
Pour une plus grande résilience face aux problématiques qu’engendreront les changements climatiques, repenser l’aménagement de sa ferme devient incontournable.
Selon les données d’Ouranos, un consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, d’ici 2050, les cultures subiront davantage de pression des ravageurs dans plusieurs régions agricoles du Québec.
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Pour limiter cette pression tant des nouveaux ennemis des cultures qui viendront s’installer que des espèces déjà présentes, l’une des mesures recommandées dans le Plan d’adaptation de l’agriculture de la Montérégie aux changements climatiques consiste à créer des espaces de biodiversité. « Par exemple des bandes enherbées, des bordures fleuries ou des haies brise-vent », précise Geneviève Labrie, professeure associée à l’Université Laval et chercheuse associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Bandes enherbées
Les bandes enherbées sont des bordures d’herbes qu’on laisse pousser autour d’une culture. Il s’agit de ressources essentielles pour les ennemis naturels des ravageurs des cultures. « Pour les carabes, qui mangent des escargots, des limaces, des chenilles et des graines de plantes adventices, et pour les araignées, prédateurs généralistes, ces bandes représentent des sites d’hibernation, de reproduction et d’alimentation », explique la biologiste et entomologiste.
Bordures fleuries

Quant aux bordures fleuries, ce sont des lisières de fleurs le long des champs. Elles peuvent être aménagées ou naturelles. Des observations faites au Québec et ailleurs ont permis de constater que les ennemis naturels (parasitoïdes et autres) des ravageurs y sont plus abondants que dans les bandes enherbées. Résultat : les cultures adjacentes aux bordures fleuries subissent moins de dommages (encore moins s’il s’agit de bandes fleuries naturelles) que celles au voisinage de bandes enherbées.
Il peut toutefois arriver que les bandes fleuries retiennent les ennemis naturels et les pollinisateurs au détriment des cultures adjacentes. « Dans ce cas, conseille la chercheuse, il faut réduire la présence de la plante trop attirante dans ces bandes pour inciter les prédateurs à aller s’attaquer aux ravageurs dans les cultures. Ou encore, on peut semer des intercalaires pour améliorer la diversité à l’intérieur des cultures », dit-elle.
En diversifiant les espèces de plantes dans les bordures, on obtient des aménagements plus efficaces. Les vivaces favorisent davantage la présence des ennemis généralistes, alors que les annuelles peuvent être choisies et implantées pour tirer profit d’ennemis plus ciblés.
Haies brise-vent
Geneviève Labrie a pu constater que les haies brise-vent (multistrates en raison de leur âge avancé) sont aussi très utiles. « Elles servent de corridor pour les déplacements des ennemis naturels et de refuge pour échapper aux applications de pesticides durant la saison. Par ailleurs, elles protègent du vent les parasitoïdes qui sont un peu nos premiers répondants dans la lutte intégrée contre les pucerons, les chenilles et les criquets dans les cultures, illustre-t-elle. En agissant comme barrière contre le vent, les haies empêchent également les ravageurs, tels les thrips et les pucerons, de se déplacer d’un champ à l’autre. »
Une étude a démontré qu’une augmentation de 6 % du couvert de haies dans les céréales pouvait entraîner une hausse de 6 % du parasitisme des pucerons par les ennemis naturels. Peu de recherches ont chiffré l’effet de ce genre de gain sur les rendements. Par contre, les travaux réalisés en 2018 par l’organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) permettent de supposer que la présence de haies brise-vent aurait permis d’épargner un traitement insecticide contre le puceron du soya au cours de la saison.
Effets du paysage
Des recherches à plus grande échelle ont montré que même le paysage dans son ensemble influence la répartition et l’abondance des ravageurs et de leurs ennemis naturels dans les champs. « Plus les habitats sont complexes et diversifiés, c’est-à-dire plus ils comptent de cultures, de boisés, de haies, de friches et de prairies, par exemple, plus grande est l’abondance des ennemis naturels et meilleur est le contrôle biologique des ravageurs », souligne la chercheuse Geneviève Labrie.
Cet effet est notable non seulement dans les champs, mais il se répercute aussi dans les serres maraîchères. « Plus grande est la diversité florale à l’intérieur et à l’extérieur de la serre, plus grande est la diversité des ennemis naturels dans la serre », confirme la biologiste et entomologiste.

Le saviez-vous?
En plus de se nourrir de certains ravageurs des cultures, plusieurs ennemis naturels adultes, comme les coccinelles, ont besoin de pollen. Les guêpes parasitoïdes ont, pour leur part, besoin de pollen et de nectar. D’où l’intérêt de créer des espaces de biodiversité dans les champs cultivés ou à leur pourtour.
Pour connaître le calendrier d’espèces végétales suggérées au Québec, consultez la première des fiches d’accompagnement pour l’implantation d’aménagement favorisant la biodiversité en milieu agricole du Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy (CERFO). Pour plus d’informations, vous pouvez aussi vous procurer le Guide d’identification et de gestion : Pollinisateurs et plantes mellifères et le Guide d’aménagement de systèmes agroforestiers du CRAAQ.
*Cet article est issu d’une collaboration entre le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) et Le Bulletin des agriculteurs.
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