En début d’année, on se demande toujours ce que nous réserve la prochaine année. Pour le marché du porc, nous avons demandé à Simon Brière, stratège principale des marchés agricoles pour RJO’Brien, de nous faire ses prédictions pour 2023. Toutefois, avant de parler de l’année qui vient, il faut regarder en arrière pour mieux comprendre ce qui se passe maintenant et prévoir ce qui s’en vient.
Les éléments marquants de 2022
Selon Simon Brière, la guerre en Ukraine et l’inflation ont marqué l’année 2022. Comme conséquence de l’inflation, les taux d’intérêt ont monté et resteront élevés toute l’année 2023. La guerre en Ukraine a fait exploser le coût d’alimentation des animaux, qui était déjà élevé depuis 2020. « On pensait que ça allait se stabiliser, mais la guerre a juste exacerbé ce marché-là, qui était déjà assez difficile pour les éleveurs », dit-il. De surcroît, le coût des fertilisants et du diesel ont augmenté. « Donc, 2022 a été une année assez difficile pour le coût de production », résume Simon Brière.
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Début 2023 dans la continuité
Quand on demande au stratège de marché de décrire la situation actuelle, il dit qu’on est « dans la continuité » des dix dernières années. En 2014, le secteur porcin américain était aux prises avec la diarrhée épidémique porcine. Le cheptel avait alors réduit, mais dans les cinq à six années suivantes, le secteur porcin américain a vécu une importante expansion de 30%. « Cette expansion-là a été propulsée par un coût de production relativement faible », dit-il. Les taux d’intérêt et le coût des grains étaient favorables.
Vers 2019-2020, le prix des grains a tellement augmenté que l’impact négatif sur la rentabilité a eu pour effet de diminuer le cheptel reproducteur. Il a réduit d’environ 6% en deux ans. Le cheptel est aujourd’hui de 73,1 millions de têtes, selon le rapport Hogs & Pigs de décembre. « Et ce qui a vraiment réduit la taille du cheptel, c’est la rentabilité qui était moins au rendez-vous à cause du coût d’alimentation. Tout ça est intimement lié », explique Simon Brière.
Dans le dernier rapport Hogs & Pigs de décembre, sorti durant le temps des Fêtes, Simon Brière note deux éléments marquants. D’un côté, le cheptel est à la baisse de 2% par rapport à la même période l’année précédente. De l’autre, le cheptel reproducteur de truies est un peu plus élevé que prévu avec une augmentation de 0,5%. « Ça me dit que le recul du cheptel qu’on voit depuis deux ou trois ans va commencer à stagner un peu », dit Simon Brière. Cette faible augmentation peut démontrer un certain optimisme chez les éleveurs pour la fin de 2023. Malgré les coûts de production qui s’annoncent élevés en début d’année, les éleveurs n’ont d’autre choix que de s’y préparer dès maintenant en raison du cycle de production relativement long avant d’envoyer des porcs sur le marché.
Une année 2023 en deux temps
Simon Brière sépare l’offre de porcs en deux temps. Le début de l’année sera marqué par une rareté de porcs. « L’offre est quand même relativement réduite. Ça fait trois ans que le cheptel baisse. Il y a moins de porcs sur les marchés et il devrait y en avoir encore pour les six premiers mois de l’année », explique-t-il. Le prix du porc devrait donc rester relativement élevé. Sans qu’il y ait abondance, il devrait y avoir un peu plus de porcs sur le marché à la fin de l’été et à l’automne.
En termes d’équilibre entre l’offre et la demande, Simon Brière s’inquiète de la réaction du consommateur face à la hausse du coût de la vie. Tout a augmenté pour lui. Dans un contexte d’un prix du porc élevé, jusqu’où sera-t-il prêt à payer pour en acheter? Il faut donc, selon lui, éviter de miser uniquement sur la faible demande et le prix du porc élevé, mais aussi penser à la capacité du consommateur de payer de plus en plus cher dans le contexte inflationniste.
Et les grains là-dedans?
Le coût de production et la rentabilité des entreprises porcines sont intimement liés aux prix des grains. Simon Brière voit l’année 2023 en deux temps. Dans un premier temps, il n’entrevoit pas une hausse du prix des grains puisque les acheteurs commencent déjà à limiter leurs achats, que ce soit pour l’éthanol ou l’élevage. « Dans l’état actuel, je vois beaucoup plus de difficulté à voir le maïs augmenter fortement. Je pense qu’il devrait se maintenir, mais il doit rester cher parce qu’on veut pousser le fermier américain à ensemencer le plus possible », explique Simon Brière.
Il ajoute que la hausse des coûts d’intérêts ont un très grand impact sur les entreprises agricoles et pousseront les producteurs de grains à semer tout ce qu’ils peuvent semer. Ils ont des dettes à assumer et la hausse des taux d’intérêt fait mal. À cela s’ajoutent tous les autres coûts qui ont augmenté. Toutefois, avec tout ce qui sera semé ce printemps, si la récolte est bonne, cela pourrait signifier des stocks plus élevés que prévus et une baisse du prix des grains l’automne prochain. Selon Simon Brière, c’est possiblement cette perspective qui a poussé les producteurs de porcs américains à augmenter légèrement leur cheptel de truies. Les prochains mois nous diront si ces prévisions se réaliseront ou si encore des surprises apporteront d’autres soubresauts aux marchés.