Reste-t-il encore beaucoup de maïs au Québec?

Publié: 9 juillet 2024

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Reste-t-il encore beaucoup de maïs au Québec?

La question revient un peu chaque année : combien reste-t-il de maïs de la dernière récolte dans les silos cet été?

Le hic cependant, c’est que nous avons accès à des statistiques bien imparfaites pour y répondre.

Néanmoins, je vous joins quelques graphiques que j’ai préparés à partir des données de Statistique Canada et qui permettent de se faire une certaine idée.

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Pour chaque culture, il existe un moment où une simple marche dans la parcelle permet de détecter les anomalies susceptibles d’affecter le rendement et dont les symptômes peuvent s’estomper avant la récolte.

Quelques points…

– La dernière récolte n’a pas été bonne (on le sait) à 3,3 millions de tonnes, environ 200 000 tonnes de moins que la moyenne des 10 dernières années et 217 000 tonnes de moins que l’année précédente.

– Au 31 décembre dernier, tout juste après la récolte, les inventaires de maïs au Québec étaient à leur plus bas depuis 2015-2016.

Considérant la mauvaise récolte et les faibles stocks de début d’année, nul besoin de dire cette année n’en est donc pas une d’abondance pour le maïs québécois. En principe, ceci aurait dû se transposer dans un marché local plus vigoureux pour supporter le prix du maïs dans les derniers mois. Mais, ce fût et c’est toujours loin d’être le cas…

Pire, pour ceux qui sont plus familiers avec la commercialisation du maïs au Québec, nous avons vu une « base locale » demeurer faible alors même que Chicago poursuit sa dégringolade aussi. En temps normal, surtout avec une faible offre de maïs local au Québec, s’aurait dû être l’inverse. Nous aurions dû voir la « base locale » se raffermir, spécialement avec la mauvaise récolte et les faibles stocks de début d’année, et le recul du prix du maïs à Chicago.

Comment alors expliquer un tel manque de vigueur dans le prix du maïs au Québec?

Deux possibilités :

1 – On dit qu’avec la récolte pratiquement record du côté de l’Ontario en 2023, beaucoup de maïs ontarien a été importé au Québec. Combien exactement? À ma connaissance, aucune statistique précise n’est disponible à ce sujet. Néanmoins, considérant encore une fois la mauvaise récolte au Québec et les faibles stocks de début d’année, il fait du sens que ce fut le cas; que les acheteurs se soient rabattus davantage sur le maïs ontarien pour assurer leur approvisionnement.

2 – En termes de chiffres statistiques, ce qui saute le plus aux yeux, c’est cependant la faiblesse de la demande de maïs au Québec, consommation locale et exportations combinées.

Comme l’illustre parfaitement bien le graphique ci-haut, la demande de maïs au Québec est sur une pente descendante depuis maintenant 10 ans si on se fie à la période de décembre à mars.* Pire, elle aurait atteint cette année son plus bas niveau en 25 ans. Ce qui avait sauvé la mise dans les 2 à 3 dernières années, ce sont les exportations de maïs québécois qui avaient d’ailleurs atteint un sommet l’an dernier. Malheureusement, cette année, la demande à l’exportation a chuté à son plus bas en pratiquement 25 ans.

*J’utilise seulement la période de décembre à mars comme référence, puisque pour cette année, aucune autre donnée n’est disponible par la suite pour la comparée aux dernières années.

Tout ceci nous amène finalement à nous pencher sur ce qu’étaient les stocks de maïs au Québec à la fin mars dernier. À ma connaissance, encore ici, il s’agit de la seule statistique la plus récente que nous avons sur le niveau des stocks cette année.

Comme on le constate, les stocks à la fin mars étaient certes plus bas qu’à pareille date l’an dernier. Ils n’en demeuraient cependant pas moins très confortables si on compare aux 3 années précédentes.

Nous pouvons combiner ensuite ce portrait que nous offre Statistique Canada avec celui que nous propose le cumulatif des livraisons au plan conjoint de Producteurs de Grains du Québec.

En date du mois de mai dernier, il y avait seulement 1,89 million de tonnes d’écouler, soit près de 461 000 tonnes de moins qu’à pareille date l’année précédente, et 236 000 tonnes de moins que la moyenne des 5 dernières années.

Conclusion

L’ensemble de cette brève analyse suggère donc que : « la faiblesse de la demande dans le marché québécois combiné aux plus fortes importations de maïs ontarien dans les derniers mois ont simplement plombé le prix du maïs au Québec ».

Par ricochet, surtout qu’il y a encore à peine un an le prix du maïs se transigeait à plus de 300 $/tonne, on peut facilement comprendre que les producteurs québécois ont freiné passablement leurs ventes (… avec raison). C’est ce que laisse d’ailleurs entendre le plus faible écoulement des stocks au plan conjoint de PGQ. Ceci concorde avec les stocks de maïs au Québec à la fin mars dernier qui demeuraient « confortables », bien qu’en léger recul par rapport à l’an dernier.

Sachant finalement qu’historiquement, excluant la récolte, les mois de janvier à mars sont ceux avec les plus importants volumes de vente de maïs au Québec, et il devient très plausible de penser que les stocks de maïs sont encore élevés dans les silos québécois.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.