Après ce qui semblait être un consensus sur la place de la gestion de l’offre au pays, le système est de nouveau remis en question à la lumière des récents événements.
Le projet de loi C-282 protégeant la gestion de l’offre semble compromis depuis qu’un amendement a été adopté par le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international du Sénat au début novembre. Le système de quotas ne serait pas protégé lors de la renégociation des traités en cours et à ceux actuellement en négociation. L’élection de Donald Trump aux États-Unis ramène, pour sa part, le spectre de négociations difficiles de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) en 2026.
Annie Royer, professeur titulaire à l’Université Laval et spécialiste de la gestion de l’offre, déclare qu’elle n’est pas surprise des réactions concernant le projet de loi qui représentent bien les différentes factions en place. « C’est un reflet de la position ambiguë du Canada sur le commerce international et de la fracture entre deux modes de production agricole (les provinces de l’Ouest vs l’Ontario et le Québec) », dit-elle.
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Le Bloc québécois tente de sauver le projet de loi en rappelant que le Sénat n’a pas la légitimité de modifier l’essence d’une loi, surtout dans le cas de la loi C-282, puisqu’elle avait obtenu la majorité au Parlement. Dans une déclaration sur le sujet, le premier ministre Justin Trudeau a appuyé cette position. « Nous n’allons pas accepter aucun projet de loi qui minimise ou qui enlève l’obligation de la Chambre de protéger la gestion de l’offre dans tout accord commercial à venir », rapporte La Presse.
Une récente conférence de la Chaire Raoul-Dandurand a fait le point sur les répercussions des élections américaines pour le Québec et le Canada. Il est très probable que la gestion de l’offre devienne une monnaie d’échange lors des négociation de l’ACEUM, surtout que des irritants subsistent. Tout n’est pas perdu cependant puisque les récriminations des Américains ne concernent pas tant un pourcentage de la production de lait qu’un accès au marché des protéines de lait.
Donald Trump avait également fait un cheval de bataille la renégociation de l’ALENA en le traitant de «pire entente jamais signée par les États-Unis». Selon les experts, il serait étonnant que le futur président utilise cette rhétorique cette fois-ci puisqu’il a lui-même guidé les négociations qui ont mené à l’ACEUM. Fait à souligner, c’est une révision de l’accord qui aura lieu en 2026, six ans après son entrée en vigueur, et non une renégociation en entier, ce qui est prévu pour 2036.
Reste que de nombreux inconnus demeurent qui pourraient influencer la trajectoire future de la gestion de l’offre. Le contexte économique pourrait jouer un rôle majeur si jamais les tarifs américains promis par la prochaine administration affecte la croissance des États-Unis, ce qui pourrait inciter un gouvernement impopulaire à se montrer plus exigeant. Après le succès reconnu de l’équipe canadienne aux négociations en 2017, il est impossible de mesurer comment un futur gouvernement conservateur, mené par Pierre Poilièvre mènerait les négociations.
Annie Royer mise sur le fait que le pragmatisme politique, basé sur un principe d’unité nationale, sera le message envoyé par le gouvernement canadien, tel que ce fut le cas à Ottawa, malgré les changements de partis politiques à la tête du pays.
Elle ajoute que la gestion de l’offre a fait ses preuves dans les dernières années. Durant la pandémie, elle a assuré des produits en quantités suffisantes et à des prix abordables, comparativement aux États-Unis qui ont connu des pénuries de produits et une flambée des prix. Les secteurs sous gestions de l’offre ne sont pas subventionnés directement, contrairement à nos voisins du Sud. Et il ne faudrait pas s’attendre à des économies de marchés pour les produits en cause, en raison de la géographie du Canada. Abolir ou dénaturer la mise en marché collective mènera à l’industrialisation du secteur agricole avec une consolidation des acteurs et l’entrée du grand capitalisme, selon Annie Royer.