’est que les récoltes américaines afficheront certainement un recul très important, et les inventaires américains également.
Ainsi, contrairement à la tendance voulant que suivant la période fin mai à fin juin, les prix des grains à la bourse devraient reculer, nous sommes bien partis pour plutôt connaître un été de forte émotion dans les marchés.
Naturellement, pour un producteur, aucune raison de vendre du grain quand on sait que les prix peuvent grimper davantage. Sauf que tout ce qui monte doit redescendre. Ce fut vrai par exemple au mois d’août en 2012, où nous avons atteint un sommet à la bourse de plus de 8,40 $US/bo. et de près de 350$ la tonne au Québec. Alors, à quoi s’attendre cette année? Un coup d’œil aux 50 dernières années nous permet d’y voir un peu plus clair.
Si on estime que la récolte américaine reculera en 2019 d’au moins 10%, depuis 1970, on peut retenir 7 années qui rencontrent ce critère (voir tableau):
En jetant ensuite un coup d’œil au creux précédent les rallyes au cours de ces années à la bourse, et les sommets atteints par la suite, on obtient des informations qui nous permettent ensuite de mieux nous structurer dans la vente de son maïs cette année :
- 4 années ont proposé des rallyes assez brefs, de moins de 3 mois : 1976, 1983, 1988 et 2012. On note au passage que dans trois de ces années, les sommets ont été atteints en août pour un gain de 24,2 à 65,4%.
- 3 années ont vu le rallye s’étirer beaucoup plus longtemps, 1980 et 1993 pendant 7-8 mois, et 1995 avec un remarquable 13 mois de hausse. Les gains observés au cours de ces années ont été alors de 50-60% à plus de 112%.
Considérant ces chiffres, sachant que nous avons atteint un creux en mai dernier de 3,43 $US/bo. et que notre rallye est débuté depuis 37 jours, on peut envisager que :
- Au plus tôt, le rallye de 2019 devrait tirer à sa fin au cours du mois d’août prochain. S’il se poursuit, il pourrait s’étirer alors au moins jusqu’en décembre, sinon janvier prochain.
- Basé sur les gains observés à la bourse lors de ces années, il serait étonnant d’envisager que le prix du maïs à la bourse pour échéance immédiate ne passera pas le cap du 5,00-5,15 $US/bo.. au cours des prochaines semaines.
Au Québec, on retient aussi que si en temps normal, le comportement de la base et celui à la bourse ont pour habitude d’être opposés**, dans une année comme 2019, ce ne semble pas avoir été le cas par le passé. Autrement dit, le prix à la bourse grimpe et la nervosité dans l’air invite le marché local à s’apprécier en même temps. Au net, nous obtenons alors des prix comme on en voit que très rarement. Ce fut le cas par exemple à l’été en 2012, et tout indique que ce sera le cas de nouveau cette année.
Concrètement, ceci veut dire que oui, on peut maintenant croire que le marché du maïs a encore la capacité de grimper dans les prochains mois au Québec. Suivant les données des 50 dernières années, il faudra alors être particulièrement attentif au comportement des prix à partir d’août prochain où la possibilité de les voir atteindre un sommet apparait plus grande.
À défaut d’avoir des excellents rendements dans le maïs cette année, 2019 aura donc certainement le mérite d’obtenir encore de très bons prix pour un bon moment. À vos crayons, c’est le temps de mettre à jour vos plans de commercialisation!
_ _ _ _
* Vendre en mai et s’en aller.
** Lorsque les prix à la bourse grimpent, généralement la base locale recule.