Veaux de lait en Belgique: des élevages sévèrement réglementés

Publié: 6 juillet 2011

En Belgique, une loi interdit les cages individuelles pour les veaux de plus de cinq semaines. La densité animale dans les bâtiments est sévèrement réglementée. Par ailleurs, afin d’éviter les carences en fer, depuis 2008, la ration des veaux de lait doit comprendre une portion de fibres. Nécessairement, ces pratiques contribuent à donner une viande plus rosée, moins blanche. Malgré tout, la demande pour le veau de lait connaît une croissance soutenue.

À l’ouest de Bruxelles
Anita Costermans et Dominique Lavigne habitent Geetbets, un village du Brabant flamand qui se trouve à 70 kilomètres à l’ouest de Bruxelles, capitale de la Belgique. Avec l’appui de leurs deux adolescents, ce couple dans la quarantaine exploite un élevage de veaux de lait. Depuis le début de leur aventure, il y a une vingtaine d’années, ils ont raffiné leurs pratiques d’élevage, autant par souci d’efficacité que pour se conformer aux règles qui régissent le bien-être des animaux.

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Bien qu’une grande partie de la production de veaux de lait en Belgique soit faite sous intégration pour de grandes compagnies, les Lavigne, qui préfèrent leur indépendance, travaillent à leur compte.
Pour se conformer aux normes de densité animale dans les étables, les Lavique ont tout simplement éliminé des cloisons entre les stalles afin de doubler l’espace des logettes pour les petits veaux. « Les rajustements aux normes de l’Union européenne coûtent à peu près 300 EUR (400 $ CAN) par veau, un lourd investissement qui n’est pas comblé par des revenus supplémentaires », explique Dominique.

Un élevage plus convivial

En revanche, même s’ils avaient le choix, Anita et Dominique disent qu’ils ne reviendraient pas aux anciennes pratiques. L’alimentation est facilitée par l’addition de fibres dans la ration et les veaux, désormais élevés en petits groupes, peuvent courir et interagir entre eux. Le système, dit Dominique, est plus convivial.
Dans leur région, les terres sont petites. L’absence de loi sur la conservation des terres cultivables a fait en sorte que par le passé, le lotissement a passablement réduit les superficies des fermes. Dans leur cas, ils cultivent à peine cinq hectares de terre, un lopin qui était la propriété des parents d’Anita. Quant à Dominique, il avait très peu d’expérience en agriculture avant de se lancer dans l’élevage.
Les installations d’élevage sont modernes et les débouchés pour la production sont stables : ils font affaire avec le même acheteur depuis plusieurs années. La viande issue de leur production se retrouve sur les tablettes des supermarchés de la région de Bruxelles. Une belle viande tendre et rosée, dont la texture est à la fois fine et dense. Prêt pour l’abattage, l’animal âgé de 26 à 28 semaines pèse 300 kilos vivant. Chez d’autres producteurs sous contrat, le poids peut atteindre 350 kilos pour des animaux livrés à 30 semaines.

Tout plein, tout vide

L’élevage est réparti dans deux bâtiments d’élevage distincts. Le système tout plein, tout vide permet de laver et de désinfecter à fond entre chaque lot d’élevage. Les animaux qui arrivent pour l’engraissement ne dépassent guère dix jours d’âge. C’est un courtier qui les approvisionne. Les veaux noir et blanc proviennent d’élevages laitiers, ils sont de races mixtes Holstein et Bleu Blanc Belge. Les mâles sont non castrés, ce qui est une constante dans l’engraissement des bovins en Belgique. L’entreprise a une capacité de 1200 veaux. Les deux étables sont divisées en chambres d’élevage d’une capacité de 60 veaux chacune.
Première manœuvre à l’entrée des animaux?? Noter les numéros d’identification des arrivants et en aviser les autorités responsables. Tous les animaux sont identifiés et leur origine inscrite dans un registre central informatisé, comme c’est le cas au Québec. Manque-t-il un identifiant à un animal?? Alors la machine bureaucratique s’ébranle. L’épisode de la maladie de la vache folle a passablement resserré les normes relatives à la traçabilité.

À l’eau pour 48 heures!
Dès leur entrée, tous les animaux sont soumis à une diète liquide pour 48 heures composée exclusivement d’eau et d’électrolytes. On coupe le lait complètement. « La méthode est efficace pour se débarrasser de la présence des pathogènes responsables des diarrhées. Une fois que sont détruites les bactéries présentes dans le tube digestif des veaux, le lait est réintroduit », indique Anita.

Au début, le lait est servi à raison de trois repas par jour, mais au bout de deux ou trois semaines, deux repas suffisent. Le mélange de poudre de lait est effectué dans des bassins d’acier galvanisé munis d’agitateurs. L’eau est chauffée dans des chaudières. Dans une étable, le système est activé au charbon tandis que dans l’autre, on utilise la combustion du blé. Les deux carburants, en ce qui concerne le prix, s’équivalent, selon Dominique. De façon générale, le prix de l’énergie en Belgique est à peu près le double de celui que l’on paie au Québec.

Poudre de lait et fibres
L’eau chaude est stockée en réservoir jusqu’à son utilisation. Le lait est servi à 44 0C en hiver, 42 0C en été. Le mélange de lait chaud est ensuite acheminé automatiquement dans des auges de PVC qui se trouvent tout le long des enclos. Le grain est introduit dans la diète dès que les veaux atteignent trois ou quatre semaines d’âge. Pour élever un veau, il faut compter à peu près la même quantité de poudre de lait que de grains, soit 60 kilos par animal pour une période d’engraissement qui dure de 26 à 28 semaines.

La céréale servie aux animaux est un hybride de blé et d’orge, un grain léger servi écrasé dans son enveloppe. « Pour répondre aux exigences du contenu minimal de fibres dans la diète, il n’est pas rare qu’on serve de la paille aux veaux à raison de 0,5 kilo par jour », ajoute Anita. L’équipement des étables est d’origine italienne, les planchers lattés et surélevés, sont faits de plastique. Les déjections sont éliminées par gravité.

Un élevage rentable?
Le prix moyen reçu pour la première moitié de 2010, pour un veau de qualité supérieure, allait de 4,5 à 5,5 EUR le kilo (6 $ à 7,30 $ CAN). Quant au veau de moindre qualité, le prix allait de 3,5 à 4,5 EUR (4,60 $ à 6 $ CAN) le kilo. Parvenu au comptoir du boucher, le veau de lait ne se négocie jamais pour moins de 25 EUR le kilo, et parfois jusqu’au double. À titre comparatif, Soparco, un intégrateur qui abat 100 000 veaux par année, paie entre 175 et 200 EUR par année, soit entre 235 $ et 270 $ CAN pour un espace d’élevage chez l’éleveur. La compagnie se charge d’approvisionner la ferme en veaux (spécifiquement de race Blanc Bleu), lui fournit les aliments et paie pour les frais de vétérinaire. L’éleveur pour sa part doit fournir les bâtiments, l’électricité et assumer les coûts de chauffage.

La politique agricole commune (PAC) en Europe a eu pour effet d’uniformiser les programmes de soutien aux agriculteurs entre les pays membres. Par exemple, tant en Belgique qu’en Hollande, les producteurs de grains reçoivent environ 300 EUR (400 $ CAN) l’hectare de maïs, à condition que la ferme soit en tout point conforme aux normes environnementales et que tous les papiers exigés soient en ordre.
Pour combler le manque à gagner entre les coûts de production et le prix de revient, la Belgique accorde une aide monétaire aux éleveurs de veaux de lait, montant qui varie selon le nombre de veaux abattus dans l’année. Le soutien de l’État est-il essentiel aux entreprises d’élevage de veaux de lait??
Dominique est catégorique : « sans le soutien financier gouvernemental, il serait préférable de tout arrêter. En 2009, on a reçu autour de 25 EUR (33,54 $ CAN) du veau produit. » La production annuelle des Lavigne leur donne droit à un soutien financier gouvernemental de près de 40 000 $ CAN.

Énergie solaire
Anita explique que l’aide financière est en lien avec les efforts de conservation de la nature que font les agriculteurs. Le gouvernement favorisant la production d’électricité chez les particuliers à partir de l’énergie solaire, les Lavigne ont donc installé, il y a deux ans, deux capteurs sur le versant sud d’un des bâtiments d’élevage. L’investissement requis pour l’achat et l’installation a été de 40 000 EUR (53 700 $ CAN) par panneau.
En échange, les autorités gouvernementales versent une subvention pour chaque kilowattheure produit. L’érection d’éoliennes est une pratique qui a soulevé beaucoup d’opposition dans plusieurs pays européens densément peuplés. Pour cette raison, la production d’énergie à petite échelle est favorisée.

De la paperasse, vous dites?
« Vous obtenez de l’aide financière si tous vos papiers sont en règle, mais la quantité de paperasse à remplir est phénoménale », s’exclame Anita. Elle est responsable de la tenue de la comptabilité et des différents registres.
Deux fois par année, les exploitants doivent remplir un formulaire d’enregistrement de leur entreprise. Toutes les informations relatives aux productions doivent y apparaître : les superficies et les types de cultures, les superficies d’épandage, le nombre de têtes en élevage, les taux d’azote et de phosphore dans les déjections, etc.
« Ici, c’est le régime Big Brother, explique Dominique. Les gens qui exécutent les travaux d’épandage des lisiers à forfait sont dotés de GPS et le ministère de l’Agriculture est en mesure de suivre à la trace les allées et venues des camions. »
La Belgique est un pays densément peuplé, particulièrement dans la province des Lavigne, le Brabant flamand. La cohabitation et la protection des cours d’eau offrent des défis importants dans ce contexte. Pour cette raison, l’eau utilisée est mise au compteur et taxée selon la quantité produite.

*Article rédigé par France Groulx.

*À noter que cet article n’est pas complet. La version intégrale est publiée dans Le Bulletin des agriculteurs, édition juin 2011.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Claude Poulin

Marie-Claude Poulin

Journaliste et rédactrice en chef

Marie-Claude Poulin est journaliste et rédactrice en chef du Bulletin des agriculteurs.