L’agroéconomie, la gestion de l’eau, les politiques environnementales et la gouvernance étaient quelques-uns des sujets couverts lors de l’édition 2023 des Perspectives agroalimentaires du CRAAQ qui avait lieu le 25 avril dernier à Drummondville.
Avec ce retour en personne, l’événement ne pouvait mieux tomber alors que la poussière commence à retomber après trois ans de pandémie. À travers tous les bouleversements vécus, quelles sont les conséquences pour l’économie locale et mondiale, la chaîne d’approvisionnement et l’avenir du secteur agroalimentaire? Et c’est sans oublier les enjeux qui ont dû prendre du recul pendant les dernières années, mais qui se font pressant, comme la gestion des changements climatiques par les grands argentiers et les tensions géopolitique causées par la pénurie d’eau.
La présentation de Roland Fumasi, vice-président exécutif et directeur régional pour l’Amérique du Nord, Rabobank – Raboresearch Food and Agribusiness, a résumé plusieurs des défis qui attendent le secteur agricole dans les prochaines années.
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De nombreux changements ont débuté en 2015 avec l’apparition de nouveaux canaux de commercialisation comme le commerce électronique et la livraison, suivis de l’arrivée d’aliments à base de plantes. La venue de la COVID-19 en 2020 a bouleversé l’ordre des choses. Le télétravail s’est imposé avec ses changements de comportements des consommateurs et les ruptures de services dans la chaîne d’approvisionnement. La guerre en Ukraine a elle-même causé des turbulences importantes dans un système déjà fragilisé.
Certains mouvements de fond sont demeurés en place. La classe moyenne augmente, surtout en Asie-Pacifique, grâce à une hausse des revenus. Selon les projections, cette dernière devrait croître encore de 65% d’ici 2030, avec un impact important pour le Canada et les États-Unis qui produisent les biens en demande, telles que les viandes.
Roland Fomasi a profité de ce survol sur la demande mondiale pour exposer les bases du commerce international qui repose selon lui sur trois éléments fondamentaux: la sécurité des biens, leur abordabilité et leur disponibilité. Un changement dans ces éléments provoque le chaos, comme on a pu l’observer dans les dernières années. D’autres principes exercent une influence telle que le goût, l’expérience des consommateurs, la commodité-flexibilité, ainsi que la valeur nutritive. Et par-dessus cette pyramide se trouvent les principes d’éthique-bien social et la durabilité-environnement. Une mauvaise évaluation de la part des intervenants dans la chaîne de production, comme par exemple un coût trop élevé pour un bien, fait basculer cette pyramide et cause sa déroute. L’aspect environnement a le même potentiel vis-à-vis des consommateurs. Un exemple est la viande à base de plante dont le coût élevé et les doutes quant à sa valeur nutritive ont fait chuter les ventes.
Parmi les changements en cours, l’économie doit composer avec un taux d’inflation élevé. Cette dernière semble toutefois sous contrôle et diminue même. On le voit dans les marges de profits des entreprises qui étaient sous pression. Dans les derniers mois, les sociétés recommencent à engranger des gains. Le prix des engrais suit la même trajectoire avec des prix mieux contrôlés, bien que l’azote risque de ne pas suivre la parade en raison des coûts élevés du gaz naturel utilisé pour produire l’engrais.
Le secteur agricole devra faire face encore à d’autres défis, dont l’emploi. Aux États-Unis, le secteur agricole vit une réalité particulière avec des salaires qui ont augmenté de 41% en 10 ans. Si on pouvait croire que la main-d’œuvre étrangère demeurait abondante, Roland Fomasi avertit que ce n’est plus le cas. Le principal défi au Mexique est en effet le manque de main-d’œuvre, comme dans de nombreuses économies, alors que ce pays est considéré avoir une main-d’oeuvre abondante. Les secteurs agricoles devront donc se tourner vers des solutions technologiques pour maintenir un niveau de productivité élevé.
L’expert de Robabank a aussi évoqué l’influence des politiques environnementales qui, bien que votées ailleurs, finissent par avoir des impacts ici. Les politiques vertes apportent des changements auprès des consommateurs qui en retour réclament davantage. « L’inflation verte est réelle, mais nous devons continuer à faire plus avec moins », a conclu Roland Fomasi.
Les autres conférences des Perspectives
Quatre autres conférences étaient à l’ordre du jours de cette journée Perspectives, en plus de Roland Fomasi. Matthieu Arseneau, économiste à la Banque Nationale du Canada s’est montré confiant de voir l’économie du pays effectuer un atterrissage en douceur, en prévoyant même une baisse des taux d’intérêt au 4e trimestre et jusqu’en 2024.
Le fonctionnement de la finance durable a également été expliqué grâce à Maxime Boucher, CFA et Sofia Condés, économiste, directrice principale, investisseuse de proximité, tous les deux travaillant chez FAIRR. L’investissement responsable exerce une influence notable auprès des entreprises tout en mettant en évidence l’impact des décisions de ces dernières face à l’environnement et aux changements climatiques. Sur les 40 plus grandes entreprises du monde, seulement six ont fait un scénario de changement climatique, un chiffre préoccupant puisque la moité d’entre elle encaisseront des pertes avec une hausse de 2 degrés Celsius.
Kim McConnell, fondateur et ancien chef de direction, AdFarm, a rappelé que la ferme de nos grand-parents fait partie de l’histoire. Les producteurs agricoles qui veulent durer devront avoir un plan défini et faire preuve de leadership, ce qui voudra dire également faire une place aux femmes et aux jeunes, tout en partageant leur expertise.
Frédéric Lasserre, géographe politique et professeur au Département de géographie de l’Université Laval a mis en évidence le fait que 21e siècle pourrait être celui de la guerre de l’eau.
Le développement international et une présence locale soutenue, le GLOCALE, a fait l’objet de la dernière conférence, présentée par Martin Noël, vice-président principal et chef de la direction financière chez Premier Tech de Rivière-du-Loup. Grâce à la volonté de croissance à long terme de la famille à qui appartient Premier Tech, les projets sont menés pour durer, ce qui fait que les équipes des usines à l’étranger sont dirigées par des gens de l’endroit.