Quelle salle de traite choisir?

Avec les troupeaux laitiers qui grossissent, plusieurs producteurs choisissent de construire une salle de traite. Voici quatre des options les plus populaires sur le marché.

Publié: 8 août 2023

Salle de traite en parallèle à la Ferme Arcal.

Avec la très grande popularité des robots de traite dans les dernières années, certains croyaient que la mode des salles de traite était passée. Ce n’est pas le cas. Certains producteurs laitiers préfèrent la salle de traite et d’autres vont jusqu’à retirer les robots pour en construire une. Mais une fois que les producteurs laitiers ont choisi de construire une salle de traite, la décision suivante est le modèle de salle de traite.

« Quand on fait la conception d’une étable à logettes, une fois que tu as réglé le nombre de rangées dans l’étable pour une question de bien-être animal ou d’espace-mangeoire, le premier aspect que ça nous prend pour faire la conception, pour faire les plans, c’est le choix de la salle de traite », explique l’ingénieur Christian Lemay, copropriétaire des Consultants Lemay & Choinière.

Il explique qu’il existe plusieurs modèles de salles de traite. En complément, nous avons interviewé Martin Laferrière des Équipements LCB (concessionnaire DeLaval), Mario Jean de GEA et Mario Gladu de Boumatic pour en connaître davantage sur les différents modèles.

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Les modèles de salles de traite les plus populaires

Le plus populaire au Québec, c’est la salle de traite parallèle. Les vaches sont placées à 90 degrés de la fosse (pit) et la pose de la trayeuse se fait entre les pattes arrière.

Le modèle qui gagne en popularité actuellement, c’est le carrousel avec pose de la trayeuse à l’extérieur en raison des troupeaux qui grossissent et pour l’efficacité du travail.

Le troisième modèle côté popularité, c’est le parabone en traite alternée (swing-over) en raison du faible coût de l’équipement de traite puisqu’il faut une trayeuse pour deux emplacements.

Un modèle qui est en perte de popularité, c’est le modèle en épi (herringbone) parce qu’il nécessite beaucoup d’espace et que la traite se fait sur le côté.

La traite entre les pattes arrière a la cote du côté des salles de traite en raison de la diminution des risques de blessures pour les trayeurs. D’autres modèles peuvent être possibles, mais ils ne sont pas populaires au Québec. Nous avons interviewé quatre producteurs qui ont choisi l’un ou l’autre de ces modèles.

Une des raisons pourquoi les gens choisissent la salle de traite, c’est qu’elle est économique lors de l’expansion du troupeau. Dans une étable robotisée, il faut ajouter un robot lorsqu’on atteint un certain nombre de vaches. En salle de traite, il faut la main d’œuvre pour traire à heures fixe, mais ça ne semble pas un problème pour les producteurs interviewés.

Finalement, autant pour le choix de la salle de traite que pour le type de salle de traite, cela est une question de préférences. D’où l’importance d’aller traire des vaches dans les systèmes qu’on aimerait acheter avant la construction de la salle de traite.

1- Salle de traite parallèle à la Ferme Arcal

Municipalité : Sainte-Sabine, Estrie.
Propriétaires : Alain Jr. et Robert Arcand.
Troupeau : 73 vaches en lactation.
Salle de traite : parallèle double 10 DeLaval P500 (2020).

En 2020, Alain Jr. Arcand de la Ferme Arcal a choisi de passer d’une étable entravée pour une quarantaine de vaches en lactation à une ferme en stabulation libre qui compte aujourd’hui 73 vaches en lactation.

« Avec toutes les contraintes de bien-être animal qui s’en venaient, c’était mieux d’aller en stabulation libre », explique Alain Jr. Maintenant âgé de 43 ans, il estime avoir encore plusieurs années à travailler et il voulait améliorer son confort au travail.

Il a opté pour une salle de traite parallèle double 10 pour la possibilité qu’elle offre de traire plus de vaches sans devoir investir davantage dans le système de traite lors de la croissance du troupeau.

Il s’est fait dire qu’un double 8 serait suffisant, mais il voulait être certain de pouvoir grossir pendant plusieurs années. « Avec 1200 acres de terres, j’ai la chance d’avoir un c.a. (certificat d’autorisation) de 350 unités animales. C’est pour ça que j’ai opté pour la salle de traite plutôt que la robotique », dit-il.

L’étable neuve en T avec la salle de traite au centre est prévue pour l’agrandissement. Alain Jr. croit beaucoup aux salles de traites rotatives, mais son troupeau est trop petit pour ce genre d’équipement. Il n’aimait pas le modèle par alternance parce que la fosse est plus étroite et que le lait doit monter au lieu de descendre par gravité.

Le modèle parallèle DeLaval P500 a été choisi parce que c’était le modèle le plus récent tout en étant éprouvé et qu’il l’avait comparé à d’autres modèles. Alain Jr. Arcand ne tarie pas d’éloges au sujet de sa salle de traite. « Je suis devant mon ordinateur et j’ai autant d’informations qu’un robot de traite », dit-il.

Le fait de traire les vaches deux fois par jour n’est pas un irritant pour lui. Dans les faits, il a amélioré son confort au travail comparativement à l’étable entravée. En 50 minutes, deux fois par jour, lui et un employé traient les vaches. Le plancher est ajustable en hauteur.

Ce qu’il aime particulièrement de sa salle de traite, c’est que c’est beaucoup plus sécuritaire pour les enfants. D’ailleurs, les trois enfants d’Alain Jr. Arcand sont beaucoup plus enthousiastes à traire les vaches dans la salle de traite, comparativement à l’étable entravée. Ils sont âgés entre 13 et 18 ans.

La sortie des vaches est automatisée grâce à une barrière de tri qui retourne les vaches dans le bon groupe. « Si je n’avais pas fait le saut, j’aurais probablement vendu les vaches. Mes enfants n’auraient pas été intéressés de reprendre les vaches dans la vieille étable et j’aurais compris », dit celui qui espère voir ses enfants prendre leur place dans l’entreprise.

2- Salle de traite rotative à la Ferme Melga

Municipalité : Dixville, Estrie.
Propriétaires : Charles, Marc-Antoine et Gilles Lanciaux.
Troupeau : 250 vaches en lactation.
Salle de traite : rotative Excalibur de Boumatic (2019).

La Ferme Melga de Dixville, en Estrie, avait déjà une salle de traite, mais elle ne convenait plus à aux désirs d’expansion des propriétaires de la ferme.

Ils avaient une salle de traite de type tandem double 5 qu’ils ont remplacé par une rotative de 50 postes Excalibur de Boumatic en 2019. Selon Christian Lemay, la salle de traite tandem est peu populaire en raison de la perte d’efficacité et de la longueur nécessaire pour la salle de traite. Puisque les vaches sont de côté, il faut marcher la longueur de chaque vache avant de passer à la suivante, ce qui amène les trayeurs à marcher beaucoup.

Marc-Antoine Lanciaux explique que sa famille est allée voir plusieurs salles de traite, notamment dans l’État de New York avant de fixer leur choix. « On ne voulait pas, dans nos projets futurs, être serrés pour l’expansion », explique-t-il.

Salle de traite rotative à la Ferme Melga. photo: Les Consultants Lemay et Choinière

Ce qui les a attirés par la salle de traite rotative, c’était la qualité de la traite et la rapidité. La nouvelle salle de traite fait partie d’une nouvelle étable construite un peu plus loin en raison de la dénivellation et d’un ruisseau qui limitaient l’expansion.

Ils sont très satisfaits de leur choix. « Le commentaire des gens, c’est que ça coûte cher, dit Marc-Antoine. C’est quand même assez cher un carrousel, mais tu ne peux pas comparer ça à une autre salle de traite. Côté rapidité, qualité de traite, c’est incroyable! Il n’y a pas une salle de traite qui arrive avec ça. Et les vaches aiment ça! C’est surprenant. Elles aiment ça venir sur le carrousel. »

Ils sont donc très satisfaits. Le seul bémol, c’est la main-d’œuvre. « Un carrousel de 50 places, tu ne peux pas faire fonctionner ça avec deux personnes. C’est impossible à moins d’avoir les fameux robots », ajoute Marc-Antoine Lanciaux.

Il est possible en effet d’avoir un carrousel doté de robots pour la traite. Malgré cet inconvénient, Marc-Antoine Lanciaux dit que s’il devait refaire son choix de système de traite, il prendrait la même décision. Il ajoute aussi que c’est très important de s’informer du service après-vente. « C’est une machine qui va runner sept jours sur sept. Il faut être capable d’avoir du service », dit-il. Dans son cas, il se trouve satisfait.

3- Salle de traite en alternance à la Ferme Beaucyr

Municipalité : Granby.
Propriétaires : Julie Cyr et Mathieu Beaudry.
Troupeau : 120 vaches à la traite.
Salle de traite : parabone en alternance (swing over) GEA 12/24 (2017).

Lors de la construction de la nouvelle étable en 2017, la Ferme Beaucyr de Granby ne devait pas être équipée d’une salle de traite parallèle, mais c’est après avoir vu d’autres systèmes de traite que Julie Cyr a dit à son conjoint Mathieu Beaudry qu’elle aimait beaucoup le système de traite en alternance, le swing over.

Dans ce système, il y a une trayeuse pour deux emplacements. Les trayeuses sont installées sur les vaches d’un côté. Puis, elles sont installées sur les vaches de l’autre côté. « J’ai trouvé que la traite était agréable et confortable », raconte celle qui fait la traite à la ferme.

Les tuyaux pendent au centre de la fosse. Le fait que ce soit aussi le système le plus économique a joué dans le choix. Julie Cyr aimait le fait que la pose de la trayeuse se fasse entre les pattes arrière. « Je suis très protégée, dit-elle. Je ne peux pas recevoir beaucoup de coups de la vache. »

Salle de traite en alternance, Ferme Beaucyr photo: Les Consultants Lemay et Choinière

Dans ce modèle, il est aussi possible de préparer la vache par le côté, mais la pose se fait toujours par l’arrière. Elle aime aussi le fait que la vache n’a aucun contact avec les boyaux et, par conséquent, elle ne peut pas jeter la trayeuse à terre.

Julie Cyr aime beaucoup que ce système soit économique à l’achat, mais aussi à l’entretien, parce qu’il y a moins de trayeuses. La salle de traite a 12 trayeuses pour 24 postes. « Donc, j’ai presque la moitié des coûts d’entretien annuels d’un double 12 en parallèle », dit-elle.

Julie Cyr traie seule les vaches pendant que son conjoint s’occupe des animaux. Ça lui prend 1h30, seulement pour la traite. Son conjoint l’aide au début et à la fin. Elle aime aussi la facilité de traire les taures qui, parce qu’elles sont serrées les unes sur les autres, se sentent en confiance. « C’est beaucoup plus facile de casser des taures que des vaches attachées », dit-elle. Jusqu’en 2017, l’étable de 72 vaches en lactation était entravée.

L’inconvénient de sa salle de traite, c’est que les vaches se salissent davantage parce qu’elles partent toutes à la queue leu leu pour sortir après la traite. La septième ou huitième vache a tendance à faire ses besoins près de la fosse et sur une longueur de trois ou quatre places.

Alors que certaines personnes voient un inconvénient au fait que dans le swing over le lait doive monter au lieu de descendre par gravité, Julie Cyr n’y voit pas d’inconvénient. « Parce que le système est inspecté annuellement », dit-elle.

Finalement, Julie Cyr et son conjoint sont très satisfaits de leur choix et si c’était à refaire, ils feraient le même choix. Elle aime aussi les modifications qu’elle a fait faire, comme les deux allées de retour des vaches et la fosse un peu plus large que recommandé pour ce type de modèle.

4- Salle de traite en épi à la Ferme Bergeroy Holstein

Municipalité : Saint-Samuel, Centre-du-Québec.
Propriétaires : Claude, Guylaine et René Bergeron.
Troupeau : 320 vaches en lactation.
Salle de traite : en épi (herringbone) de marque DeLaval double 12 (2014).

La famille Bergeron de la Ferme Bergeroy Holstein de Saint-Samuel a choisi la salle de traite en épi, aussi appelée herringbone lors de la construction de l’étable en 2014.

Claude Bergeron explique que leur choix a été motivé par deux raisons. Ils voulaient mieux voir le pis et ils voulaient avoir un bras trayeur qui ne s’installe que dans ce modèle de salle de traite.

Cela aide les trayeurs lors de la pose de la trayeuse et supporte la griffe à la fin de la traite. Puisque la vache est de côté, ils profitent du fait qu’elle est dans la salle de traite pour la piquer au besoin.

Salle de traite en épi à la Ferme Bergeroy photo: Les Consultants Lemay et Choinière

« On trayait 180 vaches quand on a transféré, raconte Claude Bergeron. Aujourd’hui, on en traie 320. Le troupeau pourrait tripler (comparativement à celui de 2014) et ce serait encore le même équipement. »

La traite est effectuée trois fois par jour. La salle de traite est équipée d’une sortie rapide et d’une barrière de tri à la sortie qui se fait de chaque côté. Plusieurs traitements sont faits dans la salle de traite, comme l’administration de glycol aux vaches fraîches vêlées, un traitement sur les onglons ou la prise d’échantillons de lait.

Si c’était à refaire, Claude Bergeron choisirait le même modèle, mais il irait pour un double 16 au lieu du double 12 parce que ça prendrait le même nombre de trayeurs : deux.

Aussi, il modifierait l’aménagement du bain de pied qui n’est que d’un côté. De plus, il aimerait des allées de retour plus large pour améliorer la fluidité. Si une vache bloque, au moins une vache pourrait passer à côté. La salle d’attente serait aussi plus grande. Elle est conçue pour 100 vaches alors que le groupe de fraîches vêlées dépasse ce nombre.

Claude Bergeron est donc très satisfait. « Ça reste encore la meilleure des options », dit-il. Une chose est certaine : il n’installerait jamais un parallèle parce qu’il ne voit pas comment les vaches peuvent tourner à 90 degrés pour aller se faire traire.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.