
*L’histoire raconte que David Mulligan a frappé un mauvais coup sur le premier tertre de départ d’un terrain de golf de Montréal. Quoi qu’il en soit, le golfeur amateur canadien s’est ressaisi et a repris son élan. Il a dit à ses partenaires de golf qu’il prenait un « coup de correction », qui sera par la suite appelé « mulligan », du nom de son instigateur.

Bien que les mulligans soient généralement associés au golf, ils peuvent être invoqués dans un large éventail d’activités. Nous en avons tous pris sous une forme ou une autre. Il y a cependant un endroit où ils ne peuvent pas être utilisés, c’est lors de la coupe du foin. Une fois que le foin est coupé, il ne peut plus être recoupé.
Ne pas réussir à prendre une décision de coupe entraînera toujours des conséquences. Aucune d’entre elles ne sera par contre aussi douloureuse et importante qu’une première coupe malencontreuse. C’est pourquoi ce n’est pas seulement un conseil, c’est une obligation de surveiller fréquemment la croissance et la qualité d’un champ de légumineuses ou de graminées au cours de son cycle de croissance initial au printemps. Vous devez absolument marcher vos champs.
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La diversité des conditions environnementales rencontrées au printemps rend difficile l’évaluation de la qualité du fourrage. Les dates du calendrier qui étaient privilégiées dans le passé sont maintenant inutiles, tout comme le stade de maturité phénotypique. Cela peut paraître fou, mais l’indice de qualité fourragère relative (QFR = CMS (kg MS/100 kg de poids vif/jour) x UNT (% MS) / 1,23 ) d’une récolte de luzerne peut varier de 100 points d’une année à l’autre à la même date. Il en va de même pour la qualité du fourrage à un stade de maturité donné.
Mais comment cela est-il possible ?
C’est Mère Nature qui décide de la qualité du fourrage pendant le cycle de croissance du printemps. Sur une longue période, un temps chaud et humide donne des résultats très différents comparativement à un temps frais et sec. En outre, les conditions environnementales changent davantage d’un jour à l’autre au printemps qu’à n’importe quel autre moment de la saison de croissance. Cela explique la nature changeante de la qualité et du rendement du fourrage de la première coupe. Et c’est pourquoi il est plus important de faire attention et de surveiller la qualité du fourrage au printemps qu’à n’importe quel autre moment de la saison.
La digestibilité des fibres à la première coupe est généralement la meilleure de la saison ; les journées et les nuits fraîches sont les amies des faucheurs. Une fois que le temps chaud s’installe, ou si le temps humide retarde la récolte, la digestibilité de la fibre peut rapidement passer de la meilleure à la pire de l’année. Cela est vrai pour les peuplements de luzerne pure et encore plus pour les peuplements de graminées.
La marge avec laquelle la digestibilité des fibres diminue à la fin du printemps n’est égalée par aucune autre période de l’année. Cela signifie que la fenêtre de récolte est généralement plus petite pour la première coupe, à moins d’un temps frais prolongé.
Rendement ou qualité ?
Aucune coupe de foin n’offre autant de possibilités de rendement élevé que la première fauche. En fait, elle représente facilement le pourcentage le plus élevé du rendement total de la saison par rapport aux récoltes suivantes.
Tout comme la qualité du fourrage change d’une année à l’autre et au cours d’une même année, le rendement change de manière plus spectaculaire que n’importe quelle autre coupe. On estime que la luzerne produit de 45 à 70kg de matière sèche par acre par jour pendant la période allant de la fin du stade végétatif à la fin du stade des bourgeons. En cinq jours, le rendement en matière sèche passe de 1/4 à plus de 1/3 de tonne par acre. Le compromis entre le rendement et la qualité n’est jamais aussi important que lors de la première coupe.
La première coupe est la seule de la saison de croissance pour laquelle il n’y a pas de nombre de jours depuis la récolte précédente, mais le moment fixé dicte souvent le calendrier pour le reste de la saison. Ce dernier peut avoir une incidence sur le nombre de coupes possibles ultérieurement, sur l’intervalle entre les coupes et sur la date à laquelle la dernière coupe sera récoltée à l’automne.

Il n’est pas toujours facile de frapper une balle de golf en ligne droite sur le fairway. Il en va de même pour la date optimale de récolte de la première coupe, à moins que la culture ne fasse l’objet d’un suivi intentionnel. Les possibilités de récolte sont souvent dictées par les conditions météorologiques au printemps et par les précipitations à l’approche de la date de récolte préférée.
Les conséquences du moment de la première coupe ont d’énormes répercussions sur les récoltes suivantes, mais surtout sur les performances futures du bétail ou sur la capacité à vendre le foin à un prix élevé. Ne vous retrouvez pas à souhaiter un mulligan pour la première coupe…
Bonne première coupe!
*Texte réalisé par Christian Duchesneau en collaboration avec le Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF). Les propos exprimés dans le texte relèvent toutefois de l’auteur et n’engagent pas le CQPF.
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