Du soya en intercalaire dans le maïs pour hausser la protéine

Les prix des concentrés protéiques pour bovins laitiers atteignent des sommets. Voici une façon d’alléger la facture.

Publié: 14 avril 2022

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soya intercalaire

Éric Lapierre a mis au point une technique pour cultiver du soya en intercalaire dans le maïs fourrager, ce qui vient gonfler d’environ 2% le teneur d’ensilage en protéines brutes. Les premiers pas du producteur de Saint-Nazaire-d’Acton remontent à 2012, alors qu’il se questionne sur les moyens de réduire le coût des concentrés protéiques intégrés à la ration de ses 70 vaches laitières. Le troupeau consomme alors 45 tonnes de tourteau de soya par an acquises au prix de 590 dollars la tonne.

Intercaler une plante riche en protéine

Une des pistes qu’il explore consiste à hausser la valeur protéique du maïs fourrager en y intercalant une plante riche en protéine. «Je n’ai rien inventé, dit humblement le producteur. En faisant des recherches, j’ai trouvé des documents jaunis des années 70 où il en était question. La technique a été essayée maintes fois, mais elle est tombée aux oubliettes. L’erreur classique était d’utiliser un soya d’une maturité alignée sur la région. À la récolte, il avait défolié et il était sec. La conservation n’était donc pas bonne. Pour éviter cela, d’autres récoltaient le maïs plus tôt, mais alors le silo coulait. Un autre problème que les producteurs ont rencontré, c’est qu’il était impossible d’avoir un taux de semis adapté à chaque culture quand on les semait en même temps.»

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Au fil de ses recherches, le producteur découvre que l’Institut national de la recherche agronomique, en France, a repris le flambeau dans les années 90 et qu’il a perfectionné l’approche. Il contacte donc ces chercheurs et en 2012, il fait un premier essai sur quelques rangs «pour voir si ça lèverait». En 2013, il accroît la superficie et récolte suffisamment du mélange fourrager pour remplir quelques portes de silo. L’année suivante, encouragé par les résultats, il sème suffisamment de soya intercalaire pour remplir un de ses deux silos. En 2015, il décide de plonger à fond et il convertit la totalité de sa quarantaine d’hectares en maïs fourrager.

Puis… son étable passe au feu! Il décide alors de délaisser la production laitière et se réoriente vers les grandes cultures. Sept ans ont donc passé depuis qu’Éric Lapierre a fait son dernier semis de soya intercalaire. Il demeure toutefois convaincu de la valeur de son approche. «Je suis du genre à faire beaucoup d’essais, dit-il, et pour chaque idée qui s’avère excellente, il y en a quatre ou cinq qui sont cabochones. Celle-là, elle s’est révélée vraiment excellente. Si j’étais encore producteur laitier, c’est officiel que je continuerais dans cette voie-là.»

Une protéine qui vaut son pesant d’or

L’objectif de départ était d’augmenter de 2% la teneur en protéine de son ensilage de maïs et il a été atteint. Cette augmentation peut paraître faible, mais une fois convertie en dollars, c’est une toute autre histoire. En 2015, alors que le tourteau de soya se vendait seulement (!) 590 $ la tonne, il avait calculé que chaque kilo de protéine revenait à 1,23 $. À ce prix, la hausse de 2% des 825 tonnes d’ensilage récoltés équivalait donc à 20 295 $.

L’approche comporte peu d’inconvénients. Éric Lapierre rapporte que le rendement du mélange maïs-soya est comparable à celui en maïs pur tout comme la teneur du fourrage en énergie nette de lactation. «Le taux de gras de l’ensilage a monté un peu, mais il n’avait rien d’inquiétant», précise-t-il.

Le coût total de la semence demeure similaire. «On a abaissé le taux de semis du maïs de 86 000 grains à l’hectare à 79 000 pour créer de la luminosité pour le soya, décrit-il. Le soya était semé à environ le tiers du taux recommandé à l’époque, soit environ 450 000.» À noter que le semis se faisait en deux étapes.

Le soya intercalaire a plusieurs avantages

Le constat est le même du côté des fertilisants minéraux. «J’en utilisais peu de toutes façons, car je semais le maïs sur un retour de prairie en légumineuses et que j’épandais du fumier, indique-t-il. Je mettais seulement 50 unités d’azote au démarrage.»

Par contre, le soya intercalaire s’est avéré avantageux au plan du contrôle des mauvaises herbes. «En occupant l’entrerang, le soya empêche les mauvaises herbes de s’installer, rapporte le producteur. Je n’ai pas eu besoin de faire de traitement herbicide.» L’adoption du soya intercalaire a toutefois exigé d’acquérir un nez à maïs Kemper puisqu’on récolte aux 15 pouces.

Quel est le secret de la réussite? «C’est de bien synchroniser les deux cultures», répond Éric Lapierre. Situé dans une zone de 2750 UTM, il privilégie un hybride de maïs grain de 2675 UTM. Dans le cas du soya, il mise sur une variété de soya fourrager.

À PROPOS DE L'AUTEUR

André Piette

André Piette

Journaliste

André Piette est un journaliste indépendant spécialisé en agriculture et en agroalimentaire.