Le commerce du soya a bondi dans les dernières années. Le volume des exportations mondiales est passé de 81 à 152 millions de tonnes (Mt) entre 2009 et 2018. Les récentes tensions commerciales ont cependant brassé les cartes en jeu et les événements épidémiologiques ont ajouté une dose d’incertitude dans ce marché hautement compétitif.
C’est dans ce contexte que la Direction de la planification, des politiques et des études économiques a publié une étude sur le marché du soya depuis dix ans et les rôles qu’occupent le Canada et le Québec.
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Entre 2009 et 2018, le marché a crû de 80%, en raison de la demande chinoise qui a accaparé en moyenne 60% de la production mondiale. Le Brésil et les États-Unis sont les plus grands producteurs et exportateurs de soya. Ensemble, ils ont monopolisé près de 80 % des exportations mondiales durant la dernière décennie.
En parallèle, le commerce international de soya a pris de l’ampleur au Canada : la valeur des exportations canadiennes a presque triplé en dix ans, passant de 1,1 G$ en 2009 à 2,9 G$ en 2018, ou de 2,3 Mt en 2009 à 5,5 Mt en 2018.
Le Canada et le Québec sont des joueurs mineurs dans le commerce international du soya, confirme Félicien Hitayezu, directeur adjoint des études et des perspectives économiques. Mais ils ont tous les deux profité de la croissance du marché depuis dix ans. En fait, la part de la Chine dans les exportations canadiennes de soya est passée de 5 % en 2009 à 15 % en 2014, puis à 60 % en 2018.
L’année 2018 a marqué un tournant dans le marché du soya. Les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, la baisse de la demande chinoise et la sécheresse en Argentine ont eu un impact important sur les échanges entre les pays.
Avec les tensions croissantes avec la Chine, les exportations américaines ont accusé des diminutions de 9 % en 2017 et de 20 % en 2018. Cette situation a favorisé le renforcement de la position du Brésil sur le marché international du soya. Il a vu ses exportations vers la Chine croître de plus de 9 G$ en 2018. Selon les chiffres les plus récents, le commerce du soya est revenu à ce qu’il était en 2017 avec une part plus importante de l’Argentine et des États-Unis.
Toutefois, le Brésil est sorti grand gagnant du conflit commercial entre la Chine et les États-Unis, estime M. Hitayezu. Si le marché était auparavant distribué également entre les États-Unis et le Brésil, ce dernier cumule maintenant 56 % du commerce international. « Le pays a démontré qu’il était capable de répondre à la demande ». Il sera donc difficile pour les États-Unis de récupérer un marché bâti graduellement depuis des années. La Chine a maintenant plusieurs marchés potentiels où s’approvisionner, estime l’analyste.
Dans ce contexte, la force du Canada réside dans sa capacité d’offrir des produits de qualité sur le marché, indique M. Hitayezu. Il peut agir comme dépanneur pour les autres pays. Quant aux relations compliquées avec la Chine depuis un an, tout dépendra des capacités des autorités canadiennes à établir des relations. En parallèle, le Québec a aussi ce qu’il faut pour ajouter quelques tonnes pour aller vers d’autres marchés, estime l’analyste.
D’ailleurs, les péripéties de la dernière année quant au commerce du porc vers la Chine en sont un bon exemple. « On pensait que ce serait la catastrophe après plusieurs mois de ralentissement, mais le retour des ventes dans ce secteur a plutôt montré la résilience des marchés », indique M. Hitayezu.
M. Hitayezu avance que les changements les plus importants pour les prochains mois et années viendront de la transformation des structures actuelles, qu’elles soient politiques ou économiques. L’incertitude créée par ces changements sera donc le facteur dominant pour le marché.
« On n’a qu’à penser au Brexit et son implication sur l’Union européenne, ainsi que l’avènement de négociations bilatérales plutôt que multilatérales. Les conflits commerciaux, les virus animal et humain et les changements en Europe apportent une dose d’incertitude qui plongent les marchés en zone inconnue. C’est le véritable critère à surveiller ».
Mais malgré les soubresauts du marché, le Québec et le Canada seront en mesure de tirer leur épingle du jeu, comme ils l’ont fait dans les dernières années.