Un autre bond dans le prix des terres au Québec

Publié: 14 mars 2022

Un autre bond dans le prix des terres au Québec

La valeur des terres agricoles affiche pour 2022 une progression de 8,3% au Canada, malgré les difficultés liées à la pandémie, selon Financement agricole Canada (FAC). Au Québec, le gain se chiffre au-dessus de la moyenne nationale à 10%, une tendance observée pour une troisième année consécutive avec des progressions de 7,3 % en 2020 et de 6,4 % en 2019. Le prix moyen s’est situé à 10,700$/acre au Québec.

« La faiblesse des taux d’intérêt et les prix avantageux des produits agricoles semblent avoir atténué une partie des nombreuses difficultés qui auraient pu restreindre la demande de terres agricoles et faire baisser le prix que les producteurs sont prêts à payer pour ces terres », explique Jean-Philippe Gervais, économiste en chef de FAC.

M. Gervais dit ne pas avoir été surpris de la hausse en 2021, bien que les gains dans certaines régions l’aient étonné. En plus de l’accessibilité à l’emprunt et un prix des céréales élevé, l’offre limitée sur le marché explique aussi la progression des derniers mois.

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Les hausses les plus marquées ont été enregistrées en Ontario (22,2 %) et en Colombie-Britannique (18,1 %), suivies de l’Île-du-Prince-Édouard (15,2 %), de la Nouvelle-Écosse (12,3 %) et du Québec (10 %).

Les autres provinces ont enregistré des hausses plus modestes : 3,6 % en Alberta, 5,2 % au Nouveau-Brunswick, 7,4 % en Saskatchewan et 9,9 % au Manitoba.

Au Québec, la région de Chaudière-Appalaches affiche la plus forte hausse à 15%, suivi de l’Outaouais à 14,3%, de la Montérégie à 13,9% et de l’Abitibi-Témiscamingue à 11,6%. C’est toutefois en Montérégie qu’on retrouve la valeur des terres à l’acre la plus élevée à 18 800$, suivi de Laurentides-Lanaudière à 17 100$. Pour ceux qui pourraient trouver ces chiffres élevés, la valeur moyenne dans la zone sud-ouest de l’Ontario pour 2021 est de 23 500$ et de 134 700$ dans la région dite Côte sud de la Colombie-Britannique.

« Les hausses marquées sont souvent le résultat des conditions du marché local et d’une conjoncture économique relativement favorable, explique M. Gervais. Dans les régions qui ont enregistré de fortes augmentations, la demande vigoureuse conjuguée à l’offre limitée de terres a contribué de manière déterminante à la hausse des prix. »

Pour distinguer une tendance, vaut mieux regarder sur plusieurs années pour comprendre le marché et sa dynamique ajoute l’économiste.

Au Québec, par exemple, les conditions de croissance des cultures ont été relativement bonnes, ce qui a permis d’obtenir de bons revenus. Certaines régions peuvent subir une pression supplémentaire en raison de l’urbanisation et par conséquent, d’un effet de rareté des terres. Une surenchère peut se produire à ce moment entre acheteurs.

Les sécheresses dans l’Ouest et les impacts sur les rendements expliquent la faible hausse du prix des terres dans la région. Les effets seraient toutefois limités puisqu’en observant ce qui arrivait à la suite de catastrophes météorologiques, comme par exemple les inondations au Manitoba, ces marchés ont rebondi. L’assurance-récolte a également permis de compenser les agriculteurs, ce qui a atténué les contrecoups des mauvaises années. L’économiste admet toutefois que les changements climatiques pourraient avoir un impact sur les prix dans le long terme. Dans les Prairies, certaines terres irriguées ont vu leur valeur augmenter, dit-il.

Tout de même, les producteurs seront-ils en mesure de supporter de telles hausses pendant encore plusieurs années? En ce moment, M. Gervais indique que les revenus agricoles demeurent supérieurs à la hausse de la valeur des terres. Au Canada, les revenus ont augmenté de 10,7% et au Québec de 12,1%. Le fait de bâtir son équité s’est avéré une formule gagnante dans le passé, mais il est vrai que la croissance de la valeur des terres, qui est à son niveau le plus élevé, a un impact quand on le compare aux revenus agricoles.

Encore plus de volatilité en 2022

M. Gervais souligne que l’incertitude continue de planer sur l’industrie agricole canadienne. Les raisons sont nombreuses: pénuries de main-d’œuvre, perturbations de la chaîne d’approvisionnement, tensions géopolitiques, montée des prix des intrants agricoles et les hausses graduelles de taux d’intérêt qui sont attendues cette année.

Parallèlement, FAC prévoit que la demande vigoureuse et les stocks mondiaux restreints entraîneront une augmentation des recettes pour les céréales, les oléagineux et les légumineuses au Canada en 2022.

Avec quatre hausses des taux d’intérêt prévues cette année, un plan de gestion de risque sera d’autant plus important pour les producteurs. « La situation est très volatile. Il semble qu’on ait atteint un nouveau plateau. Je ne m’attends pas à ce que la valeur des terres continue de croître au même rythme dans les prochaines années», avance M. Gervais. Les revenus agricoles seront toutefois l’élément le plus important à surveiller dans le contexte actuel.

Chose certaine, les prix des céréales devraient demeurer élevés pour compenser le manque à gagner en provenance de la Russie et de l’Ukraine dans un contexte où les inventaires mondiaux sont faibles. L’économiste ne voit pas au Canada un mouvement vers l’utilisation de terres en jachère. Il est présentement question aux États-Unis d’utiliser une réserve de 22  millions d’acres, mais la même chose ne serait pas possible ici.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.