Paris (France), 27 février 2004 – Jacques Chirac prépare les agriculteurs français à la douloureuse renégociation de la Politique agricole commune (PAC) en 2013 en les pressant de « poursuivre l’objectif d’une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable ».
« Notre agriculture va vivre des changements importants. C’est inévitable, elle en a d’ailleurs l’habitude. D’ici 2013, ce serait dangereux et même une faute de se croiser les bras », déclare le chef de l’Etat dans une interview publiée vendredi dans l’hebdomadaire « La France agricole », à la veille de l’ouverture du 41e Salon de l’agriculture.
« Nous avons près de dix années devant nous. Il faut en profiter pour mieux préparer l’avenir », souligne-t-il.
Cette nécessaire adaptation commencera en 2006 avec l’application en France de la réforme de la PAC adoptée le 26 juin 2003 à Luxembourg. Cette réforme prévoit notamment le découplage des aides financières, qui seront dissociées de la production et conditionnées au respect de critères environnementaux, sanitaires et sociaux.
Pour Jacques Chirac, le projet de loi de modernisation agricole, qui devrait être débattu au parlement en 2005, devrait permettre de « réévaluer avec les professionnels les éléments de la politique agricole » pour mieux préparer ces échéances, et « maintenir le rang de notre agriculture au niveau communautaire et sur la scène internationale ».
Le président assure ainsi que la France n’acceptera pas « des compromis à n’importe quel prix » à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – « nous allons nous battre » -, mais il reconnaît en parallèle l’obligation de réviser à l’aune de la nouvelle PAC le modèle agricole familial à la française, dont les structures datent des années 60.
« Les agriculteurs vont être davantage que par le passé exposés aux fluctuations de prix. Ce qui suppose une approche nouvelle de la gestion des risques en agriculture », précise-t-il.
S’agissant des aides communautaires, dont la France est la première bénéficiaire, Jacques Chirac concède « qu’on a atteint un cap que l’on ne peut pas dépasser ».
Comme lors du sommet France-Afrique de février 2003, il se dit favorable à la suppression des restitutions (subventions à l’export) « réellement déstabilisatrices ».
Le président de la République prône en outre une remise à jour du statut juridique des exploitations pour améliorer leur compétitivité.
Sécurité alimentaire
« Les entreprises agricoles ont besoin d’un cadre juridique et fiscal qui soit mieux adapté aux nouvelles conditions de concurrence, ce qui suppose de réévaluer de nombreux volets de notre droit rural et d’examiner les moyens d’alléger les charges qui pèsent de façon excessive ou abusive sur le revenu agricole », ajoute-t-il.
Au-delà des aspects financiers de cette « révolution » en marche, Jacques Chirac insiste sur le volet environnemental de l’agriculture nouvelle manière.
« Nos concitoyens expriment des attentes auxquelles il faut répondre. Notre politique agricole doit impérativement les intégrer. L’avenir en dépend », juge-t-il.
En résumé: « il faut poursuivre l’objectif d’une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable ».
Une vocation écologique dont Jacques Chirac refuse qu’elle s’exerce au détriment des revenus agricoles.
« La sécurité a un coût. Elle ne peut s’accommoder de la baisse continue des prix agricoles. Il est indispensable de mieux rémunérer les prix agricoles pour viser l’excellence par une politique de qualité », déclare-t-il à l’intention d’un électorat traditionnellement acquis à la droite.
Les premiers effets de la nouvelle PAC se feront sentir à la veille de l’élection présidentielle de 2007.
« Ces progrès, nous les ferons avec les agriculteurs et non contre eux », affirme Jacques Chirac, précisant que les exploitants « comprennent la nécessité de choix parfois difficiles » au bénéfice de l’environnement. Ainsi évoque-t-il l’interdiction récente de six insecticides contenant une molécule soupçonnée de décimer les abeilles.
« Certaines techniques agricoles sont devenues parfois trop très agressives. Lorsque c’est le cas, il faut y remédier », estime le chef de l’Etat.
Au nombre des remèdes, il exclut le principe d’une nouvelle taxe agricole pour lutter contre la pollution de l’eau, comme l’avait suggéré en décembre dernier la ministre de l’Environnement, Roselyne Bachelot. « Ce doit être l’ultime solution, s’il n’y en a pas d’autres ».
Jacques Chirac considère en revanche que les recherches sur les OGM peuvent permettre de « résoudre certains problèmes environnementaux », mais il souhaite qu’elles soient conduites « avec toutes les garanties nécessaires ».
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Source : Reuters