La Commission canadienne du lait revient sur l’étude sur le lait jeté

Les chiffres avancés proviendraient d’hypothèses non vérifiables

Publié: 31 octobre 2024

La Commission canadienne du lait revient sur l’étude sur le lait jeté

La Commission canadienne du lait (CCL) a commenté une étude disant que les producteurs de lait canadiens gaspillent des milliards de litres de lait chaque année. Selon l’organisme, les résultats de l’étude reposent sur des hypothèses incorrectes.

L’étude en question a été co-écrite par Sylvain Charlebois du laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Benjamin Goldstein de l’Université du Michigan et Thomas Elliot de l’Université d’Aalborg au Danemark. Elle indique que les producteurs canadiens ont gaspillé entre 6,8 milliards et 10 milliards de litres de lait depuis 2012, équivalant à 14,9 G$ et jusqu’à 8,4 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (GES).

La Commission canadienne du lait indique que les auteurs étaient parvenus à ces chiffres en utilisant des hypothèses non vérifiables.

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La première est le nombre de vaches et la quantité supposée de production de chacune pour obtenir un nombre de production théorique. « Ces chiffres de production ne correspondent pas aux chiffres de l’industrie », a déclaré la CCL. 

Des chiffres contestés

L’étude indique que la production s’est située à 96,2 milliards de litres entre 2012 et 2021, mais que les agriculteurs ont déclaré avoir vendu 86,4 milliards de litres. La différence proviendrait du fait que du lait avait probablement été jeté par les transformateurs ou par les producteurs en raison des règles de sécurité alimentaire ou du manque de capacité à la ferme.

L’étude reconnaît que les agriculteurs rejettent le lait pour des raisons telles que la faible demande du marché, la capacité limitée du transformateur, les résidus d’antibiotiques ou les infrastructures agricoles endommagées.

La CCL s’est dite préoccupée par l’hypothèse selon laquelle la différence entre le chiffre théorique des auteurs et les données de ventes indiquerait que le lait n’a pas été commercialisé.

« Il est important de noter que, selon des données vérifiables, sur les quelque 9,6 milliards de litres de lait produits au Canada au cours de l’année laitière 2023-2024, 99,9% de la matière grasse et 99,1% des solides non gras produits dans les fermes canadiennes ont été commercialisés », a indiqué la commission.

Le lait des fermes doit être collecté et livré pour transformation dans un délai de deux à trois jours. La commission a déclaré que si tous les composants de ce lait ne peuvent pas être transformés dans la province où il est collecté, il pourrait être envoyé dans une autre province, donné à des banques alimentaires ou offert aux veaux ou à d’autres animaux.

« Une très faible proportion des composants du lait non commercialisés a donc été rejetée. Il s’agit principalement de lait écrémé et non de lait entier, a indiqué la CCL. Tous les coûts du lait non commercialisé sont supportés par les producteurs. En tant que tel, écouler de grandes quantités de lait à la ferme n’est pas financièrement viable. »

La CCL a également noté des investissements au cours des dernières années pour stimuler la transformation du lait écrémé au Canada.

Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) ont publié une brève déclaration publique au sujet de l’étude, affirmant qu’elle utilisait des estimations plutôt que des données solides. Le PLC a reconnu que le lait faisait l’objet de dumping, mais seulement en dernier recours et conformément à la réglementation.

Les associations provinciales et les producteurs laitiers individuels contactés au sujet de l’étude ont refusé de commenter.

La méthodologie de l’étude

L’étude a été publiée en ligne dans Ecological Economics. Les auteurs ont déclaré avoir utilisé une méthode de bilan de masse pour calculer les quantités de lait excédentaires.

« Nous avons estimé la production laitière en fonction de la taille du troupeau et du rendement laitier moyen par lactation de vache et avons soustrait les ventes à la ferme pour déduire la quantité de lait qui n’a jamais quitté la ferme », indique l’étude.

« Nous avons combiné ces estimations avec l’intensité des GES, l’utilisation des terres et de l’eau par litre de lait pour quantifier les coûts environnementaux du surplus de lait », ajoute l’étude.

Les auteurs de l’étude ont utilisé le recensement national de l’agriculture pour déterminer le nombre total de vaches et ont supposé qu’elles produisaient 305 jours par an. Ils ont déclaré que les statistiques de production sont spécifiques à chaque race et qu’ils ont utilisé les données de chaque race dans chaque province pour estimer la production nationale totale de lait cru.

Ils ont ensuite soustrait la quantité que les veaux consommeraient, en supposant un veau par lactation, un sevrage à huit semaines et aucune utilisation de lait de remplacement.

La quantité vendue aux transformateurs a été soustraite pour déduire la quantité qui n’a pas quitté la ferme. « Le lait non comptabilisé est supposé être du lait jeté à la ferme », indique l’étude.

L’impact des gaz à effet de serre a été mesuré à l’aide des données d’inventaire du cycle de vie du Québec, incluant des activités telles que la production d’engrais, la production d’aliments pour animaux, le transport et l’utilisation de machines.

GES et tendances des consommateurs

L’étude recommande des mesures pour atténuer le gaspillage de lait, notamment des rapports obligatoires sur la production excédentaire, des quotas laitiers révisés pour mieux s’aligner sur la demande du marché et les préférences des consommateurs, et des sanctions en cas de surproduction plutôt que de sous-production.

D’autres pays sont également confrontés à des problèmes de gaspillage de lait, et de grands producteurs tels que les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et les membres de l’Union européenne ont du mal à équilibrer l’offre et la demande.

Les consommateurs changent également de comportement et se tournent vers les boissons à base de plantes, ce qui suggère la nécessité d’un débat plus large sur l’alimentation et la durabilité, ajoutent les auteurs.

« Une stratégie à long terme alignée sur ces tendances consisterait à réduire durablement la production, sans induire de demande ni nuire aux agriculteurs entre-temps », indique l’étude.

Traduit et adapté d’un texte de Karen Brière publié dans Farmtario

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.