L’IRDA travaille sur des projets de recherche fort prometteurs concernant la production d’énergie à partir du lisier.
Imaginez une pile qui fonctionne grâce à la présence de lisier. Science-fiction ? Pas du tout ! L’équipe du chercheur Daniel Yves Martin, spécialiste en valorisation de la biomasse et efficacité énergétique à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), en a fait la démonstration. Le chercheur a même été en mesure d’expliquer son fonctionnement. La phase expérimentale avec un petit volume de lisier est terminée. Le chercheur souhaite maintenant explorer une pile fonc- tionnant avec un plus grand volume.
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De son côté, l’équipe du chercheur Stéphane Godbout, spécialiste en ingénierie de l’environnement agricole, explore les émissions produites lors de la combustion de biomasse et la transformation du lisier en matériel combustible. « Nous nous intéressons aux surplus de lisier de porc, explique Stéphane Godbout. Nous avons regardé ce que nous pouvions faire avec la partie solide des procédés de séparation: soit, nous la brûlons directement, soit, nous la transformons par des procédés de conversion thermochimique. » Dans le premier cas, il s’agit d’une source de chaleur directe. Dans le deuxième cas, le procédé transforme le lisier séché en d’autres composantes, en l’occurrence de l’huile, du gaz ou du charbon.
Biomasse
Stéphane Godbout veut comparer plusieurs biomasses agricoles à des fins de combustion. Ce type de combustion n’est actuellement pas permis. Les résultats de cette étude sont, par conséquent, très attendus par tous les agriculteurs et intervenants agricoles, et ce, non seulement du domaine porcin. L’étude vise la comparaison des émissions issues de la combustion du saule, du panic érigé et du solide de lisier de porc séché (à 90 % de matière sèche) avec les émissions produites par la combustion de bois. Concernant le saule et le panic érigé, le projet est important pour la valorisation des terres marginales. De façon générale, l’autorisation de combustion de bio- masse apporterait un revenu d’appoint ou une réduction de la facture de chauffage pour les agriculteurs, en plus de réduire la consommation de carburants fossiles et les émissions de gaz à effet de serre.
Le projet en est à ses débuts. À l’automne 2009, l’équipe de Stéphane Godbout a répertorié la littérature scientifique mondiale sur les émissions produites par la combus- tion de divers types de biomasses agricoles. « Même si la réglementation portant sur le bois comme élément de combustion est bien déterminée, largement documentée et normalisée, il existe peu, ou pas de législation officielle en matière de combustion des biomasses agricoles », peut-on lire dans le rapport. L’étude effectuée par l’IRDA pourrait donc devenir une référence mondiale.
L’étude des émissions des diverses biomasses vient tout juste de démarrer, en janvier, et se continuera jusqu’en 2013. Pour cela, une fournaise utilisée couramment dans le domaine résidentiel est utilisée. Par la suite, la biomasse la plus prometteuse sera évaluée sur une fournaise de type commercial de grande capacité. D’autres essais de combustion avec diverses espèces de plantes cellulosiques se dérouleront de l’automne 2011 au printemps 2013. Ce dernier volet vise à déterminer d’éventuelles normes de certification de la biomasse cellulosique à des fins de combustion.
Biohuile
Stéphane Godbout veut aussi transformer le lisier séché à 90 % de matière sèche par ce qu’on appelle dans le langage scientifique de la pyrolyse. On parle alors d’un procédé qui, sous l’action d’une très haute température et sans oxygène, transforme la matière en d’autres composantes qui n’étaient pas présentes dans le matériel original. Ainsi, le lisier est transformé en gaz, en charbon et en huile, même si ces produits ne sont pas présents dans le lisier.
Des essais préliminaires de pyrolyse effectués à Deschambault en 2007-2008 ont donné des résultats encourageants. Des essais réalisés en 2009-2010 avec un nouveau prototype visaient à augmenter le rendement en biohuile. Le traitement donne 62 % de biohuile, 25 à 40 % de biocharbon et de 7 à 20 % de gaz. Les caractéristiques de la biohuile ont été évaluées. Le chercheur a conclu qu’elle pourrait être utilisée pour le chauffage. Pour sa part, le gaz est rejeté dans l’atmosphère, mais il pourrait être récupéré. Tout le procédé est en cours de demande de brevet. « La prochaine étape serait de fabriquer une unité pilote à l’échelle de la ferme », précise Stéphane Godbout. Il ne manque que le financement.
Biopile
Le chercheur Daniel Yves Martin fonde beaucoup d’espoir en son projet de pile fonctionnant au lisier. Le principe est très complexe et fait appel, d’un côté, à la biologie des bactéries présentes dans le lisier et, de l’autre, aux réactions électrochimiques présentes dans toute pile. C’est ce qu’on appelle une biopile. Comme pour toute pile conventionnelle, ces réactions se produisent sur deux électrodes, une anode et une cathode. Les réactions sont assurées par les bactéries du lisier. Dans ce système, l’anode est immergée dans le lisier et permet de capter un flot d’électrons, le courant électrique, émis par les bactéries pendant qu’elles digèrent cet effluent d’élevage. Pour sa part, la cathode est immergée dans un milieu oxydant, l’oxygène de l’air par exemple. En étant reliée à l’anode par un fil électrique, la cathode complète la chaîne des réactions. Il a été découvert que les bactéries responsables de la production d’électricité sont présentes en quantité infime dans le lisier. Ce sont les conditions particulières des biopiles qui permettent leur multiplication rapide. L’apport d’un matériau support, en l’occur- rence le charbon, stimule la croissance de cette bactérie.
La première pile fabriquée en 2007 a produit 30 mW/m2 (milliwatts par mètre carré), alors que celle testée en 2010 en a produit 5000. « Nous sommes encore à une échelle de laboratoire, mais nous sommes près de la pile idéale », explique Daniel Yves Martin. Tout le procédé est en cours de demande de brevet. Le chercheur imagine déjà une ferme commerciale équipée d’une pile qui pourrait fournir l’énergie pour faire fonctionner cer- tains équipements de la ferme. C’est la prochaine étape du projet. Il ne manque que le financement. En plus de réduire la facture d’électricité de la ferme, la pile traiterait le fumier. Les tests ont démontré que la demande chimique en oxygène, ce qu’on appelle la DCO, est réduite de 60 %. De plus, le lisier est huit fois moins odorant après le traitement. De surcroît, on retrouve dix fois moins d’agents pathogènes après le traitement. Ainsi, le lisier recèle plusieurs applications qu’on ne soupçonnait même pas.
*Article rédigé par Marie-Josée Parent.
*À noter que cet article n’est pas complet. La version intégrale est publiée dans Le Bulletin des agriculteurs, édition février 2011.