L’ambiguïté qui entoure l’utilisation de fongicides dans le maïs continue. La réponse au traitement fongique est d’abord une question d’hybride.
Afin de justifier l’utilisation de fongicides dans le maïs et d’évaluer l’impact de cette pratique sur le rendement, Gilles Tremblay, chercheur au Centre de recherche sur les grains (CÉROM), a mis à l’épreuve 23 hybrides de maïs avec et sans application du fongicide Headline.
Sur les bancs d’essai
À lire aussi

Prix des grains : sommets de 2022, l’histoire se répétera-t-elle?
Vendre ou attendre d’autres sommets? Plusieurs personnes se pose la question présentement. Il y a matière à réflexion surtout que j’ai reçu une alerte d’un courtier américain disant que les astres étaient moins bien alignés pour le marché du maïs.
L’essai s’échelonne sur trois ans, soit 2009, 2010 et 2011. Deux sites abritent le projet de recherche, à l’Assomption et à Beloeil. Après deux années d’expérimentation, 12 des 23 hybrides se sont démarqués. Autrement dit, pour 52 % des hybrides, l’utilisation du fongicide a été économique- ment rentable. « Ce sont la moitié des hybrides qui ont atteint le seuil de rentabilité économique, ça revient à lancer une pièce de monnaie dans les airs. Cinquante-deux pour cent, ce n’est pas suffisant pour justifier l’utilisation du fongicide. Pour cela, il faudrait que quatre hybrides sur cinq offrent un rendement économiquement viable », explique Gilles Tremblay.
Parmi les six cultivars les plus performants de l’essai, trois ont offert autant, sinon plus de rendement sans l’utilisation de fongicides.Les producteurs pourraient profiter d’hybrides perfor- mants, or, le choix de l’hybride s’avère ardu puisque les hybrides demeurent rarement plus de quatre ans sur le marché. Le producteur doit se rapporter à son représen- tant de semences pour faire son choix. L’étude révèle que le fongicide mis à l’épreuve n’a aucune incidence sur le développement de la fusariose de l’épi. Pulvérisation de fongicides ou pas, le DON (désoxynivalénol) était similaire. Il agit spécifiquement sur les maladies foliaires.
Avant de considérer la pulvérisation, il faut d’abord réduire les facteurs de risque de développement de maladies fongiques. Les résidus de maïs représentent une niche de choix pour les spores de ces maladies. Ainsi, pourrait-il y avoir une corrélation entre l’augmentation du semis direct et l’expansion des maladies foliaires ? La succession de la culture de maïs année après année est également un facteur d’influence au développement de maladies.
Dans la cour des producteurs
Le Bulletin a interrogé deux producteurs de grandes cultures qui utilisent des fongicides depuis quatre ans pour connaître leurs motivations et leurs observations relatives à cette pratique.
Serge Benoît, qui cultive du blé, du maïs et du soya dans la région de Rougemont, et Jocelyn Leblanc, producteur de grandes cultures et de volailles à Saint- Hyacinthe, sont au diapason sur les critères d’utilisation d’un fongicide dans le maïs. Tous deux utilisent des hybri- des de 2800 à 2900 UTM et les sèment sous de hautes populations. Serge Benoît sème un minimum de 38 000 plants à l’acre en semis aux 30 pouces.
Pour en arriver à l’application d’un fongicide dans la culture du maïs, il faut d’abord maîtriser tous les autres éléments, comme le drainage, le contrôle des mauvaises herbes, la fertilité des sols, etc. « Le fongicide n’est pas un sauveteur de maïs ni une solution miracle, il faut que les autres éléments soient bien maîtrisés avant d’en arriver là », souligne Serge Benoît. Le moment d’application est primordial et correspond au stade où 50 % des soies sor- tent, c’est-à-dire avant le déploiement des croix. « Quand les croix ont relâché leur pollen, c’est trop tard, parce que le pollen fait comme un écran sur le feuillage, ce qui réduit l’efficacité du produit », observe Jocelyn Leblanc. Tous les deux considèrent que l’application doit se faire par voies aériennes, autrement le maïs est endommagé.
En somme, plusieurs facteurs doivent être considérés avant d’opter pour l’utilisation de fongicides. Par le biais de sa recherche, Gilles Tremblay a démontré que le choix de l’hybride a une incidence. De son côté, Serge Benoît croit qu’il faut, en premier lieu, optimiser l’ensemble des pratiques agricoles avant d’y incorporer un fongicide.
*Article rédigé par Eve Cayer.
*À noter que cet article n’est pas complet. La version intégrale est publiée dans Le Bulletin des agriculteurs, édition février 2011.