Après plusieurs années d’une présence discrète, la saison 2023 pourrait signaler le grand retour de la moisissure blanche, ou sclérotinia pour les intimes, dans les champs de soya au Québec.
Le Réseau d’avertissement phytosanitaire (RAP) a fait part de peu de signalements pour le moment dans ses avis hebdomadaires, bien que ses experts invitent les producteurs à être aux aguets.
Annie Desrosiers, agronome pour Pioneer dans Lanaudière, confirme que la présence de la moisissure n’est pas toujours visible de la route, mais que c’est une autre histoire en visitant le champ. « Quand on écarte la canopée, on constate que la moisissure blanche est établie. On commence à le constater de plus en plus avec les plants qui fanent dans le champ. Plus ce sera avancée, plus on va le voir. »
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Stéphane Myre, agronome pour Dekalb en Montérégie, indique pour sa part recevoir de plus en plus d’appel concernant des cas de moisissure dans le soya dans la région de Saint-Hyacinthe. «Les cas commencent à sortir», en ajoutant que l’année risque d’être sous le signe de cette pathologie.
Annie Desrosiers prévoit que dans deux à trois semaines, les plants montreront de plus en plus de signes de la présence du champignon en mourant prématurément. Les dommages risquent d’être variables d’un champ à l’autre, mais dans le cas d’un champ infecté, même si le plant est bien garni en gousses, les grains cesseront leur croissance avec comme résultat des gousses peu remplies, malgré une apparence extérieure satisfaisante. « Les cas peuvent être très variables, mais dans le cas d’une infestation, la moitié du champ peu être affectée. »
La présence importante du champignon cette saison est liée directement à la météo. Depuis deux mois, l’humidité relative est omniprésente. Les coups d’eau importants sont en partie responsables, mais Annie Desrosiers cible la météo clémente au développement des spores, soit un mercure avoisinant les 24 à 26 degrés Celsius et l’humidité constante depuis plusieurs semaines. Les rangs se sont refermés et forment des conditions propices au développement du champignons. « À 16h, il y a encore de l’humidité au sol dans les champs de soya », fait-elle remarquer à la suite d’une visite récente. Le Québec a d’ailleurs été marqué dans plusieurs régions par l’absence de canicules qui auraient pu assécher les sols.
L’agronome remarque également que plusieurs producteurs ont opté cette année dans sa région pour des variétés plus hautes de soya. Le manque d’eau a stoppé en 2022 le développement des plants de soya avec comme conséquence des plants courts et des gousses au ras du sol, avec d’importantes pertes. « Cette année, les plants sont monstrueux. Il aurait fallu conserver les variétés de l’an dernier pour avoir des plants de la bonne taille. »
Les plants de soya sont également très longs, constate Stéphane Myre. Les variétés à port érigé semblent mieux s’en tirer en tenant plus à distance l’humidité, mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur celles qui s’en tireront le mieux au terme de la saison, surtout que cette dernière est loin d’être terminée. Il mentionne toutefois que les producteurs qui ont appliqué du fumier doivent maintenant composer avec des plants très fournis, propice à la propagation de la maladie, une pratique qu’il ne recommande pas.
Il est trop tard pour appliquer un traitement. Ce dernier aurait dû avoir lieu au moment de la floraison, mais encore là, les conditions n’étaient pas optimales, avec un effet limité sur la présence des spores. « Une fois les fleurs infectées, il est trop tard », résume Stéphane Myre qui insiste sur le bon timing des applications qui, sinon, protègent peu les fleurs.
Il reste que les effets de la sclérotinia sur le soya sont variables. Les rendements peuvent être affectés comme l’être peu, commente Annie Desrosiers. C’est le moment de bâtir l’historique des champs en répertoriant les endroits où le champignon est présent, bien que le spore soit très répandu au Québec. Quels sont les types de travaux de sol qui ont été exécutés avec quels résultats. En ce moment, le semis direct semblerait plus efficace contre le champignon.
Même si la pluie persiste pour le moment, la saison n’est pas terminée. Comme aime le dire Stéphane Myre, une saison est comme une partie de hockey. Il reste la récolte, ou la 3e période, encore et personne ne peut dire pour le moment comment elle se déroulera.