Est-ce qu’on surévalue les récoltes sud-américaines?

Publié: 17 février 2023

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<strong>Est-ce qu’on surévalue les récoltes sud-américaines?</strong>

La question m’a été posée en décembre dernier et je m’étais promis d’approfondir un peu plus le sujet : « Est-ce qu’on est généralement trop optimiste concernant les récoltes sud-américaines de maïs et soya, surtout en début de saison? ».

Rappelons qu’en Amérique du Sud, les ensemencements (le début de saison) débutent en septembre/octobre et se poursuivent pendant des semaines, sinon des mois, du nord au sud.

Et comme aujourd’hui, combinés, le Brésil et l’Argentine accaparent autour de 60% de la production mondiale de soya (et 57% des exportations) ainsi que 15% de la production de mondiale de maïs (MAIS 46% des exportations), nul besoin de dire que leurs récoltes ne manquent pas d’affecter grandement le marché des grains.

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Alors qu’en est-il vraiment?

Pour répondre à la question, j’ai jeté un coup d’œil aux prévisions des cinq dernières années. Mois après mois, quelles sont les projections que nous avons eues des récoltes sud-américaines?

Le constat m’apparaît assez intéressant. Il confirme en quelque sorte qu’effectivement, on se montre peut-être bien un peu trop confiant de manière générale concernant les récoltes sud-américaines.

Si vous jetez un œil aux tableaux qui présentent la « Variation nette finale des projections sur un an » dans le bas à droite des images, autant pour le maïs que le soya, pour le Brésil et l’Argentine, il est définitivement plus courant que les récoltes soient révisées à la baisse qu’à la hausse.

Chose également intéressante, l’Argentine a spécialement une bien mauvaise moyenne au bâton dans le soya. Elle semble systématiquement surévaluer depuis cinq ans ce que devrait être sa récolte de fèves. À l’opposé par contre, le Brésil ne s’en tire pas trop mal, avec des résultats en dents de scie dans le soya, mais proposant quand même un petit biais pour de meilleures récoltes que prévues.

Maintenant, qu’est-ce qu’on peut penser de tout ça?

Je dirais que ce brin d’optimisme m’apparaît généralisé. Ce qui est vrai pour le Brésil et l’Argentine l’est également pour les États-Unis par exemple. Sur cinq ans, les récoltes américaines ont aussi été révisées à la baisse d’en moyenne -1% dans le maïs et -2% dans le soya. Et ce n’est pas nécessairement surprenant.

En fait, on débute toujours l’année en envisageant de bons rendements, généralement en se basant sur la tendance des dernières années qui est à la hausse. Mais Dame Nature étant ce qu’elle est, remplie de surprises, les rendements ne sont finalement pas nécessairement toujours au rendez-vous et les superficies récoltées non plus. On peut bien sûr avoir des années exceptionnelles. Mais, sur plusieurs années, le biais est plus à la baisse qu’à la hausse. C’est ce que révèlent en quelque sorte ces chiffres.

Ce que ceci veut dire ensuite côté marché des grains, c’est qu’il faut peut-être bien prendre avec un grain de sel ces prévisions peut-être un peu trop optimistes, spécialement en début de saison. Bref, ne pas conclure trop rapidement que les prix des grains risquent de reculer sous la pression de récoltes sud-américaines exceptionnelles.

Cette année, si je regarde ensuite la situation côté météo, l’Argentine risque fort bien d’obtenir « encore une fois » une récolte nettement moins bonne que prévu de soya. Par contre, le Brésil reste sur la bonne voie d’obtenir sa récolte record de fèves pour compenser un peu…

Par contre, Brésil comme Argentine, les récoltes de maïs ont bien des chances de décevoir, ce qui pourrait peut-être bien supporter un peu plus le marché du maïs qui peine depuis des semaines à gagner davantage de fermeté.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.