Un homme d’affaires veut relancer la culture du lin industriel au Québec

Le président de Canflax a de grandes ambitions pour le Québec

Publié: 14 mai 2024

Récolte de lin textile industriel en Normandie

Si les ambitions d’Arin Gintowt se réalisent dans les prochaines années, le Québec pourrait voir renaître la production et la transformation de lin fibreux, une culture qui a connu ses heures de gloire avant de disparaitre avec l’invention du polyester dans les années 1950.

Maintenant concentrée dans quelques régions du globe, dont la Belgique et le nord de la France, la culture du lin connaît dans ces endroits des difficultés liées aux changements climatiques. Les stocks ont, par conséquent, diminué dans les dernières années et le prix de la fibre s’est multiplié par cinq sur les marchés.

Voyant ce qui arrivait au lin, Arin Gintowt y a vu une opportunité pour ramener la production au Québec, ce qui l’a mené à fonder Canflax. L’homme d’affaires de Montréal combine une expérience d’entrepreneur dans le secteur de la mode, une formation en économie, et une préoccupation pour le développement durable. Les conditions de croissance ici sont semblables à ce qu’on retrouve en Europe, dit-il, ce qui fait que le Québec et les Maritimes réunissent des conditions favorables à la culture du lin.

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« C’est facile à faire pousser. En fait, les conditions de sol nécessaires pour le lin sont semblables à celles des pommes de terre. Si on peut cultiver des pommes de terre, on peut aussi cultiver du lin », déclare Arin Gintowt. La quasi-totalité de la plante peut être transformée et le lin, étant fait de fibres naturelles, est lui-même réutilisable par la suite, même après avoir été transformé. La culture étant récoltée après 100 jours, elle laisse aussi le champ libre à l’implantation d’autres cultures. Le prix du lin sur les marchés rendrait également l’investissement moins risqué, en étant rentabilisé plus rapidement, indique l’homme d’affaires.

Le projet en est pour le moment à ses premiers balbutiements. Des parcelles ont été testées au CÉROM l’an dernier pour déterminer le potentiel de différentes variétés. Cette année, d’autres tests seront menés en raison d’une pénurie de semences qui limite une production plus large. Le plan consiste à convaincre des producteurs de semer pour 100 acres de lin l’an prochain pour grimper ensuite à 1000 en 2026 et à 3000 en 2027.

Il reste encore plusieurs embûches à surmonter. Arin Gintowt explique qu’il doit trouver un partenaire pour la certification des semences et le traitement de ces dernières avant d’amorcer une production à grande échelle. Le potentiel du lin repose également sur la capacité à traiter la fibre et obtenir un produit de qualité. En Europe, les usines se trouvent à proximité des champs, dans un rayon de 200 kilomètres.

Différents modèles d’affaires existent également. Ces derniers vont de l’entreprise privée qui achète la fibre en assurant une partie des services, comme la récolte, ou encore suivant la formule de coopératives où l’ensemble des infrastructures et des opérations est géré par les producteurs. Et c’est sans compter sur l’expertise nécessaire à la culture du lin et de sa transformation puisque les meilleurs prix sur les marchés reposent sur l’obtention d’une qualité exemplaire, souvent déterminée au moment de la récolte.

C’est donc dire qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres, mais l’homme d’affaires, qui a passé plus jeune ses étés dans la vallée du Fraser où son père travaillait en permaculture, est convaincu du potentiel de la plante. Surtout, l’enjeu principal réside selon lui dans la capacité d’agir rapidement afin de profiter des prix avantageux sur les marchés internationaux. Il estime que les prix resteront élevés pour encore plusieurs années, le temps que les stocks se refassent, avant d’atteindre un plateau.

Malgré une baisse des prix inévitable, il considère que les attraits de la plante en font un choix plus qu’intéressant, d’un point de vue environnemental et à long terme, surtout dans un contexte de changements climatiques. Et le potentiel du Québec est plus qu’intéressant à ses yeux comme lieu de production en raison de la proximité culturelle. Des experts européens de la culture se seraient déjà montrés intéressés à traverser l’Atlantique pour tenter l’aventure sur nos terres, affirme Arin Gintowt.

Il recherche maintenant des producteurs qui seraient intéressés par cette culture très nichée. Idéalement, ces derniers montreraient un intérêt pour les produits durables en plus de pouvoir mettre en culture de grands champs, de 10 à 30 hectares, idéalement sans roches. Il faut que ces derniers soient également prêts à faire face à un niveau de risque élevé puisque la qualité du lin se joue au moment de la récolte, qui dépend en partie de la météo. « C’est un risque élevé mais une récompense élevée aussi », ajoute M.Gintowt. Il explique que les producteurs européens traitent la culture du lin comme celle d’un produit de luxe et tirent une très grande fierté de la qualité qu’ils arrivent à atteindre, un peu à l’image des vignobles.

Pour le moment, des producteurs des Cantons-de-l’Est ont manifesté de l’intérêt. Des essais auraient également lieu ailleurs, comme en Pennsylvanie, où le lin pourrait remplacer le coton qui demande beaucoup plus d’eau. Des tests sont d’ailleurs en cours pour fabriquer des jeans de lin, confie Arin Gintowt.

L’essentiel de son temps pour 2024 sera toutefois consacré à répondre aux exigences réglementaires et à trouver les partenaires pour y arriver, et à franciser le nom de l’entreprise pour le Québec.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.