Même si un conflit armé est évité, la situation demeurera à surveiller.
Le ballet diplomatique qui se joue pour éviter que le président russe, Vladimir Poutine, envahisse l’Ukraine vous semble bien loin. Détrompez-vous. Même si un conflit armé est évité, la situation demeurera à surveiller. Pourquoi??
Parce qu’au moment où vous espérez un printemps 2022 favorable aux semis, les prix des grains, des engrais et de l’énergie sont liés à la géopolitique de ces deux pays. Et cela risque de jouer dans vos coûts de production. Voici les enjeux :
- En dix ans, l’Ukraine est devenue un joueur majeur dans le commerce international des grains. L’ancien grenier à blé de l’URSS est le troisième exportateur de blé et le quatrième exportateur de maïs du globe, sans compter être le premier exportateur d’huile de tournesol. Les marchés sont nerveux et cela se répercute sur le prix des contrats à terme à la Bourse de Chicago.
- Personne ne peut prédire si Vladimir Poutine va déployer ses 100,000 hommes postés à la frontière de l’Ukraine pour envahir le pays. Il ne s’est pas gêné pour envahir la Crimée il y a huit ans, faisant main basse sur l’importante base militaire de Sébastopol, un port de la mer Noire, elle-même stratégique dans l’agrocommerce.
- L’analyste Al Mussel, de l’Institut canadien des politiques agroalimentaires (ICPA), croit qu’un conflit perturberait la flotte exportatrice de bateaux commerciaux en mer Noire, «par crainte d’être coulé». L’Ukraine est parmi les premiers exportateurs de maïs vers la Chine dont les réserves de petit grain jaune sont au plus basses. Quelle sera la réaction du dragon chinois sur les marchés si «l’ami Vladimir» poursuit son rêve de récupérer l’Ukraine pour reconstituer l’ex-URSS?
- Le blé ukrainien constitue aussi le pain quotidien de millions de familles égyptiennes et celles d’autres pays du Moyen-Orient et de l’Afrique, ce qui fait craindre pour la sécurité alimentaire dans cette région du monde.
- Une invasion russe de l’Ukraine et une perturbation du trafic naval dans la mer Noire auraient aussi une incidence sur le marché mondial des engrais dont les prix se sont envolés en 2021. La Russie produit entre autres de l’urée dont une partie serait exportée à partir des ports de la mer Noire pour approvisionner… l’est du Canada. Ça c’est nous.
- Vladimir et ses troupes ont également la Biélorussie dans le viseur, ce pays est le deuxième exportateur mondial de potasse, après le Canada. La situation pourrait d’ailleurs profiter au géant canadien Nutrien qui devra combler la demande internationale de cet engrais crucial.
- L’Union européenne (UE), malgré l’OTAN, semble bien fragile aux pieds de Vladimir. L’UE importe le tiers de ses besoins en gaz naturel non seulement pour fabriquer des engrais et des produits phytosanitaires, mais surtout pour chauffer des millions de chaumières, notamment en Allemagne. C’est bien pour cette raison que ce pays tente, avec la France, de calmer les velléités entre le président russe et américain, Joe Biden.
- Ce n’est certainement pas Ottawa qui va jouer un grand rôle pour désamorcer la crise. L’envoi de 200 instructeurs militaires canadiens pour aider l’Ukraine à contrer une possible invasion russe alors que la capitale canadienne a été assiégée par une petite bande de bruyants camionneurs s’opposant aux mesures sanitaires et exigeant la démission du gouvernement Trudeau, a fait le tour du monde.
- Si la diplomatie parle et aide le président Vladimir Poutine à sauver la face, nous pourrons mieux respirer. Si ce n’est pas le cas, quelles seront les sanctions de l’Europe ou des États-Unis envers la Russie? Tout ça va jouer encore plus sur la volatilité des prix des engrais, de l’énergie, comme ceux du maïs et du blé. Si quelqu’un peut prédire toutes les ramifications de cet enjeu géopolitique à la Bourse, il peut faire une fortune, comme il peut perdre sa chemise.