Paris (France), 28 août 2003 – Les représentants des organisations professionnelles agricoles ont invité le gouvernement français à faire preuve de « détermination » et de « courage » lors des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Cancun (Mexique).
José Bové, qui représentait la Confédération paysanne à cette réunion de travail au ministère de l’Economie, a souhaité que la France refuse tout accord lors de la conférence ministérielle de l’OMC, et ne fasse pas confiance au négociateur européen Pascal Lamy.
Présidée par les ministres Hervé Gaymard (Agriculture) et François Loos (Commerce extérieur), la table ronde de Bercy, organisée dans le cadre des consultations menées depuis un an avec la société civile, était destinée à préparer la position française en vue de la conférence, qui se tiendra du 10 au 14 septembre.
Elle a réuni l’ensemble des organisations professionnelles agricoles: Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale et Mouvement de défense des exploitations familiales (MODEF). Désireux de jouer la transparence, le gouvernement avait autorisé la presse à assister à la réunion.
Les interventions, plutôt convenues, ont montré l’hostilité viscérale des agriculteurs français à toute libéralisation totale des échanges dans le cadre de l’OMC, mais aussi le fossé entre les altermondialistes et ceux qui continuent de faire confiance au système.
Jean-Michel Lemétayer (FNSEA) a ainsi qualifié d’« absurdité » la « mondialisation des échanges agricoles » souhaitée par l’OMC. « Pas un pays du monde ne peut faire du lait au prix des Néo-zélandais », a rappelé le président de la FNSEA.
Dans cet esprit, il a invité le gouvernement à refuser tout accord qui nécessiterait une renégociation de la Politique agricole commune (PAC).
En accord avec la position traditionnelle de la France, le président de la FNSEA s’est cependant prononcé pour une « remise à plat » des mécanismes de soutien à l’exportation, « à condition que tous les types d’aides à l’exportation soient bien mis sur la table ».
Jean-Michel Lemétayer a ainsi jugé « extrêmement dangereux pour l’agriculture » le projet d’accord présenté le week-end dernier par le président du conseil général de l’OMC. « Il ne faut pas que l’agriculture soit une variable d’ajustement pour obtenir un accord global », a-t-il souligné.
José Bové s’est inscrit dans une toute autre logique. Affirmant qu’une exploitation agricole disparaît « toutes les trois minutes » du fait de la mondialisation, le porte-parole de la Confédération paysanne a demandé un « moratoire » dans les négociations commerciales multilatérales « pour faire une évaluation des effets de l’OMC depuis sa création ».
Il s’est dit « très inquiet » sur le mandat de négociation donné par l’UE au commissaire européen Pascal Lamy. Citant des propos tenus récemment par ce dernier à Londres, il a demandé au gouvernement de récuser Pascal Lamy. « A partir du moment où l’on dit que l’agriculture devient une monnaie d’échange, on ne peut pas faire confiance à ce négociateur », a-t-il lancé.
Les deux organisations classées à gauche ont abondé dans le même sens. Président du Modef, Xavier Compain a proposé que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) devienne « l’arbitre des échanges internationaux pour l’agriculture » à la place de l’OMC.
Au nom de la Coordination rurale, François Lucas a plaidé pour une « exception agricole » sur le modèle de « l’exception culturelle » défendue par la France.
En conclusion, François Loos s’est félicité de la « vision commune de la place de l’agriculture dans la société » entre le gouvernement et les agriculteurs. « C’est ce message là que nous devons faire passer à Cancun », a déclaré le ministre délégué au Commerce extérieur.
Reprenant quelques uns des arguments des agriculteurs, Hervé Gaymard a prévenu un peu plus tard que la France « ne pourrait accepter en l’état » le projet d’accord préparé par le président du conseil général de l’OMC.
Sceptique, José Bové a déploré les « non-dits » du gouvernement. « Je ne voudrais pas qu’il y ait un discours qui dise ‘on est d’accord avec ce que vous dites’, et ensuite des actes qui prouvent l’inverse », a conclu le « Robin des bois du Larzac ».
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Source : AP
Site(s) extérieur(s) cité(s) dans cet article :
Confédération paysanne
http://www.confederationpaysanne.fr/
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)
http://www.fnsea.fr/
Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
http://www.fao.org