Profession agriculteur — page 19

Dernièrement, on a beaucoup parlé d’étalement urbain en souhaitant que les futurs développements privilégient des sols jugés pauvres agronomiquement. La question : c’est quoi un sol pauvre? Chez nous, on a un bloc de terre très pauvre. Depuis qu’on a arrêté de le brasser et qu’on y laisse des résidus, il est performant. On y a récolté notre record de 8,5 t/ha en pois vert.

On est tellement fier! Déjà presque deux mois qu’on retient notre langue ou mes doigts sur le clavier dans mon cas J C’est fou le feeling quand on a appris la nouvelle en plein milieu d’une belle journée ensoleillée de récolte. « Tiens ça mort jusqu’à notre annonce officielle. » C’est loooong deux mois d’attente quand ça fait plus de 20 ans qu’on y travaille…

De plus en plus de bride d’informations circulent sur le projet de modification de la loi 102 concernant le volet pesticide en agriculture. Je n’ai pas eu le temps de lire les documents en détail, mais les résumés qu’on nous présente sont inquiétants. On parle même d’amendes qui oscillent entre 1000$ et 100 000$ pour une personne physique et entre 3000$ et 600 000$ pour une personne morale.

Les gros travaux sont terminés depuis deux semaines déjà. De l’extérieur, la ferme est calme comme si tout était arrêté, mais en-dessous ça travaille! Un peu comme le canard qui semble si calme à la surface du lac, alors qu’en dessous ses petites pattes s’agitent constamment.

Nos champs sont tellement verts : on a l’impression d’avoir oublié de faire quelque chose. Nos prochains semis seront directement dans ces couverts : 20 cm à 40 cm de long dans le cas du trèfle et plus de 90 cm pour nos couverts multi-espèces. On ne travaille pas avec du carburant et des chevaux-moteurs. On s’organise pour que le sol travaille tout seul avec l’aide des microorganismes.

En ce mercredi 10 novembre, rendons hommage à cette jeune agricultrice décédée accidentellement le 14 octobre dernier. Recueillons-nous et profitons-en pour réaliser combien de fois on s’en est sorti par la chance, alors que d’autres confrères et consoeurs n’ont pas eu cette fameuse chance.

Depuis le printemps, je le savais que son cœur était ailleurs. Une terre en location qui arrivait à son renouvellement… Le locateur a demandé un prix, à la hausse bien sûr. On a finalement décidé de la laisser aller. Une égratignure sur le cœur pendant que le nouveau locataire brûle d’excitation d’y mettre les pieds. On n’en veut à personne, on reste gentlemen, mais on est blessé.

Combien ça coûterait si, comme agriculteur, on se contentait de faire notre tâche principale et qu’on laissait les autres tâches aux gens qui ont les « cartes de compétence » les exécuter? Nourrir nos gens à faible prix a un certain prix humain bien caché à payer.