Les affaires vont bien dans le secteur acéricole au Québec. Malgré une production largement tributaire de la météo, elle attire la relève et les investissements effectués dans le secteur en fait un des plus vigoureux en agriculture, confirme Vincent Cloutier, directeur principal stratégie-agriculture à la Banque nationale. « Si on parle en termes de valeur absolue, oui, les investissements sont importants, même si le secteur du lait représente toujours le tiers des investissements dans le secteur agricole. »
Le secteur intéresse d’ailleurs la Banque nationale qui constate plusieurs éléments créent un contexte favorable en acériculture au Québec. Vincent Cloutier cite l’augmentation du nombre d’entailles, la rentabilité des entreprises acéricoles et une gestion du risque bien encadrée. « Le secteur n’a pas attendu pour réagir dans les dernières années et on s’attend à ce que ça continue de bouger », ajoute-t-il. Les ventes ont augmenté de 9% au niveau national en 2024, un très bon signe de la santé du secteur qui a connu des fluctuations de ses ventes pendant et après la pandémie.
Sur ces derniers points, Vincent Turgeon, également à la Banque nationale rappelle que l’industrie acéricole s’est structurée et a réussi à faire consensus sur le long terme, malgré les divergences d’opinion, entre autres sur la contingence de la production qui fête ses 35 ans d’existence cette année. Des standards de qualité ont également été adoptés, tout comme des cahiers de charges, ceci en accroissant les marchés. Le métier s’est professionnalisé et certains producteurs parviennent à en vivre à l’année, ce qui ne se serait jamais vu auparavant. « Ce n’est plus ce que c’était dans les années 90 », illustre le vice-président associé entreprise-agriculture qui exploite une petite cabane à sucre, tout comme Vincent Cloutier.
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Avancées technologiques
Des avancées technologiques ont donné un coup de pouce non négligeable, fait remarquer Vincent Turgeon. On n’a qu’à penser à l’automatisation, ou encore aux méthodes de filtration ou de transformation améliorées apparues dans les dernières années. Cela traduit un dynamisme venant de la recherche et développement, autant dans les procédés que les produits finis qui se déclinent comme agent sucrant, tel que le nectar de sirop d’érable, ou des produits alcoolisés.
Pour Vincent Cloutier, le secteur a démontré qu’il avait pu s’adapter aux changements rapides des dernières années. « L’industrie se pluralise et adopte un modèle mitoyen où certaines entreprises profitent de l’expertise des autres, par exemple pour transformer l’eau d’érable. Il y a une pluralisation et une spécialisation qui s’opère », selon lui.
C’est aussi une question de coût et d’investissement : tous les producteurs n’ont pas les moyens ou le temps requis pour produire du sirop comme les gros producteurs, mais peuvent continuer à le faire en choisissant de faire certaines activités à forfait, précise Vincent Turgeon.
L’analyse ajoute qu’il reste beaucoup encore à faire et à découvrir, par de la recherche scientifique, pour en savoir plus sur le sirop lui-même, mais également sur les meilleures pratiques ou les défis qu’occasionneront les changements climatiques.
Accès aux terres de la couronne
Il reste également des dossiers à régler. Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) réclament depuis plusieurs années un accès aux terres de la couronne afin de les exploiter conjointement avec les entreprises forestières. Un tel scénario est tout à fait possible et est même mis de l’avant par certains joueurs forestiers, fait valoir Vincent Turgeon.
Tarifs douaniers
Quant à la menace des tarifs douaniers envers le sirop d’érable, elle est bien réelle. Environ la moitié de la production de l’an dernier, soit 100 millions de livre de sirop d’érable a pris la direction des États-Unis. Si le ton était à la prudence, les développement des derniers jour ont montré que la situation pouvait évoluer très rapidement et qu’il fallait prendre au sérieux ces menaces. Le Bulletin a recontacté les deux analystes pour avoir leurs commentaires à la lumière des revirements survenus depuis le 1er février.
« L’imposition de tarifs de 25% sur toutes les exportations canadiennes destinées aux États-Unis constitue un choc pour l’économie canadienne. Le secteur agroalimentaire, fortement exportateur, est aussi appelé à en subir les conséquences. Il importe toutefois de nuancer certains éléments. D’abord, la baisse de valeur du dollar canadien est positive pour nos secteurs exportateurs, malgré des coûts d’intrants qui peuvent augmenter. La baisse entrevue des taux d’intérêt amènera aussi une bouffée d’air. De plus, ne perdons pas de vue que les consommateurs américains risquent d’être les premiers à souffrir des tarifs, surtout dans les secteurs où les États-Unis n’ont pas d’alternative, ce qui est notamment le cas du sirop d’érable. Finalement, rappelons-nous que les producteurs acéricoles bénéficient de programmes pouvant les accompagner lors de coups durs, notamment Agri-Québec et Agri-Québec Plus », déclare Vincent Cloutier.
Il ajoute que les consommateurs auront toujours le dernier mot, mais le sirop ne semble pas près de céder sa place sur les tables du Québec ou d’ailleurs, selon les tendance actuelles.
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