La Banque du Canada a de nouveau fait preuve de vigueur dans ses tentatives de ralentir l’inflation en augmentant les taux d’intérêt de trois-quarts de point à 3,25%, ce qui en fait les taux les plus élevés depuis 14 ans. Bien que l’inflation ait ralenti, elle se situait tout de même à 7% en juillet, bien loin de la barre des 2% visée habituellement par la banque centrale. La baisse des prix de l’énergie dans les dernières semaines pourrait signifier une baisse de l’inflation puisqu’elle est en grande partie alimentée par ces derniers.
Les taux pourraient continuer à augmenter. C’est le message lancé par la Banque du Canada lors de son annonce hier. Jean-Philippe Gervais, économiste en chef chez Financement agricole Canada (FAC), résume la situation et les conséquences pour l’économie canadienne.
Selon M. Gervais, une récession n’est pas inévitable au pays, bien que les économistes du Mouvement Desjardins aient avancé cette éventualité d’ici la fin de l’année. La demande des ménages sera réduite, mais le marché de l’emploi qui demeure serré devrait permettre d’éviter ce scénario, tout comme aux États-Unis. Le plus grand risque serait celui d’une récession mondiale qui pourrait entraîner une baisse des prix des produits agricole. En ce moment, l’Europe et la Chine semblent les plus à risque de connaître un ralentissement économique.
Sébastien Pouliot, économiste agricole supérieur également chez FAC, signale que les États-Unis sont techniquement en récession, avec deux mois consécutifs de contraction du PIB. Le dernier trimestre de 2022 et le premier de 2023 seront à surveiller chez nos voisins du Sud. « S’il y a une récession (au Canada ou aux États-Unis), elle ne devrait pas être aussi pénible, mais il demeure beaucoup d’incertitude. »
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Si jamais les interventions de la Banque du Canada s’avéraient infructueuses, pourrait-on assister à un scénario où l’inflation demeure élevée et où l’économie stagne, ce qu’on appelle la stagflation? M. Pouliot espère que non, mais indique du même souffle que la banque centrale a émis un engagement fort à juguler l’inflation. Elle est en cela imitée par d’autres banques centrales, comme en Europe et aux États-Unis. « Elles veulent absolument éviter ça », affirme l’économiste. Les interventions de la banque prendront un certain temps avant d’atteindre leur plein effet.
La FAC prévoit d’ailleurs deux autres hausses cette année pour un taux d’intérêt à 3,75% à la fin de 2022. La baisse de l’inflation devrait s’accentuer avec la baisse des coûts de l’énergie et les coûts de transport maritime.
Une année difficile pour les élevages
L’inflation a eu un effet immédiat et important sur le coût des intrants en agriculture en 2022. Pour les agriculteurs canadiens, le portrait semble somme toute positif, surtout dans le secteur des grandes cultures. Les producteurs qui ont pu tabler sur les prix élevés du printemps dans le marché des grains s’en sortent le mieux. Le tableau suivant a été préparé par FAC à partir des données de Statistique Canada.

Le portrait est un peu différent dans l’Est du pays. Pour 2022, les producteurs en grandes cultures devraient cumuler des marges plus intéressantes que celles mentionnées plus tôt, surtout que les prévisions de rendement pour la prochaine récolte sont intéressantes. Dans le secteur des parcs d’engraissement, les marges pourraient finir dans le rouge, tout comme dans le porc. Le secteur du lait est en décroissance, alors que celui des vaches-veau est positif. Les coûts d’alimentation qui ont explosé sont à pointer du doigt, mais M. Pouliot indique que la prochaine récolte devrait apporter un répit pour ce poste de dépense.