J’arrive à ma 4e journée de récolte de blé d’hiver. Un 30 hectares de complété. Il faut dire qu’avec Gertrude, réussir plus de 10 hectares de récolte en une journée, ça prend une journée parfaite. Une matinée qui nous permet de décoller à la limite de la fin de la rosée qui arrive autour de 11h et réussir à terminer après 19h.
Un rythme qu’on a toujours tenu depuis plus de 40 ans, mais qui aujourd’hui ressemble à un rythme d’amateur, si on compare avec la vitesse d’exécution des nouvelles machines plus puissantes. On cultive les mêmes superficies, alors je me dis pourquoi grossir! Par contre, avec une nouvelle machine, j’arriverais à 90% de ma récolte du blé d’hiver, comparé à 30% avec Gertrude aujourd’hui.
Ça pourrait m’aider à combler mes « efforts » pour me libérer un peu plus de temps libre. On a donc décidé depuis trois ans, d’ajouter deux forfaitaires pendant notre chantier blé d’hiver. Je garde ma Gertrude. Le 2e forfaitaire garde sa batteuse propre pour me récolter notre 2e contrat de semence. Ce qui nous évite de faire un ménage sélect qui prend une quinzaine d’heures de travail normalement. Et un 3e forfaitaire qui s’ajoute quand on arrive à l’humidité parfaite.
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Donc aujourd’hui, je sens que j’ai une journée parfaite devant moi. La rosée semble minime. Pierre tourne autour des silos, question de préparer la ségrégation des grains de différentes catégories qui vont entrer en même temps demain. Deux puits différents de déchargement pour éviter les contaminations.
Les séchoirs sont prêts, mais on se concentre en mode ventilation. Je termine ma pulvérisation le matin dans un champ de soya et je me dépêche pour revenir à la ferme. Je prépare le pick up. 350 litres de carburant, les outils, l’huile, la graisse et je roule vers Gertrude. Inspection : aucune surprise sauf un retour de vent dessous le panneau ouvert qui me laisse tomber un tas de poussière de blé mélangé avec des brindilles de paille dans le cou. Une poussière qui pique avec une journée prévue avec un humidex de 40 degrés.
Je décolle, il est 11h. Ça fonctionne bien avec un avancement prudent. Midi : j’ai atteint ma vitesse. L’alimentation est régulière et Gertrude ronronne sans trop se plaindre. Mon air climatisé vient de me lâcher. Il fait chaud, très chaud dans le cockpit. J’ai de l’eau froide, le ventilateur est au maximum et je dégoute. Ça roule bien, je suis déjà à calculer que je pourrais finir le morceau vers 18h. Ça serait parfait.
Je dois déménager ma fille en soirée. Demain matin, je vais pouvoir préparer nos semences de couverts végétaux qu’on pourra semer dès que la paille sera ramassée. En fin d’avant-midi, j’irai contourner les champs avant que mon 2e forfaitaire arrive dans l’autre variété de blé.
Tout roule et tout un coup biiiiiiiiiip! Un biiiiiiip qui indique qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ou qui ne tourne pas du tout! Arrête tout ça. Fait le tour de la machine et je constate que je viens de briser un arbre d’entrainement. Oups! Ma journée parfaite vient de tomber à l’eau.

Retour bredouille à l’atelier. Commande les pièces un vendredi et devoir attendre que les pièces arrivent le mardi suivant. Les plans changent! Je me retrouve à faire de la mécanique au lieu de préparer nos couverts. Bonne nouvelle, nos forfaitaires eux étaient déjà au programme. Donc deux moissonneuses, trois charriots transbordeurs, deux camions remorques et la récolte du blé a pu continuer sa progression.
J’ai passé ma déception sur le suivi des réceptions qui arrivaient une à la suite de l’autre au poste de conditionnement. Au moment d’écrire ces lignes, Gertrude est toujours en attente des pièces, mais il nous reste seulement 4 hectares à récolter. Ça baisse le stress! Notre stratégie fonctionne!
Profession agriculteur