Prix des grains qui explosent, c’est quoi la suite?

Prix des grains qui explosent, c’est quoi la suite?

Depuis la semaine dernière, les différentes hypothèses sur ce qui se passera avec cette invasion inondent les réseaux sociaux et les journaux avec une pléthore d’experts et d’analystes sur le sujet. Pour ma part, je suis bien loin d’être un analyste géopolitique et encore moins de guerres. J’ai des idées comme tout le monde bien entendu. Mais je crois qu’en réalité, analystes et experts tout confondus, personne ne sait vraiment ce qu’il se produira.

Est-ce que les Ukrainiens parviendront à résister à Goliath? Je le souhaite, j’en doute… La folie de Poutine lui fera-t-elle appuyer sur le bouton « rouge »? Voudra-t-il se lancer à la conquête d’autres pays, comme le craint l’Estonie? Que fera-t-il une fois l’Ukraine conquit et quelle sera la réaction des autres pays? Les multiples représailles économiques auront quel impact sur la Russie, mais aussi dans le monde?

L’avenir nous le dira sans aucun doute. Sauf que dans l’intérim, j’ai reçu bien entendu plusieurs téléphones et courriels de producteurs me demandant : « Qu’en penses-tu? Est-ce que les prix des grains peuvent encore grimper beaucoup plus? Je fais quoi? Est-ce que je vends ou j’attends encore? »

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Bien franchement, considérant l’imprévisibilité de la situation en Ukraine, dire que j’ai vraiment une idée de la direction que pourraient prendre les prix des grains dans les prochaines semaines, ce serait l’équivalent de jouer au dard. Et j’ajouterais à la complexité de l’équation tous les points d’interrogation qui restent toujours en suspens concernant les mauvaises récoltes en Amérique du Sud. Enfin, si on se projette encore un peu plus loin, nous avons de multiples inconnus devant nous aussi avec les ensemencements américains, la hausse des prix des intrants, et surtout ce que seront les conditions météo de la prochaine saison.

Bref, ce serait un peu de la folie de tenter de faire des projections sur les prix. Par contre, pour vous aider dans vos réflexions, je crois que certains éléments doivent être considérés :

1 – Acheter les rumeurs, vendre les faits – Tant que cette triste guerre en Ukraine généra son lot d’imprévus négatifs, les prix des grains ont la capacité de grimper davantage. Mais l’opposé est tout aussi vrai. Dès que nous verrons un accalmi de la situation, et je ne dis même pas la fin de cette guerre, on doit s’attendre à un bon recul des prix. Rappelez-vous que les marchés carburent aux rumeurs, et non aux faits, qu’ils soient positifs ou négatifs.

2 – Les prix locaux ne sont pas les prix à la bourse – On sait que les prix à la bourse sont généralement la référence pour tout le monde, et qu’ensuite les acheteurs locaux l’ajustent en fonction de leurs besoins et réalité à eux, ce qu’on réfère comme étant la « base ». Sauf que quand les prix à la bourse s’emballent face à un imprévu de taille comme cette guerre en Ukraine, on doit s’attendre à ce que les acheteurs décrochent. Autrement dit, que le prix du blé fourrager soit affiché à la bourse à par exemple plus de 500 $CAN/tonne, l’acheteur local ne peut tout simplement pas opérer à un tel prix.

Ceci veut dire que plus les prix à la bourse s’emballeront, plus cette guerre s’étirera en longueur, plus il faut s’attendre à ce que les prix locaux plafonnent à mon avis. Je ne dis pas qu’ils ne pourraient pas grimper encore davantage, seulement, qu’il faut s’attendre à ce que les prix locaux aient beaucoup plus de difficultés à s’apprécier que ce qu’on voit à la bourse.

3 – Nous sommes déjà près des records  – Actuellement, les niveaux des prix à la bourse pour le blé et le maïs gravitent déjà très près des records de 2012. Ci-joint les graphiques des prix à Chicago depuis 2000.

En 2012, à Chicago, le blé avait atteint un sommet à 13,4950 $US/bo., il se situe présentement à plus de 12,00 $US/bo.., et le maïs avait atteint un sommet à 8,4375 $US/bo., nous sommes actuellement à 7,78 $US/bo..

Maintenant, à savoir si de nouveaux records sont possibles, dans le contexte actuel, je dirais oui certainement… mais attention. Si on se fit à l’historique du comportement des prix depuis 2000, on doit aussi s’attendre à ce que ces nouveaux sommets ou records soient brefs.

Autrement dit, à moins que vous restiez très attentif à la situation, et prêt à agir rapidement à tout moment pour vendre davantage de maïs ou de blé, les chances sont plus élevées présentement que vous manquiez le bateau; que vous ne parveniez pas nécessairement à aller capturer beaucoup mieux du côté des prix que ce que vous avez déjà sur la table à moins d’être très attentif.

Ensuite, à partir de ces éléments, comme j’en ai parlé avec plusieurs producteurs, tout est une question de bien balancer votre risque entre être producteur ou spéculateur.

Si vous avez déjà par exemple vendu de bons volumes pour la prochaine récolte, que vous êtes attentif aux marchés, et que vous pensez pouvoir aller en chercher plus, je n’ai pas de problème avec la spéculation. Par contre, à l’opposé, si vous n’avez encore rien vendu pour la prochaine récolte, mais que vous attendez encore d’obtenir de meilleurs prix pour bouger, je crois que vous portez peut-être un peu trop le chapeau du spéculateur.

Je ne peux pas nécessairement vous dire si les prix vont grimper davantage ou non, pas plus d’ailleurs qu’ils ne plongeront pas d’ici l’automne. Ce que je sais par contre, c’est qu’il y aura toujours un coût d’associé à semer et récolter du grain…

Ne manquez pas le 1er avril le Webinaire sur les tendances dans le marché des grains durant lequel Jean-Philippe Boucher présentera les résultats du rapport du USDA sur les intentions de semis. Soyez des nôtres! http://www.lebulletin.com/intentions-de-semis-2022

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.