L’automne 2021 est exceptionnel. La chaleur et le beau temps ont été généreux tandis que le gel est très tardif cette année. Si la pluie n’a pas été aussi abondante que par les autres années, il est tombé suffisamment de millimètres pour améliorer l’état des sols.
Tous ces facteurs ont contribué à favoriser la croissance du blé d’automne. Pour ceux qui ont réussi à semer dans les temps à la mi-septembre, les plants ont bien pris et même un peu trop. Au point que certains producteurs s’interrogent devant leurs champs de céréales qui ont des allures de printemps plutôt que de fin de saison.
Le chercheur Michel McElroy du Centre de recherche sur les grains, le CEROM, s’est trouvé devant le même questionnement : quoi faire avec ses parcelles de recherche parties en fou? Couper ou laisser faire la nature ?
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« Il y a de plus en plus de situations comme celle là avec les changements climatiques », remarque le chercheur. Les normes météo observées auparavant évoluent et d’une année à l’autre, tout peut arriver. L’année 2019 en a été un bon exemple : les températures ont été extrêmes en octobre avec de la neige. L’année 2020 a par contre été superbe pour les récoltes et le blé d’automne a connu de bonnes conditions pour s’implanter. L’hiver qui a suivi a été exemplaire, avec comme résultat des rendements plus que respectables. Pour 2021, le scénario est encore une fois différent. Quoi faire avec un été qui se prolonge et devant un blé qui s’emballe? M.McElroy s’est interrogé devant cette situation et même a lancé un appel sur les réseaux sociaux pour trouver une réponse, dont à l’expert ontarien en céréales, Peter Johnson, surnommé Wheat Pete. Les réponses sont toutefois rares. « On ne sait pas, on manque de recherche à ce sujet », déclare le chercheur.
Michel McElroy tient à souligner qu’il est chercheur et non agronome. Il ne peut donc offrir de conseil mais il peut faire certains constats.
Le chercheur note que les conditions actuelles dans le blé posent un certain nombre de risques. Un blé trop long à l’automne peut en effet taller plus que nécessaire et favoriser le développement de maladie, telle que la moisissure hivernale. La neige pourrait aussi rester trop longtemps au moment où la température augmentera et créer des conditions défavorables au blé. Récemment, il a aussi observé dans les parcelles d’essais du CEROM de la rouille, ce qui ne se voit pas habituellement à ce temps-ci, ainsi que des insectes.
Que faut-il faire alors? Peut-on faucher? Oui, dit M.McElroy, on pourrait passer la fauche pour réduire la densité, mais à avec certains risques, encore ici. À ce moment de la saison, le blé voudra repousser et faire de nouvelles tiges une fois coupé, ce qui n’est pas la réaction qu’on recherche. Pour bien passer l’hiver, le blé doit éviter d’épuiser son énergie en nouvelles tiges et l’emmagasiner plutôt dans ses racines. À défaut de quoi, la plante sera affaiblie. La coupe endommage aussi les tiges, ce qui laisse une porte d’entrée pour les infections et les maladies, ce qui n’est pas non plus souhaitable. Il faut de plus considérer que de la végétation par terre conserve davantage l’humidité et par conséquent des risques de moisissures.
L’exemple de l’Ontario n’est guère utile, bien que le blé d’automne y soit beaucoup plus implanté et pratiqué depuis longue date. Les conditions sont trop différentes de celles du Québec. Les dates de semis couvertes par les assurances vont jusqu’au 15 novembre, illustre M.McElroy.
Le mieux est encore que les producteurs expérimentent eux-mêmes en essayant certaines pratiques en bandes dans leurs champs. « Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs champs, leurs sols et leurs machineries », déclare le chercheur.
Lui-même a pris les choses en main, ou plutôt la tondeuse. Il a coupé récemment une petite superficie d’une parcelle qui devait être découpée. Il s’agit d’un mini-test sans prétention, « juste pour voir ce qui arrive ». Mais il sera intéressant de noter les impacts au printemps et l’année prochaine, dit-il. « On a une opportunité de voir ce que ferait une coupe. Ça donne juste une idée mais c’est important. Ça prend de la recherche ».

Avec les changements climatiques et les imprévus que cela occasionne, le mieux avec le blé d’automne est encore est de respecter les principes de base et d’essayer de semer dans les dates recommandées. Puisque la météo est une inconnue à chaque fois, il est vraiment important de respecter les dates optimales fait remarquer Michel McElroy. Et surtout, il faut donner une chance aux petites céréales qui ont leur place dans nos champs, malgré les caprices de la météo.