La sécheresse est telle en Abitibi-Témiscamingue que les producteurs de bovins et de lait devront importer du foin pour nourrir leurs animaux cette année. Le président de la Fédération régionale de l’Abitibi-Témiscamingue de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Pascal Rheault, estime que les producteurs auront besoin entre 30 000 et 40 000 balles rondes de foin.
« On a fait un sondage au niveau de l’UPA et ce qui est ressorti des 80 qui nous ont répondu, c’est qu’il manque un 20 000 balles de foin – c’est pas tous les producteurs qui ont répondu au sondage. On le sait : il va y avoir un grand manque de foin ici, en région », explique Pascal Rheault. Il ajoute que la région n’a pas eu de pluie pendant environ 40 jours au printemps et que par la suite, il n’y avait que très peu de pluie à la fois. Ainsi, le sol est très sec. À cela, s’est ajouté le gel hivernal qui a tué en partie les légumineuses.
La situation est plus critique en Abitibi où il y a davantage de producteurs bovins qu’au Témiscamingue où l’on retrouve davantage de producteurs laitiers. « C’est un peu moins pire au Témiscamingue, dit Pascal Rheault. C’est sûr que l’an passé, ils avaient eu des gros surplus, mais cette année, ils ont quand même eu des pertes, mais beaucoup moins qu’en Abitibi. »
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Les productions bovines et laitières sont très importantes pour la région. L’Abitibi-Témiscamingue compte 614 producteurs agricoles, dont 218 producteurs de bovin et 89 producteurs de lait.
Affectés pour plusieurs années
Du printemps à l’automne, les bovins sont normalement alimentés au pâturage. Toutefois, les producteurs n’ont pas pu faire un deuxième passage puisque l’herbe n’a pas repoussé après le premier passage des animaux. Ceux-ci doivent donc être déjà alimentés au foin. Les producteurs de bovins auront donc besoin de foin pour nourrir leurs animaux cet été, mais aussi jusqu’à l’été prochain. « Il n’y a pas de repousse, dit Pascal Rheault. Au niveau des pacages aussi, c’est catastrophique. Les producteurs soignent présentement. Ils achètent du foin, mais pour soigner présentement, même pas pour l’hiver prochain! » Il ajoute que la qualité des fourrages est aussi importante pour assurer une bonne condition de chair des animaux qui passent l’hiver dehors.
Du côté laitier, la situation est différente puisque les animaux sont gardés à l’intérieur. Toutefois, ils manquent de foin et surtout d’ensilage. Importer du foin, c’est possible, mais les vaches laitières sont habituellement nourries avec de l’ensilage.
Producteur de céréales à Saint-Gertrude-Manneville en Abitibi (avoine, canola et blé d’automne), Pascal Rheault explique que la situation est un peu moins pire dans les céréales. « Je compatis beaucoup avec les producteurs de bovins, dit-il. Moi, je vais avoir des pertes, peut-être moins de rendements. Le grain a l’air à s’en tirer pas si pire. Quand il y a une année extrêmement sèche, le grain – s’il y a quelques pluies – il peut s’en tirer. Je compatis avec les producteurs de bovins qui eux autres vont devoir acheter du foin pour nourrir leurs animaux tout l’hiver. Moi, même si j’ai des pertes, je vais avoir mon assurance récolte à l’automne. Après les battages, c’est fini. Tu peux calculer les pertes. Mais les producteurs de bovins, ça peut durer quelques années. »
Pascal Rheault explique qu’il faudra plusieurs années pour que la région s’en remette puisque la sécheresse aura tué les plantes fourragères et que plusieurs champs devront être ressemés. Il ajoute que certains producteurs ont fait des resemis cette année qui n’ont même pas germés. « Ou que ça l’a germé, mais que ça l’a brûlé par le soleil parce qu’il n’y avait pas assez de pluie », dit-il. Il explique que les producteurs de la région espèrent un bon couvert de neige l’hiver prochain afin de permettre au sol de refaire ses réserves d’eau.
En plus de la sécheresse, certains producteurs au nord de La Sarre ont dû déménagé des troupeaux en raison des feux de forêt occasionnés par la grande sécheresse. Ce sont aussi les producteurs qui sont le plus affectés par la sécheresse. « Ceux qui ont transporté les animaux, je leur lève mon chapeau », dit Pascal Rheault. Il y a eu quelque 1100 animaux qui ont été transportés en quelques jours.
De l’aide demandée
Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, a visité la région le jeudi 17 août. Le mardi 22 août, c’était au tour du président-directeur général de la Financière agricole du Québec, Ernest Desrosiers, de rencontrer l’UPA régionale. Une première avance de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles a été versée, mais Pascal Rheault souhaite une version adaptée à la situation exceptionnelle de cette année. « Le système n’est pas parfait pour des catastrophes, explique-t-il. Il faut que le système s’adapte à des situations hors normes. On va voir avec eux de quelle façon on peut travailler avec le programme, de quelle façon on peut essayer de supporter nos producteurs le plus possible. » Selon lui, il faudra que l’assurance récolte soit davantage présente dans les prochaines années en raison des changements climatiques. « On le sait que ça va coûter plus cher, mais à un moment donné, si on veut garder notre capacité nourricière, il va falloir qu’on supporte nos producteurs », dit-il.
Précipitations anémiques
Dans un courriel dans lequel il fait état des précipitations de cette année, le responsable des communications et de la vie syndicale de la Fédération régionale de l’Abitibi-Témiscamingue de l’UPA, David Prince, explique que la majorité des précipitations de mai sont survenues le 1er mai, alors que la terre était encore gelée. Les plantes n’ont donc pas pu en bénéficier. Le tableau suivant témoigne du peu de pluie dans la région cet été. « Bref, ça touche une grande partie de la région », écrit David Prince.
Station | Mai | Juin |
La Reine | 38 mm | 27 mm |
Macamic | 34 mm | 25 mm |
Palmarolle | 48 mm | 30 mm |
Trécesson | 41 mm | 32 mm |
Les photos suivantes proviennent de producteurs de la région pour illustrer le manque d’eau.

